(texte manuscrit – commencé le 13 mars 2019 à 23h30 et terminer le…)

—> 1. « İl », épilogue 234.
—> corrigé le 18 août 2019

(page un) Vous me parliez du sentiment, celui que l’on tend au bout des bras, pour cette reconnaissance de quelques-uns comme soit. Vous lui disiez « on aimera ! » et je vous répondais « vous aimerez quoi ? » Par cette question insidieuse, je vous amènerai jusqu’au bout de vos doigts une idée que l’on pourra toucher, oui, se faire une idée de ce soi-là, malgré la voix des foules, des voisins, des amis, ennemis ou je ne sais quoi, ils vous amèneront à d’autres sentiments justes pour votre égarement, juste par passion. Devriez-vous renier le reste ou dire au moins ce qu’ils en laissent, vous empressez de rédiger une lettre pour l’amour de l’autre, pour aimer ce sentiment, cet affect démuni souvent ? Je vous répéterai cette question qui finit par un « Quoi ? » interrogatif et d’une petite voix douce, avec insistance, vous me répondrez « la vie ! » Ah ! Oui, c’est trop facile ça ! Trouvez une autre réponse, car ici on s’ennuie, cette vie-là est intolérable, vous devriez changer de lieu, d’existence, que ce soit beau votre parcours. Avoir de la chance, être né au bon endroit…

(page deux) Pourquoi riez-vous ? Ce sentiment, en avez-vous peur ou encore faut-il ajouter à votre malheur, mais quoi, vous affabulez, c’est n’importe quoi ce saignement de nez, une émotion maladive, vous vous engluez dans des stratagèmes qui vous dépassent, soignez cette hémorragie avant qu’elle n’empire et dévaste tout en vous. Votre carrure ne fait pas le poids, soyez arrangeant, négociez, faites des aveux, mettez-y une pleure ou deux, vous savez si bien les attendrir, ils ont une manière les hommes, de s’émouvoir d’eux au détriment du reste, comme s’ils n’existaient qu’eux sur cette boule, cette planète, la terre de leurs aïeux. Ils vivent comme si c’était un monde dédié à leur seul désir. Vous parliez d’accaparement, vous aviez raison, ils accaparent tout, mais ce n’est pas uniquement de leur faute, le petit programme au-dedans d’eux, celui qui les agite et les mène par le bout du nez, les fait obéir à des humeurs détestables, ils s’émeuvent pour un rien et réagissent dans un désordre étonnant, mêlant haine, amour et déclin au-delà du raisonnable, de la juste part des choses entre le trop et le pas assez. Vous devriez y réfléchir plus hâtivement à ce qui vous démène au-dedans de vous, je vous le disais tout à l’heure, un petit programme vous agite et se sclérose, vous devriez relire (page trois) quelques lignes trop vite lues, une part subtile a été ignorée, un potentiel inattendu, la part des autres, la part du partage et de la mesure ; vous connaissez déjà la musique sans en comprendre pourquoi cela vous émeut, ces sonorités vous séduisent, aucun mot ne suffirait à décrire ces sensations, c’est au-delà… Justement, au-delà, levez-vous et par-dessus les vibrations que perçoivent vos oreilles et votre carcasse, osez un sens de plus, osez le détour, osez vous épancher de cette nouvelle scène, elle en vaut le détour, vous n’êtes pas seul, et ôtez-vous cette niaiserie de l’esprit « le monde est amour ! » vous croyez à cela ? Ôtez le mot « monde », remplacez-le par n’importe quoi, vous verrez, cela fait le même effet ! Comme une tromperie ingéniée par plus savant que vous. C’est très facile, il suffit d’avoir quelques milliards d’ans et d’être construit de la plupart des briques de cet univers et cela « marche », fonctionne comme sur des « roulettes », le leurre est accompli ; votre « amour » lui, par contre, n’a rien compris ! Ce n’est pas la même démarche, vous devez vivre à tout prix, vous nourrir et travailler pour survivre évidemment, le sort de toute existence en ce bas monde, n’est-ce pas ?

