(texte (??) – 1er nov. 2016 à 20h03)

—> 1. « İl », intermède… : 39. [İ v é] seconde variation, il a dit…

« Je dirais de toutes les postures de l’âme. D’abord, à l’étude de cela, ne m’est venu que le vide… le rien, cet inconnu, une absence de commentaires, au fond de moi-même effectivement rien ne s’éveillait à la contemplation de quoi que ce soit, j’en conclus donc que le silence et son observation rigoureuse devaient devenir mon premier contentement et je m’y attelai exactement. Pendant de longs jours, j’ai exploré ce silence en moi, vu que je n’avais à entendre aucune parole autour de moi, n’en subsistait pas plus au tréfonds de moi la plus petite, la plus minime des voix…
Elle devenait la première véritable méditation, sans aucune intelligible reconnaissance de quoi que ce soit, le vide et le silence allaient de soi, quand parfois au-dehors, crépitaient les vents de sable sur ma cahute dérisoire ou d’autres soirs j’entendais les pas d’une bête errante, leurs cris illusoires à mon discernement. »

« Je m’habituais à cette abstinence quand par inadvertance, au plus profond de ma concentration se mit à naître ce que j’appellerai comme un premier éveil. À partir de cet instant, aucun mot ne s’imposèrent, ni des paroles ni de quoi que ce soit, ne m’apparut qu’une ouverture soudaine aux réalités du monde ; ses bruits, sa lumière et son noir, la pâleur du soir, les couleurs avec leurs nuances, la granulosité de la pierre, mes accoutumances sans prière, ma mangeaille rudimentaire, ma pisse malheureuse et mes chiures dérisoires, tout cela m’apparaissait différemment, avec une perception fine et sans égal ; la clairvoyance non pas d’une extase, qui peut-être vous aveugle, mais d’un discernement précis si difficile à exprimer que je n’en trouve aucun mot pour le définir, c’est au-delà de l’entendement, c’est plus loin que de tous nos sens ; j’en reste encore tout éberlué tant cette perception m’ouvre des horizons insoupçonnés ; et parfois, je m’interpelle, je m’en estime indigne, mais je finis toujours au bout du compte par accepter ce don, ce qui m’épanouit à la nature, à l’univers, au cosmos, à l’infini, à l’éternité, aucun mot ni langage ; aucune expression n’arrive suffisamment à définir cette ouverture au monde, si surprenante, non, je n’y trouve rien ! »

« Ce fut donc d’abord, de ce premier éveil, que sont venus les autres, affinant ma perception de tout. Je pus à partir de ces instants, approfondir les tourments de mon âme et les confronter à la mort de mon ego qui m’en révéla des détours insoupçonnés. Oui, la vie vous modèle à partir de ce que vous vivez et aucune véritable maîtrise ne vous en donne les commandes ; et selon que vous naissez riche, pitoyable ou pauvre, protégé, pouponner, ou laisser à l’abandon, vos chances deviennent très inégales et beaucoup crient à l’injustice de ce partage inexorable du destin. Comprenez bien, à propos d’intelligence, si l’infortune vous élève au rang d’un renégat chassé de partout. M’arriva presque cela, sauf que j’ai eu un peu de chance et pu m’instruire suffisamment et apprendre à écrire, à lire convenablement pour ne pas mourir idiot et me laisser déposséder de tout. Cette maigre chance me permet ici de vous donner ce récit, celui de mon éveil, que cela se doit d’être dit ! »

—> 1. « İl », intermède… : 40. [İ v é] énième variation, il a dit…

« Je dirais encore de cet éveil, des mots, l’approchant à peu près pour pouvoir atteindre vos oreilles et autorise, ne serait-ce qu’un début de perception de ce qui m’émerveille, sa contemplation. Mais comprenez bien, je ne demeure pas idolâtre, d’icônes, vous n’en trouverez pas, mon éveil ne m’apporte pas cette croyance-là, non ! Le grand paradoxe de tout cela c’est que vous m’avez demandé d’écrire sur ce qui ne se commente pas ni ne se prononce, sur l’indicible, je crains de ne pouvoir atteindre une maîtrise suffisante de ce dessin-là. Je vais quand même essayer d’en peindre la plus fidèle perception possible avec ces mots si imparfaits, tellement chargés d’histoire de leur sens et de leur mémoire, ce qui brouille l’entendement. »

« Mais de quoi donc a-t-on construit cet éveil, d’une absence au-dedans ? Je n’y trouve effectivement rien ! seulement des perceptions, des nuances, des tensions, des variations, des modulations, une multitude d’infimes choses que peu d’entre nous arrivent à discerner ; tant de détails restent insoupçonnables à nos sens. Comprenez, il s’agit là, probablement d’énergie, nous traversant perpétuellement, comme la lumière du soleil ou des étoiles qui ne cessent de nous baigner dans leurs rayonnements réciproques, nous n’en percevons qu’une minime partie et elle s’avère tout à fait insaisissable ; nous sommes imprégnés de tout cela et parfois une étincelle se produit au fond de moi et me donne un éveil, un nouveau discernement, la découverte d’une particule qui s’entrechoque avec celles de ma carcasse. La matière des choses ne nous est pas expliquée, nous n’en comprenons pas forcément toutes les compositions, comme pour le bois, je vois bien ce qu’il représente, cette matière vivante des arbres ; en percevons-nous toutes les nuances et comment ces êtres immobiles puisent-ils à la terre tous les éléments de leur constitution, de la lumière, du soleil, des eaux pluviales, et qu’ils l’abreuvent ; puis ses fruits, mangés par l’animal, aux alentours et en répandent les graines du noyau pour ces descendances. Tout cela s’égrène dans un écoulement où le cycle de la vie y apparait très prépondérant, où tout ne demeure que par recommencement. Voilà, cet éveil a renforcé ma conscience de tout cela, où le temps n’y existe pas, tout reste là présent et diversifié si finement, j’en tire une perception à tout ; impossible, vous le comprendrez bien, d’en égrener tous ses constituants, la vie des hommes n’y suffirait pas. »

« Je dirais enfin de l’âme, que devrais-je en appréhender, ou plutôt, de mon esprit, qu’ai-je à en raconter ? Que c’est un reflet, une perception de vous, un entendement de vous, que vos actes vous renvoient aussitôt, comme le miroir vers autrui et sa compréhension de lui, car nous apparaissons tous identiques, nous les humains comme tous les autres êtres vivants, tous bâtis sur une structure analogue de duplication, comme vous qui m’accueillirent ici ; vous et moi et le reste de notre espèce, je le vois bien, je le sens bien, nous sommes tous frères et sœurs, nous demeurons tous reliés au même édifice ; un processus aux rouages identiques raccordé à celui-ci, cet élément indescriptible dans sa totalité que représente la vie, cette animation, une mouvance, qui laisse à chaque renouvellement, après chaque mort, ce petit message, cette infime information de notre histoire, qui reste un peu dans notre mémoire et qui se transmet à travers ce qu’on appelle le souvenir, voient donc cette compréhension que j’ai de mon âme… »