(parole électronisée - le 22 août 2018 à 23h29)

Imaginez cet instant arrivant devant vous, il faudra bien y croire puisque vous en êtes le seul témoin. C’est un déplacement du vent, c’est un instant de fugacité qui mérite une attention, c’est aussi un rayon futile qui s’immisce au creux de l’événement, un rien qu’une inattention fugitive ferait manquer ; cet instant est si court que vous risquiez deux secondes auparavant par un geste inopportun, le manqué ; mais le coup du sort fit que votre attention était très présente à cet instant avec un éblouissement au-dedans de vos yeux, puis un mouvement d’air, envol de vos cheveux… l’instant passe, vous semblez heureux ?
Il aurait suffi d’un rien pour que vous ne puissiez témoigner de l’événement qui maintenant tient. Il vous interpelle tellement que vous dites à votre mémoire « devrais-je m’en souvenir de cet éblouissement soudain ? »
Dorénavant et dès maintenant se pose une question au-dedans de votre esprit, une interrogation : devrais-je en parler de cet instant fugace ? Ou me taire à jamais ?
Alors il n’y aurait aucune autre mémoire que la mienne pour garder cette souvenance au creux de ma cervelle ?
Devrais-je ne rien dire pour que personne ne sache ? Cela a-t-il de l’importance de révéler cet instant si fugace, en faut-il de l’audace pour si peu : un éclat, une bourrasque ? Devrais-je m’en mordre les doigts de ne rien dire… et si je le disais qui me croira ? S’éterniser dans de telles descriptions, faut-il que je répète son éruption ?
Je disais un vent, à moins que l’éclair arrivât avant, la lumière est toujours la première… oui l’éclat résonna au creux de moi et me fit pâlir par un je-ne-sais-quoi de si soudain que je ne sus quoi dire au début, ni même comprendre ; c’est alors que la bourrasque arriva, oui maintenant je me souviens, ce fut une simple virgule d’un mouvement d’air, mais la senteur apportée était jouissive après cet éclat, il m’a transporté. Et vous voudriez que je cache cette histoire à l’entendement de tous ? À moins que je mente, que j’invente encore un mythe, il en existe tellement de nos jours ; un de plus, la belle affaire ; personne ne me reprochera cet égarement de l’esprit, nous inventons tellement… Et cet instant remémoré, pourquoi s’est-il tant gravé au creux de ma mémoire pour que je puisse « d’un trait » raconter en son entier sa trajectoire, celle qui me traversa. Bravo le temps ! Tu as bien fait, je ne méritais pas tant, encore un de tes méfaits ; celui-là n’est pas bien méchant, il est vrai ; ma mémoire se tarit maintenant et je sais, à cet instant, je dois me taire.