(page quatre) Mais ôtez donc cette idée d’un « amour » constant, vous devriez en rire, me dire « ça dépend ! », « de quoi ? » vous dirais-je, et vous me répondriez « de l’air du temps ! » Oh lala ! Que de banalités en si peu de mots ! Cette pirouette de votre esprit m’aura un instant berné, « pour passer le temps » me dites-vous ? Ce n’est pas si sûr, l’expérience que fait le vivant de vous, comme de moi, c’est d’expérimenter en toute chose toutes les humeurs et il n’y en a pas tant. Certaines seront cachées, il vous faudra aller les découvrir au fil du temps, effectivement ; mais d’autres seront rebelles, ces humeurs-là vous décourageront, vous serez très agité et de grands efforts seront à accomplir pour préserver votre sort. Ne soyez pas circonspects, la voie en vaut le détour, ne regrettez rien, à votre suite, certainement on suivra votre tentative, juste pour voir comment ça fait, parce que la vie est curieuse et tente tout ce qui est à sa portée. Là d’accord, vous pouvez enfin rajouter à ma parlotte maladive ces quelques expressions venues de votre tête, de votre entendement, ces mots dont j’ignore encore le pourtour, le décor, la petite information du bout de votre âme…
(page cinq) Que disait-elle déjà ? Ah ! Vous ne savez quoi répondre, tout comme moi, demain peut-être, vous souriez et moi aussi par conséquent. Quel idiot je suis, n’attendez pas qu’il arrive (comme ça) ce demain inévitable, vous pouvez avancer vers lui tranquillement en accomplissant votre besogne, votre ouvrage… mais je disais quoi déjà, tout au début ? « Tourne les pages précédentes et tu verras ! » Non, non ! Je veux me souvenir, je disais quoi déjà ?… Ah oui ! Interpellé un, ou une, incertain, incertaine, je ne sais et user de stratagèmes pour élucider un discours et comprendre ce qui me vient du dedans de la tête, établir un long discours incompréhensible du dehors, vous disiez quoi… « mais où veut-il en venir ? » Voyez le décor ! Je disais quoi déjà… au début ? Je parlais à travers une fausse certitude d’un amour « mal barré ! » au sein des hommes, comme un désaveu, un désamour, sans détour ? Ce n’est pas si sûr, l’instinct agit sur ce que nous sommes, la formule génitrice de nos tempéraments à plus d’un tour dans son sac, elle marmonne une parodie nauséeuse qui nous humecte l’âme avec un certain délice, elle inspecte nos âmes, c’est ça ! Oh ! Quelle malice, quel stratagème intelligent, la vie à plus d’un tour dans son sac ! (Est-ce une banalité de le répéter incessamment ?)

(page six) Eh, vous, sans le savoir, vous vous prélassez dans cette rumeur, vous êtes tour à tour humble, clochard, roi, fainéant, politicards, dictateurs, sans âme, et détracteurs d’un monde sans devant, sans justice, sans agent, oui roi bègue ou mécréant, odieux ou marrant ; jolies les dents devant (refaites assurément), voilà ! Tout cela vous êtes en une seule fois, une comédie immensément riche vous parsème tous vos devants. Soyez vous-même, soyez le ventre mou ou dur, c’est selon votre degré d’ordure, régurgite et crache si cela encombre votre besace. Ne soyez pas cet idiot voulant tout garder pour soi, sans une ordure jetée. Garder chaque mets comme un précieux trésor, tout garder, ne rien absorber, acquérir encore et encore, puis mourir immensément riche ! Ouf ! C’est cela que vous voulez préserver au-dedans de quoi, déjà ? Quelle humaine vie vous menez, vous ne savez plus pourquoi vous avez été inventé, d’un Dieu comme certains d’entre vous prétendent, dites ! Que faut-il croire dans cette mémoire qui nous malmène, à voir ce que l’on traîne, un beau décor, (page sept) un beau transport, quelle drôle de scène, quel drôle de vent nous démène, j’en garde quelques hoquets interlopes, est-ce le mot qui me vient ? J’ai oublié le sens des mots et des démons sortis de mes rêves, ils ne sont plus dedans, ils rôdent sans détour, à peine qu’ils me frôlent et voilà plein de frissons sans amours agiter ma carcasse, elle bégaie, est-ce ainsi que l’on se lasse ? Mais à qui parlais-je déjà ? Au début, quelqu’un était entré pour me poser des questions peu ordinaires avec un aplomb délétère. Oh ! J’ai répondu, j’ai dit quoi ? Je ne sais plus ? Ma petite information, mon petit message s’est rompu, et dès lors je ne sais plus, mais quoi, où l’ai-je mis, dehors, dedans, entre les dents, entre mille chemins, je ne me souviens plus du décor, alors j’invente, j’invente encore, pour dépeindre l’envers, l’endroit, s’y perdre dans ce maudit sort ! Quelle drôle de comédie nous agite tout de même ; vous disiez sans l’affirmer ouvertement naguère, pour parler de vous, de soi, et y mêler ce qu’on appelle une amitié ; ce mélange des dedans et des dehors, du souvenir des instants communs perdus, que l’on ressasse avec un brin de nostalgie, parce que l’on devient vieux, ce qu’il nous reste, cette souvenance avant le trépas inévitable.

