(texte électronisé du 2013-02-06 2h45)
(récit original)
vous verrez
la fin est adéquate
« Curieux de tout, encore, études du dedans et du dehors de son crâne, accomplies, après avoir trouvé les terribles incertitudes où crève votre ingratitude toujours tenue. Lassé de tout, la mine réjouie, avec des élans soudain et bref, reprenant des jeux d’enfance et puis d’autres, comme un intermède, il décida enfin, de parcourir les lointains horizons. »
Il faut vous dire, avant de décrire son errance, qu’il fut trouvé, à la fin du périple, semble-t-il ? Allongé sur le sol, inerte et sans vie apparente.
On l’aurait dit, plongé dans un sommeil immense, une léthargie innocente, ne sachant d’où elle fut venue, il était là, tranquille, étendu, apaisé, le corps en attente d’une décision suprême, celle des hommes, celle de son destin, certainement, son sort allait être débattu.
Peu à peu, une assemblée, comme pour le veillé, c’est organisé tout autour, dans un grand calme, tout doucement. Puis, quand la réunion fut nombreuse, un ancien, très solennellement, prit la parole. Il disait le connaitre depuis longtemps et dès lors une légende s’immisça dans ses mots. C’est alors qu’un combat nouveau et étrange perturba le narrateur, il avait du mal à dire certains mots…
Il semblait bien qu’İpanadrega, malgré sa dormance, tentait de contenir les dérives du vieillard qui voulait inventer un mythe sur le champ. Et c’est à travers tout cela, que les témoins de la scène nous rapportèrent en détail, la drolatique histoire de ce moment des hommes.
Alors, comme la légende semble inévitable, nous vous dirons que ce sont quatre voyages nés de l’imaginaire, des sens et des sentiments.
la voix
la vue
la sueur
la peau
*
Vous dites
« la voix de son être l’accable »,
mais personne ne l’a entendue…
Parce que cela devait être ainsi, Ipanadrega rencontra un errant, un pèlerin, vivant de croyances et de pêcher, là c’est son affaire… L’homme de peu, de rien, l’invita pour un manger et un repos, dans un cloître en-montagné où il ne put s’empêcher… Des songes…
C’est la première fois que je dors dans un lieu aussi désirable, on avait mi le nord de manière confortable, au mieux des principes du jour, de la nuit et des aurores boréales. Le lit très confortable, bien que petit, abrite juste un corps, mais cela suffit amplement au repos de l’âme. C’est ma bonne fortune du moment… J’avais vu en d’autres lieux, des paillasses moi réjouissantes avec des lits amers où surgissent punaises et cancrelats, les salissures du désordre et de la misère.
J’ai longtemps médité des soirs jusqu’à l’aube, aux midis et certains matins, des jours sans fin, à m’occuper de peu, avec un pâle repas que l’on digère et se sente bien. Voir le paysage des flots, les brumes s’évanouir et ne plus penser à rien…
Au mont Athos où l’on dit des prières inversées pour tranquilliser la populace des grands soirs de messe, un prieur ôte sa chasuble et donne le saint sacrement à la myriade des bienvenus, adoubés ainsi par un Dieu inconnu des yeux, que le vin chrétien, le sang du raisin, devenu pour l’occasion sacrée, entretienne la petite ivresse pieusement bue…
Voyez-le, ce soir
il s’est brouillé de paroles
avec une rencontre coutumière
les mots ont pris de la fatigue
et lui ont tapé dessus
des ragots et des obstinations imbéciles
maintenant,
il régurgite
il mal à l’aise
il mal au cœur
c’est pas l’heure
faut pas le déranger
il faut vous en allez,
mais pas trop vite
dite au revoir
assez lentement
Mélancolique et charmante, la dame du préjudice, s’est introduite comme précédemment dans un à-propos, mais oui, que disiez-vous ? Oh trop rien, peu de choses, je passais par là et vous m’avez accosté, souvenez-vous, j’étais auprès d’un homme sans chemise, aliter et bien mal en point. C’était vous ! Au temps jadis, un microbe désœuvré avait vaincu votre élégance naturelle et le lit faisait de vous un bien beau malade pour la savante médecine, très accaparée à décortiquer vos viscères et dénicher l’intruse contamination qui vous pourrissait.
Ces jours-là, on a de noirs désirs et c’est le visage d’une enfant, un babille charmant qui vous ramasse un sourire délaissé et le porte à vous comme une douceur des îles, avec du lait de coco glissant entre les dents comme un réjouissement élégant…
*
Vous dite
la vue de son être me peine,
mais personne ne l’a vue…
İpanadrega a croisé, un jour excellent, un être accolé à une pierre, les yeux fermés, exposé au ciel et qui déclarait solennellement « vivre de lumière ».
Après le bonjour et l’accueil, l’homme peu bavard, ne se nourrissant que d’eau et de quelques autres liquides cachés, avec du soleil au creux des yeux pour se donner un genre.
Il avait le teint blafard, comme s’il allait s’éteindre incessamment. De son corps suintaient ces mots : je vais te tromper !
