(parole en marchant - 23 oct. 2017 à 18h41)
—> 1. « İl », il, lui, dans les rêves nouveaux, 205.
—> corrigé le 12 juin 2018, 22 oct. 2018
Au paria :
Étant oui devenu un paria pour tout le monde, il vivait caché dans la forêt ; mais son habitat demeurait sans cesse changeant, personne n’avait également compris qu’il se fondait dans la cime des arbres, dans des sortes de couchages qu’il montait mécaniquement avec une corde au bout des meilleures branches du végétal qui le supportait ; et son camouflage restait tel, que celui qui ne prêtait pas attention au faîte des arbres ne le distinguait pas du reste ; vous deviez exercer une curiosité suffisante pour le découvrir, jamais du premier coup d’œil on ne l’apercevait ; qui pouvait d’ailleurs imaginer l’existence d’une abritance particulière à cet endroit ; et comme par un malin plaisir, les arbres adaptaient leurs feuilles, les orientaient de manière à ce que la lumière ajoute à son mimétisme, et de là le rendre encore plus discret ; s’installait, pour ainsi dire, une forme de symbiose entre eux ; c’était des « potes » très certainement, ils s’entraidaient, se protégeaient mutuellement, cachaient à la vue du plus grand nombre et des assaillants, sa tanière ! Tous les soirs, à la tombée du jour, il changeait de couchage, et trouvait toujours un autre sommet sur lequel se reposer, le noir venu, la nuit venue ; c’était vraiment quasiment impossible de le détecter tellement son art du camouflage s’avérait prépondérant, à tel point que personne ne repéra la faille, et même ceux qui décrivirent véritablement sa méthode ne la conçurent que par hypothèse, s’imaginant qu’il ne pouvait procéder que de cette manière ; mais jamais, au grand jamais, personne ne le découvrit ainsi, au sommet de ces êtres immenses, si bien qu’il put s’écarter progressivement de forêt en forêt, de cime en cime, il put s’éloigner des cités trop présentes.
Il avait mis au point cette technique du mimétisme en tenant compte de ces méthodes de protection qu’utilisaient certains êtres, comme certains caméléons ou la pieuvre, ou certaines plantes ; des insectes, comme les phasmes, ressemblant à des brindilles nécessitaient qu’on les touche pour s’apercevoir qu’il s’agissait d’une chose vivante. Il avait perçu le monde, en avait compris certains aspects et dans son adaptation, l’avait agencé de manière à ce que son existence corresponde au mieux à ses besoins de survie. Il subsistait d’un strict minimum, se nourrissait de ce que lui offrait directement la nature, évitait ces nourritures industrialisées nauséabondes ; ou quand il se fondait à travers les hommes, il prenait leurs habits, imitait leur manière, de façon à paraître anonyme dans une foule, afin qu’on ne le remarque point ; « pour vivre libre, vivons cachés » ; c’était en quelque sorte sa devise. Son art du mimétisme dans les rassemblements s’avérait suffisamment opérant pour qu’on ne le distingue pas, à un tel point qu’il pouvait dîner un soir dans une auberge, ou dans un bistrot de nuit, discuter avec quelques rencontres, sans que l’on sache que c’était lui…
[…] Bizarre… j’avais pas remarqué ce chêne-là, tiens, c’est pas un chêne rouge… j’ai oublié le nom ? À vérifier ? […]
Le meilleur des camouflages c’est effectivement celui qui vous confond aux autres ; paraître anonyme, ne pas être remarqué, n’émettre aucune fanfaronnade qui vous fasse vous identifier ; c’était son talent, sa technique mise au point au fil des ans : « rester anonyme » ; sa gloire se montrait à l’inverse de celle du héros qui se pavane après son exploit accompli, lui, s’il accomplit des actes héroïques, il ne s’en vanta jamais, pour ne pas attirer les foules de l’ostentation, de la vénération ; perpétuellement, il persiste de ces êtres, qui pour se réaliser, ont besoin d’aduler ou d’admirer autrui, se trouvant incapable de satisfaire des actions à la mesure de ce qu’ils sont ; et la prouesse, de nos jours, représente une manière de subsister qui ne lui convenait guère, estimant que tous les jours c’était déjà une performance de durer ici, et plus le temps avançait, plus il considérait que cette situation allait s’amplifier au fil des années ; il vit bien que toute existence allait véritablement devenir héroïque à l’avenir, « donc plus de héros, puisque nous serons tous des héros, en survivant ainsi », affirmait-il, dans sa logique indéfinie et toujours mouvante. « Le banal accomplissement d’une vie, quoi de plus héroïque ? », il ajoutait cela non sans un contentement, cette manière de raconter, la belle pirouette de l’esprit, qu’il venait de vous asséner, comme un amusement, histoire de rire un bon coup ; de vous les répéter, ces mots, comme des petites massues faites pour vous réveiller « le jour où l’on s’ensommeille un peu trop, dans cet univers familier que représentent nos destins », ce qu’il marmonnait au bout du compte, et puis aussitôt se défilait, disparaissait si nous n’y prenions garde ; on ne le vit plus, désormais son monde n’était plus le nôtre…