(page huit) À cette opulence du souvenir, je n’y crois pas, je puise ou je peux dans la mémoire, et se réinventer si possible, de ces bribes, un monde plus heureux, un avenir, un espoir, pour ma petite homéostasie personnelle. Les destins se croisent, s’assemblent et se défont sans cesse, à peine que l’on vive cela intensément il faut déjà défaire, beaucoup l’ont dit avant moi avec des mots plus charmants, le temps nous défait, cette inertie-là un jour nous désassemble, ce n’est pas le moindre de ses méfaits, c’est le fruit de tous les jours, construire une pomme, un arbre, un virus sans charme, une casserole la sortir de l’usine, son usage d’un homme cuisinant, un assemblement aussi, le déconstruire en le mangeant, pendant ce repas, se décomposement, ce transvasement de la matière, ce mouvement, ce déféquement enfin, pour retourner à la terre, cette ultime nourricière, cette génitrice de notre enfantement, il est si courant… Vous savez, je peux soutenir le pari élégant d’écrire nuitamment jusqu’à l’orée du jour, juste pour voir comment ça fait cette fatigue du poignet déversant ces quelques phrases, une épreuve, une satisfaction illusoire, mais aussi extirper, pendant qu’il en est encore temps, toutes les élaborations d’une mémoire divergente. En effet (page neuf), parfois l’on n’est pas d’accord, en opposition avec l’autre phrase d’avant, dans la récurrence, dans la faute orthographique. « C’est ça, sois fière ! » Je disais quoi déjà ? Petite pause sans lendemain puisque déjà tout revient, on ne le laissera pas tranquille, vous avez eu l’idée saugrenue de tout lui dire sans détour, avec une franchise qu’il accepte, même encore mieux, qu’il admire ! Ces vérités-là on ne les raconte pas pour ne rien dire, il faut que cela vienne du fond du cœur, comme une offrande au-delà des rancœurs, la vérité toute crue, rien que les faits, les gestes et puis les actes et les regrets. Rares sont ces aveux, il faut une confiance accrue pour connaître ces quelques petits secrets de l’un et de l’autre, ce que l’on ne dit plus, ces fameux « non-dits » transparaissant à travers les mots dans les sous-entendus, des ironies, des manières de « m’as-tu-vu ! », il faut de pareils préalables pour atteindre un quelconque pardon, une amitié la retrouver, un amour déçu le rabibocher et tisser sur ces gestes et ces mots le sentiment exacerbé du renouveau, d’un avenir espéré, un somme, on le souhaite, devenir radieux. C’est banal, mais, que les hommes sont prévisibles, leur mécanique obéit à des sens, des perceptions que le vivant a peu à peu perfectionnées au fil du temps, de siècle en (page dix) siècle, offrant à chaque être une spécialité, une exclusivité particulière et souvent inimitable. Que dire d’un odorat si fin, celui d’un chien ou de l’éléphant ; comme de la vue, celle du rapace, il vous voit de loin. Aux temps anciens, chacun trouva sa petite spécialité pour l’améliorer, venue d’une nécessité pour survivre, peu à peu les organes se sont améliorés (affinés), comme aujourd’hui et demain peu à peu, s’enchaînent sans fin d’admirables trouvailles. Nous qui arrivons, justes si jeunes, de tout cela, nous ne cessons d’imiter ce que la nature a déjà inventé. Après avoir vu ce film touchant, il faut maintenant tenir cette promesse récente, d’extirper de la mémoire restante toute cette histoire qu’elle emmagasine, non pour tuer le temps, mais pour en finir une bonne fois pour toutes avec ce tourment, sans être une douleur importante, un long murmure s’étalant tout le long des ans, si doux parfois, qu’il semble inutile de s’en plaindre ; c’est un long murmure qui vous achève pourtant peu à peu, irrémédiablement, une folie douce, disais-je, une folie ordinaire, celle de tous les instants, celle qui se fixe au creux du plus profond de vos sens comme une mimique offerte à la vie, pour vous distraire, vous endormir, vous disant d’un air hautain « tu vois ! ce n’est pas si dur. »

