(d’après texte (??) original du 17 sept. 2010 à 18h09)

—> 1. « İl », prolegomena, intermède… : 37. [af İ] déchéance, il se souvient de ce vieux mendiant…
—> version transposée le 4 juin 2017 à 11h38

Du voyage et leurs gens

Je me souviens de ce beau jour d’été dans la grande ville,
je vivais alors dans une de ces maisons à roulettes et motorisées, vous savez bien, celles-ci sont très en usages dans les terrains touristiques où l’on campe pendant la période estivale et dans des natures organisées ; elle fut acquise péniblement à force d’un labeur peu apprécié, mais que j’avais trouvé pour commencer mon périlleux voyage. Oh, j’en allais payer le prix, du confort et des désagréments pendant cinq ans.

C’était vers midi, au moment du repas, cognat à la porte de ma roulotte, un mendiant, un je-ne-sais-quoi, de ces bannis des villes, un malchanceux ; il me demanda « la pièce » pour combler sa faim, commander son litron, je ne savais… Après les quelques mots du salut et sans haine aucune, m’en vient à lui proposer de partager mon repas qu’il accepta avec surprise, son sourire laissait entrevoir encore quelques dents usées par la vie. Je ne me souviens plus de nos échanges de paroles ; ah si ! peut-être, qu’il arrivait du sud et du voyage lui aussi. Il resta à peine une heure…

Au moment de l’au revoir, nous nous embrassâmes sincèrement, c’est moi qui fus surpris cette fois, et il me dit qu’il priera pour moi aux « nostra dona de la mar ». Moi le mécréant, le misanthrope à mes heures, j’étais ému par la simplicité de ce sans-le-sou qui me donna une leçon d’humanité, me réconciliant un temps avec mes semblables… Nos origines nous différenciaient, nos savoirs nous divergeaient, mais qu’importe l’allure de ma roulotte était un signe, j’étais aussi de la route, j’étais des leurs par ce banal geste d’accueil, par ce repas offert, par ces paroles du bonjour sur le seuil, par je ne sais quelle idée, j’étais des leurs sans m’en rendre compte…
Gens du voyage, d’ailleurs, comme de n’importe où, je m’en fous, moi, que l’on vous appelle nomades, sans-abris, vagabonds, exilés, apatrides, kalés, forains, cyganes ou errants, dans ma partance dorénavant je suis aussi des vôtres, j’avais oublié, pardon…

Que m’importe à moi, si j’habite ici ou ailleurs. Vivre en paix serait notre meilleur lot, une coexistence apaisée, mais d’autres y voient déjà une guerre ; ces ballots à la maison immobile, haïssent votre peau, votre teint ou vos manières, vous, les étranges étrangers toujours en ballade, cela déplaît au citadin, à l’homme bien rangé, ses ignorances bien encrées, jalouses ces voyageurs éternels ? Quel méfait ont-ils réalisé ? Même si parfois le brigand se mêle à eux, ailleurs est-ce mieux ? J’ai des doutes ?

Aujourd’hui, la vie m’a posée là par défaut, à force de ne plus avancer, je ne sais plus trop.
Avec les ans, à force de vivre, me finissant petitement, on en vient à rester décidément où le temps nous a déposés. Nos vies sont des transports inexorables vers notre fin, là où commence un nouveau voyage.