(texte manuscrit - début 2018)

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Indirectement, il pensait à tout cela : le vol de l’oiseau vu de sa fenêtre, la sueur de son dos qui lui indiquait une froideur de ses os, l’excroissance au fond de sa bouche, une gêne qu’il frotte avec sa langue ; tous ces mythes qu’il observe et ce nuage indistinct microbien, un « habitement » au-dedans de lui, il n’y peut rien. Est-ce eux, les protagonistes de sa mémoire, de ces rêves, de ces histoires, il ne sait où s’arrêtent tous ces propos qui l’élèvent ; comme de percer le mystère de sa défroque, illusion ou révélation ; cela le rend dubitatif. C’est à s’y méprendre, tout être n’est pas seul, il forme une émergence mobile à la quête de la moindre bouche ! Du corps, sa nourriture, de l’esprit sa divergence et le désordre de ses actes, ses influences ou sa ténacité à préserver sa carcasse contre les aléas de sa présence ici, on ne naît pas où l’on voudrait ; au début, un hasardeux mélange organise toutes les cellules et les substances de son devenir…
à un moment précis, un détachement indécis se précise, une étape est atteinte dorénavant, il convient de naître comme la nature a voulu, c’est ce qu’on lui doit ; batifoler sur cet entendement serait ma foi bien présomptueux, on ne naît pas de sa foi, où on naît parce que c’est comme ça ! Un sort pas toujours enviable. Regardez les tortues de mer (à leur naissance) sortir du sable de la plage pour aller le plus vite possible se fondre dans l’eau de la mère nourricière, déjà dévorée par les oiseaux de passage et bientôt tout prédateur au creux de l’océan ; sur mille, combien en réchappent ?
Voyez comment nous tentons de préserver nos propres pontes, le soin que nous y mettons. Voyez, au creux de la savane, dans les pays affamés, ce même soin désemparé où l’on se démène tant et peut à pondre aussi et crever aussitôt sous les assauts ennemis ; la pourriture a déjà atteint le nouveau-né, abandonné par une mère absente parce qu’abattus par une horde envahissante, des rebelles tuent pour effacer la trace de leur déraison dépérissante. Un contraste étonnant face au confort de nos maternités luxueuses ; tous, nous n’avons pas les mêmes chances dès la naissance ; une loterie peu soucieuse d’une égalité, la vie forme des êtres et les défait presque aussitôt après un méfait opportuniste, elle refait sans cesse, au bout, en reste quelques-uns ; cette répétition n’est pas encore tout à fait comprise dans sa totalité, elle maîtrise pourtant ; méfiez-vous des méprises.

Qui parle de conscience, volatile, elle le reste, tantôt, mille en moururent de n’avoir pas eu assez de temps, d’en acquérir suffisamment de ce précieux déroulement, pour vivre ne serrais-ce qu’un éveil, quelle qu’il soit (ils sont légions, cela va du cloporte à l’animal le plus prépondérant, en pansant par l’infime bactériophage, un œuf écrasé, un soldat tuer, une libellule gobée…). Qui parle de votre conscience de ce temps, en avez-vous eu, de la chance, de naître comme il faudrait avec tous les attraits d’une justice prévenante. La conscience, c’est ce qu’il nous reste quand nous avons eu cette chance, de perdurer, de s’instruire du monde comme il est, de se nourrir convenablement, d’avoir des amitiés, de partager, d’avoir de quoi aimer enfin, parce que ce serait notre destin ? Mais vous rêvez, réveillez-vous ! Ce n’est pas cela la vérité, elle est bien plus claire que cela, elle ne mâche pas ses mots, toutes les images de nos radios et les sons des TV nous les montrent, votre imaginaire fait cette inversion, le monde est saignant ! Le moindre râle comme le mien en ce moment reste une chance inouïe de laisser une petite trace de sa conscience, celle d’être là à cet instant, dans la pénombre d’un abri, sous un toit quand il pleut dehors et qu’il fait froid l’hiver, ou qu’il tombe des éclats d’obus à la moindre guerre inévitable. Cette vie balbutiante de déraison s’entre-tue pour de vulgaires raisons, toujours les mêmes : la folie, la folie ordinaire et sans passion, au moins ceux-là ont de quoi s’occuper, ils tuent sans raison, c’est une occupation comme une autre. Où voyez-vous de la conscience là-dedans ? De la vie laissée à l’abandon, comme la nôtre au bout, vous y verrez toujours un désastre qui pue !