(page onze) Alors, vous acquiescer, la douleur n’existe pas ou si faible, n’écourte à peine que quelques-uns de vos pas. La rumeur voulait que je n’aime pas à la manière des hommes comme cela se devait d’aimer comme un grand, tout être croisé au hasard de la vie banale, celle de tous les jours dans un quotidien à peine effleurer, où le souvenir s’évade, on ne sait où, la mémoire parfois semblant l’en écarter celui-là qui n’est pas le bon, ce souvenir éclatant que l’on voudrait garder, jusqu’au bout des ans, en être heureux d’un tel souvenir, s’en vanter même « voyer ! Je me souviens de ça… c’est beau, non ? » Mais la mémoire déraille parfois, elle mélange, elle confond, elle se trompe, elle refait aussi, pour un idéal que l’on n’a pas vécu ; alors on s’en arrange, on romance, on écrit tout un livre, on en fait peut-être trop, trois mille pages n’est plus suffisant, il faut écrire jusqu’au bout des ans la plus belle histoire de ce temps, on veut se dépasser, on veut ne réaliser que cela, on finit par le dire ce tourment, le nommé, le décrire, le décortiquer plus qu’il n’en faut, ne pouvoir apaiser ce renâclement, s’illusionner, croire, atteindre un nouveau virage en tournant la page, découvrir plus qu’il n’en faut, se laisser (page douze) inonder par la vague d’une amitié, mais sachant la vérité des choses, cette expérience de la vie ne dure qu’un temps, on le sait très bien, soyons francs avec nous-mêmes, nous nous connaissons très bien, creusons encore plus profond, allons à la racine des choses, évidons la terre tout autour et observons ce corps sans alerte, apaisé et sans joie, sans haine ni peine, une réalité toute nue s’offre à vous, que voyez-vous, dites-le-moi que je comprenne pourquoi cette peine, justement, de s’alanguir de soi ? Au creux de cet ouvrage se trouve ce texte écrit tout d’un trait pendant ces quelques jours sans répit autre que les mangements, les repos brefs d’un endormissement de la machine épuisée que vous êtes, avec les lavements d’une hygiène précaire et les évacuations du ventre dans cette chair digestive du corps. Ce récit est caché au-dedans du livre, pour l’atteindre, vous devrez lire tout un préalable de racontements inégaux, un brouillon de perceptions, une énumération la plus exhaustive possible. Et puis ce récit non relu, à peine corrigé. D’un trait disais-je, jusqu’à un épuisement, c’est voulu, c’est fait exprès pour voir comment ça fait, d’écrire tout cela (ma phrase fétiche qui dit tout).

(page treize) Et puis après ? Quand on a raconté tout cela que reste-t-il à ajouter, sinon la vérité d’un instant détrompé de son tourment ? Cette marotte que l’on agite comme une carotte, à attraper pour lui faire la peau, pour la manger. J’aime bien les carottes, ce sera facile… Mais non justement, on cherche le pourquoi du comment de cette épreuve, où veut-on nous amener exactement ; dites-le-moi, je ne sais pas ? Ah ! Vous ne savez pas ! Pourquoi l’écrire alors ? Vous vous foutez de nous, nous n’avons pas que ça à foutre, perdre notre temps ! Il ne se rattrape plus (pas), ce qui est passé est perdu à jamais, on en veut pour notre temps perdu, fait un effort, rattrapez-le, il est plus que temps, sinon nous allons devenir méchants, vous savez ? Nous avons les moyens de coercition adéquate, voulez-vous qu’on les sorte du placard ? Ah ah ! Des menaces, c’est inutile, une imagination fertile agite cette caboche qui fait office de tête à réfléchir, à penser, à se prélasser aux frais du vivant, dans cette écriture sans fondement, puisqu’elle prétend tout vous dire, c’est cela ? Ah ah ! Qui sait ; fermez la porte et écoutez bien, je vais ajouter quelques milles pages ou deux de plus, un rabe suffisant, aurais-je assez de papier blanc ? On tente de me fusiller du regard, au cas où je deviendrais fou ; c’est (page quatorze) comme à la chasse, on tire à vue ! Rester aveugle du précédent dit, du