(texte (??) - correction du 11 oct. 2016 à 15h45)
C’est une histoire même pas pieuse, des monts Ouljourech Matunamech ; sur les rives australes du grand fleuve dépérit, vous savez, celui qui ne s’ébroue qu’après les hivers, à la fonte des eaux gelées, ces glaces dépecées ajoutées à des poissons aussi malmenés qu’une coulée boueuse, leur tracas indéniable avant de périr ici ; aux hommes donnait une pêche heureuse.
Sur les rives Attunamech, cette vague langue de terre, aux abords d’une berge, ainsi y subsistait un vaste village où une peuplade incertaine vivait de ses offrandes et de cette pêche miraculeuse et très brève, sur le grand fleuve dépérit.
La rudesse de la vie et le désert tout proche expérimentaient des ravages incongrus sur cette population miséreuse, où les temps au soleil accru, évaporant toutes eaux au milieu des ans, quand des souffles attiédis embrumaient les habits d’une chaleur ocre, se mêlaient aux rôdeurs avec les relents d’une mort presque inévitable ; cela provoquait de grands embarras, entre ces murs couverts de pierres, qu’on disait habitables. Les enterrements constituant une perte de temps, on les laissait, les dépouilles, sur des abords appropriés, pour des charognards habitués à ce rituel si particulier. Fallait-il donc que ce fleuve amoindri devienne si généreux, au moment des crues, pour qu’on y habite auprès de lui, à souffrir tout le long du reste de l’année, là où il s’évapore presque totalement pour renaître à nouveau l’an suivant, et qu’ainsi, ce miracle régulier des saisons demeure leur principale raison d’y subsister.
On crevait ici sous l’abondance des orgies, de la curée, des crues et des brûlures ravageuses de la fournaise d’un astre intransigeant et sans pitié. On n’y trouvait aucun entre-deux, ce temps du répit avant chaque basculement, ces sortes de printemps ou d’automne des zones tempérées, non, c’était tout ou rien. Malgré tout, la plupart restaient, évitait toute transhumance, ce qui nous aurait paru souhaitable, voire même raisonnable… La terre a ceci de terrible, elle vous attache comme une ancre indéracinable, alors de là à la quitter, vous perdriez un maigre patrimoine somme toute essentiel, pour celui qui vit de ce peu, sur les rives Attunamech !
Parfois, les voyageurs égarés qui se déroutaient vers les fumées des cases visibles au loin, espérant un repos pour se ressourcer après leur grande traversée du désert, restaient toujours surpris par l’accueil improbable des habitants. On les ignorait, soit trop obnubilé par la faim, soit trop occupé à pêcher enfin ; de drolatiques farandoles, devenues les besognes nécessiteuses de la survie où les égards vers autrui apparaissaient évitables jusqu’à l’ennui, aucun repos n’était rendu possible. Oui ici, tu es tout ou rien. Cette vie binaire avait ensorcelé les habitants et leur avait attaché des racines si profondes que seul un séisme très éprouvant pourrait entrainer un bouleversement d’attitude, un réveil de l’étourdissement et rompre ainsi le charme.
C’est peut-être pour cela que cette populace à part semble prostrée dans un rituel qui n’est issu ni d’une pénitence ni d’une évidence ; si leur résignation apparait à nous, limpide, elle resta invariablement fort dérangeante pour celui qui les fréquenta et put s’en détacher, jadis, sans grands dommages…
Du plus lointain dont on se souvienne, ce peuple sembla toujours innommé…