(texte manuscrit - le 10 juill. 2018 à 21h45)
« À trois ans » : il ne savait pas encore mettre des mots à ce qu’il éprouvait, mais les sensations et les humeurs de son corps parlaient pour lui, les mots viendraient après, quand il aura l’âge de comprendre ce qu’il était.
Avant de comprendre justement, il éprouva ces sentiments au creux de sa chair, tout imprégné de ce tourment naissant ; il éprouva oui, avant de saisir l’influence que cet événement aura sur son avenir. Quelle porte cela lui ouvrait-il ; c’était qu’il n’y comprenait rien alors que ce qui le compose, ces multiples êtres infimes (bactériens) et toutes ces cellules (vivantes) en avaient saisi déjà la teneur, comme un frisson, une sueur, et les premières idées d’un démon ; pour le hanter, dorénavant, jour et nuit… Il ne sera pas comme ses camarades, eux que la vie animera sans encombre, pensa-t-il plus tard. Peut-être se trompait-il ? Il ne savait. Il allait donc apprendre à connaître ce corps qui l’anime ; il comprit ce lourd secret en son dedans, le découvrir (il devait). Cette chose l’anime tant, entre un repoussement et un épuisement de celui-là, sa carcasse n’a rien à cacher pourtant, c’est lui, il ne la comprend pas totalement ; son éducation sera longue…
Peu à peu, au fil du temps, il comprit ce dédoublement en lui, entre son émergence et sa conscience ordinaire, là où il pouvait y mettre des mots, de plus en plus clairs, chaque jour naissant, et l’autre lui, qu’il ignore totalement, cette émergence sous-jacente, la reine de tous ses sens, de toutes ses inspirations ; ce mécanisme très ancien qui fabrique toute (formes) animer que les hommes appellent la vie, sans en reconnaître les fondements ultimes. Eux et lui, c’est pareil, ils sont l’écume sur la vague et non son ventre ; un effluve, une vapeur, résultante d’une eau échaudée, une agitation de la matière, une manière qu’elle a de sans cesse changer de forme, de changer au fil du temps, oui ; ignorant de tout cela, ils se croient seuls au monde et ils voudraient (prétendent) être les maîtres du monde, mais pourquoi donc, une idée comme ça, venue d’on ne sait où, les titille, comme un amusement donné dans la cour des enfants, pour les agiter et voir comment ce stratagème les démène par-devant. Il a fière allure ce cheminement, à leurs yeux, éblouis d’un tel entendement.