précédent racontement, oublieux, alors qu’il eût suffi de retourner la page et lire les précédentes lignes et de ne pas s’en satisfaire, avoir raison de cela, ne pas retourner en arrière, faire cet effort, ou s’en soustraire, l’ôter de tout entendement. C’est comme la joie d’avoir vu cette figurine du plaisir et ne pas s’en satisfaire (aussi), agir autrement, du passé s’en défaire, oui ! Comment faire autrement, ne pas repasser les plats sous votre nez, osez l’indifférence, se mentir à soi-même, susciter un renouveau et chose étrange d’un ressassement refusé par coquetterie de l’âme, éprouver cette sensation détestable d’avoir déjà écrit la phrase précédemment, on se répète, on radote, on devient vieux, on n’en vient à se détester ! Aussi ! C’est comme la contrainte, face au refus d’autrui, le forcer par ce geste à admettre sa force, le faire plier, le soumettre et parce qu’il vous aime bien de cette manière soumise donc, vous lui pardonnez le geste ; cette force ne pas la comprendre, pourquoi l’on veut assujettir son voisin, son amour, à cela ? J’en balbutie, devrais-je arrêter, que je régurgite ou ressasse la perception qui me trouble. Faut-il que l’on exulte que dans la souffrance, de l’autre, de soi, et n’y voir aucun salut, aucun remède, sinon une peste, un réservoir indicible de nos (page quinze) peines, ôtez le mot « joie », il n’y en a pas là-dedans, on tente de vivre seulement et c’est déjà beaucoup demandé à l’être que nous sommes, un idéal le rend plus qu’imparfait. Non, il n’est pas fini le bonhomme, il est en devenir et cela le désarçonne ! Ah ! Je vais médire encore une fois sur ce que nous sommes, cessons cela, je trouve le jeu stérile, vous voyez bien qu’il déraisonne le bonhomme ! C’est un combat stérile qu’il faut à tout prix arrêter, il devient inaudible jusqu’au bout de ses lignes. La mémoire se vide, mais elle n’est pas parfaite, je crois l’avoir déjà dit, laissons-la ruminer un peu, qu’elle se reprenne, ce serait mieux ! Qu’elle se repose, j’attends ! Encore un mot qui finit par « tend, tant ou temps. » Je m’essaye à la chose, et puis, après je n’eus qu’une réflexion « ce n’est que ça ? » Ajoutais-je à mon érudition un nouvel attrait de cette chose de nos ébats, je les barrais d’un train (très long) pour m’ôter un quelconque désarroi. Accomplissant cette manie de tourner sans cesse autour du pot, ressasser l’idée d’une sexualité sans attrait, « j’ai autre chose à foutre ! » Enfin quoi, la bête peut bien s’émouvoir ou jouir d’une autre manière, on peut varier, c’est bien normal, y’en a à qui cela ne donne pas le moral, c’est drôle, le coït, cet élan pour affirmer une conquête, celle du mâle… et puis, après… ces pavanages d’égos où ont t’estampilles tout de go des éructements du moment, pour la bourgeoise entrevue, pour une rumeur dans la rue, pour toutes (page seize) sortes de m’as-tu-vu, s’égosiller en disant « est-ce que tu m’as reluqué ? », voit ces vomissements de vivants dans la foule, dans les réseaux électronisés où l’on se défoule à coups de gueule, à coup d’obscène solennité, l’outrance en guise de foi, en guise de loi ; chacun veut être le roi, quelques minutes, quelques jours et même éternellement si l’on n’y croit, il suffira que le soleil éructe un peu, cela viendra un jour et de tout ça plus rien ne sera ; des milliards de procaryotes, en manipulant un peu tout, applaudiront à ce mandala de toutes sortes de vies, le soleil efface et l’on applaudit oui ! Un monde infiniment petit recommencera avec un plus grand appétit, à recombiner un (nouveau) monde fait de toutes sortes de vies, oui, encore plus belles, encore plus laides, encore plus insignifiantes, explorant à nouveau ce que l’étoile de nos jours, l’étoile de notre existence, permettra, le temps de brûler, le temps de quoi déjà ? Eh ! Vous les entendez brailler, « il ne fait que répéter ce qu’il a entendu ! » Évidemment ! Puisque rien ne vient de