Il puait le cadavre, malgré des étincelles dans sa vie.
İpanadrega, homme simple et peu instruit, songe
Pourquoi donc renier ce que donne la nature, ses fruits, ses blés…
Étrange être que celui-là…
Imaginez ! Vous êtes aux affaires et un grand-duc, vous asperge d’ordres des plus vils dans un mépris très énervant. Vous détestez ce méprit et encore moins les ordres. Vous vous dites, « il n’a pas la manière », cet homme immoral vous déprime tout le jour et c’est avec l’arrogance d’un seigneur que vous lui refusez vos dernières obéissances. Il en est surpris, au dépourvu il vous frappe et la réplique est cinglante, vous avez la détestation des armes et pourtant résistez à son dédain.
Des grands paysages capricieux aux lunaisons exquises ont digéré sa course les soirs, fatigués par l’outrance du jour, il a mis beaucoup de nostalgie dans tous ses propos ; c’est que le monde l’étouffe, la nuit venue, une halte, le repos jusqu’à l’aube, ce n’est pas terminé…
Aujourd’hui, vous faite une prière
au temps qui ne sera pas
et pourtant l’était un qui ne dira plus
Aujourd’hui, la musique !
Aujourd’hui, des tonnes d’eau, la nuisance étale le haut qui mouille…
*
Vous dite
la sueur de son être me lèse,
mais personne ne l’a senti…
Ipanadrega visita une cité en guerre d’où s’élevaient des fumées innombrables et des bruits d’enfer…
C’était une cité de forgerons, toujours travaillant pour s’armer et s’entre-tuer en d’incommensurables endiablées, dès l’outil mortel terminé. C’est à celui qui aura trouvé le meilleur ustensile, de prendre la tête d’une armée et de vaincre les rues remplies des adversaires du jour. Aujourd’hui, c’est l’homme à la dague bleue, enduite d’un poison rare, qui gouverne la bataille…
On lui proposa d’essayer, avec un simple coutelas, de dépenailler un passant attardé, du bord d’en face. Mais il ne fut point tenté, Ipanadrega, c’est dit, ne tuera point.
Esprit pourtant effilé, vif et ardent, prêt à tuer à la moindre incartade, le maitre des lieux semble raffiné, joue du luth et s’habille aux couleurs de l’océan, d’un outremer très profond. Il aimait à dépenailler l’adversaire, c’était une tradition, un rituel, une maladie, une manière de s’agacer.
Pourtant, le temps a modifié cet usage, des êtres trouvères cela ennuyant à force, on se lasse de tout et ce fut un jour ou peut-être une nuit, dans l’embrasure d’une porte qu’un fin couteau acheva l’homme en bleu, son sang mélangé à l’habit dans un mauve éclatant, au deuil idéal, brûlé sur un buché d’encens, comme pour se laver des crimes précédents, il disparut…
*
Vous dites
la peau de son être est saine,
mais personne ne l’a touchée…
Jugé comme on juge un esclave, le verdict sur son enveloppe charnelle était tombé comme une sentence incontournable. On s’étonnait de son apparence et qu’elle n’eut pu servir autant que son entourage le voulait. Le toucher était invraisemblable, il n’avait décidément pas la manière commune des usages ni le plissement où le frottement des corps s’obère jusqu’à l’épuisement.
On avait du mal à le considérer comme un des nôtres, disaient-ils…
İpanadrega était couché sur le sol, endormi pour faire un somme, dans ce qu’il y a du plus banal repos des hommes.
Il fit un vaste rêve où séjournait tout le gotha des plaisirs les plus fous, de la tendresse et de l’harmonieuse vie idéale.
Final éclatant !
*
Voilà
le voyage se termine
İpanadrega en a assez vu
le jour du dernier souffle arrive
Il se dit à lui-même
Ayant vu le monde comme il était pénible et sans grand intérêt. Ayant postulé à toutes les entreprises du genre humain, leurs facéties, leurs manières et leurs dédains. Ayant mille raisons de feindre, rire ou pleurer, toutes les humeurs ainsi explorées. Estimant avoir fait le tour de la question, de son sort et du rôle qu’on lui fit jouer. Avec une grande plénitude et dans la solitude la plus absolue, il décida de s’initier enfin, à la dernière aventure possible, celle des rêves éternels où tout s’évapore peu à peu dans une infinie douceur…
Je voulais vous parler de l’endormissement, de toutes les sortes de manières et de son endossement. Force est de reconnaitre qu’il s’agit là d’une étrange manière, la chute de ses membres jusqu’au bout des reins que l’on endosse pour un rien, sa métaphore et le vide qui lui va décidément si bien…
drôle ce monde où tout un jour pourri
ma vie s’en va nourrir les vers comacs
me suis beaucoup ennuyé
ils ne sont pas drôles ici
allons vieille carcasse
je te quitte, te dit adieu
m’en vais vers d’autres horizons
trouver un sens à ma raison
Et il se tut…
Aujourd’hui İpanadrega n’est plus
le vent l’a perdu de vue
chose entendue