lui, tout est venu longuement le traverser pendant de sévères instants pour qu’il régurgite (à sa manière) ce qu’il a appris comme un chien savant (page dix-sept), un chien sachant d’avance ce qu’il dira, pourquoi donc ça ? Allez savoir pourquoi on élève ce genre de gens « pour vous cracher à la gueule tout le fatras qu’ils avalent ! » eh, ça en fait du dégât ce pantin que voilà ! « ouais ! On ne se relève pas d’un récit comme ça, on en crève ! » Aucune réplique, aucun perchoir, aucun prénom, pas même un nom… Des diseurs de conneries ils n’ont point fait de recherches historiques de leurs propos désabusés, de considérer qu’ils sont la connerie jusqu’au bout des doigts. L’ethnologue devrait s’y intéresser à de tels propos laids ; même dans la bêtise, il y a à prendre, ne serait-ce qu’un infime sermon d’ignorance, une mélodie des mots hors du troupeau, la chanson des cons, la ramener au-devant de la scène juste pour voir comment ça fait ! Hé ! En rire dès que c’est fait. Alors, voilà ! Je voudrais tuer le temps ! Mais vraiment le tuer tout le temps, jusqu’au bout des temps ; mais ça ne servirait à rien, il renaîtra tout le temps juste pour voir ce que j’en ébaucherais du temps qui passe, sur quoi le passé me lasse ? Hé, mon avenir, y as-tu pensé ? Mon avenir qui ne dure que le temps d’un souvenir à chaque fois que (page dix-huit) j’envisage les moments d’un sourire offert à une multitude d’envies ; eh, sans cesse repasse ce film, cette histoire, ce moment des hommes, du récit justement, je l’ai réduit dans cet ouvrage si petit, il ne peut contenir toute une vie, la scène est immense et contient tout un univers quand on n’y pense, ce souvenir, cette mémoire du temps des hommes je m’en souviens de cet instant, j’avais quel âge déjà ? Les horloges se sont interrompues, le temps les a usés, comment je fais déjà pour lire ce moment où je fus parmi eux, ce moment représente toute une somme, mes souvenirs parmi eux. Qu’en ai-je gardé, des bons, des mauvais, de quoi en rire, maudire ou pleurer, un sourire et peut-être une vie toute ratée. Oui, voilà, j’ai passé mon temps à toujours rater ma vie parmi eux, j’avais beau recommencer à chaque fois, c’était en ratant ma vie tout le temps d’être parmi eux. Pourtant je m’appliquais, j’essayais de faire bien comme il faut, une vie raisonnable comme ce serait beau ? Mais je n’avais pas la bonne appétence à ce genre d’existence pour le renouveau. Je fus toujours d’une autre époque, d’un autre monde, comme pas à ma place ; on se (page dix-neuf) serait trompé avec moi, ce qui me laisse dans un drôle d’embarras ! C’est probablement pour ça que je n’arrive à aucune réussite auprès d’eux ; ma place, elle est où alors ? Je ne connais qu’eux dès lors, le temps à force nous érode, ah ! le cœur et puis le reste, toute cette mémoire déjà engagée et qui va se perdre je ne sais où dans le noir ; combien me laissez-vous de temps pour la retrouver cette mémoire ? Est-ce bien utile cet arrangement avec les usages et les désordres dans ces maux sans queue ni tête, il se pourrait bien que je m’entête pour rien ! Attendre ne représente pas une illusion qui passe… voilà maintenant ce qu’on me dit de mettre et de ne rien omettre. Je ne serai donc pas mon maître en la demeure, on me manipule, je ne serai qu’un pantin de chair, c’est malin ! Voici donc une anticipation onirique comme je devrais les aimer, me dit-on. C’est à propos de cette manie des hommes à livrer bataille entre eux et contre le monde en général. Justement, ils s’aident de « généraux » étoilés ici, avec des couvre-chefs symboliques pour affirmer haut et fort leur suprématie en ce bas monde. On ne leur a pas dit qu’il se battait contre des chimères et le sang qu’ils faisaient couler n’était que le leur. Vous aviez ajouté la rumeur d’un doute dans cette mascarade et moi, moi qu’étais-je dans cette enfilade ? Un nigaud de plus à votre coutumière engueulade.

(page vingt) C’est bien le mot et ce qu’il représente, vous médisiez tout de moi et des autres, que c’en était indécent cette manière de prendre les devants, comme une mascarade, oui ! Nous n’avancions pas et toujours sans l’ombre d’un doute, nous butions sur un « os », notre dépassement était inévitable et vous en aviez assez de nos jérémiades. On a beau être des organismes multicellulaires d’un genre nouveau, de ces eucaryotes aux multiples talents que l’on nous aurait octroyés, il fallait bien nous rudoyer un peu, ce talent devenait si tonitruant, il prenait tous les devants de la scène, une place prépondérante, et cela devenait indécent, il salissait tout ; la planète devenait rouge de notre sang et de celui des autres que l’on avait oubliés, car nous sommes bien de ces êtres oublieux du reste ; ceux qui ne nous animent pas directement, populace d’êtres nus que l’on tue sans aucun plaisir, sans aucune audace ; c’est si facile un couteau, une arme aussi docile qu’un roseau au bord de l’eau, couper la tige et faites-en une arme que l’on fait voltiger au-dessus de la tête ! Ce talent-là devenait insupportable, nous le savions et nous n’avons rien fait pour le calmer. Alors je comprends bien ce défi apporter au-devant de notre âme, comme un ultimatum ordonné et fantastique, « change ou péri ! » Voilà ce qu’il nous dit !

(page vingt et un) C’est comme cette autre pensée d’un souvenir, des apprentissages de la vie, à propos des accouplements entre gens, pour l’amour exprimé dans ce geste que l’on dit éclatant. J’eus beau essayer quelques fois pour voir comment ça fait, de pénétrer autre que soi, et de jouir au-dedans, pour l’accomplir comme par devoir ce geste des engendrements et puis au bout du compte n’avoir qu’une expression exprimant cette déception « ce n’est que ça ? » J’ai vécu de plus belles extases des sens à travers mes voyages, des regards ou des paysages, une petite chatte (miaulant) sur le devant de ma fenêtre ou le sourire sincère et véritable d’une personne de l’autre sexe, c’était reposant et joyeux ; la culbute de tout à l’heure, un instinct banal, l’héritage génétique qu’on nous transmet, avec les plans de fabrique, de ceux-là qui nous constituent. Il existe bien d’autres attraits et j’en ai joui tout autant, voire même plus, en grand ; c’est comme une aurore boréale que vous découvrez la première fois dans le Grand Nord de la planète, c’est un éblouissement de lumière soudaine où suinte une idée nouvelle des reflets dans les branches des arbres, un instant fugitif éclatant jamais recommencé, la mémoire me le garda en tête pourtant ; vous diriez comment, vous, à pareille illumination, en dehors de toute idée d’un mythe divin que l’on aurait rencontré. Vous diriez quoi devant ce panorama jusqu’à un horizon montrant la courbure élégante de la (page vingt-deux) planète, la mère immense, un océan, une forêt, vue du dessus, vous voilà un oiseau sauvage planant dans les airs, vous n’avez qu’une seule chose à réaliser, « admirer le paysage, vous en délectez ! » Imaginez ce que l’oiseau voit, ne serait-ce qu’une fois ! Là, je veux bien croire un miracle, celui de la vie, sa multitude et sa déraison, tous les objets de son expérimentation dont nous, nous faisons partie. Quoi de plus banal devient cet attrait-là, à peine l’ai-je dit, il me déçoit. Qu’aurais-je mal compris ? Faut-il encore le ressasser ce temps, celui qui mène au large et dont on me parle tout le temps tant taon… pour cette mémoire, qu’elle ne s’évade incessamment, il me faut la maintenir au chaud au-dedans de ma carcasse et l’en sortir au moment des auditions comme un sermon donné au nom de quelconque vie sur les devants d’une scène, gravir un mont, gravir une pente, une inclinaison en contresens, ce vieillissement, qui à chaque fois que l’on tombe vous éprouver un grand mal à vous relever au fur et à mesure de votre avancement la pente devient plus raide qu’hier, tombé n’est pas nécessaire. Vous avez un mal qui ne vous empêche pas d’avancer, du moins au début, il grandit sur le côté droit derrière votre tête, une compression insidieuse peu à peu presse un peu plus chaque jour cette zone de l’écoute, près du cou, comme une relique des temps anciens de vous, se (page vingt-trois) remémore un entendement de vous et comprime cela au-dedans de vous à cet endroit exactement, une turbulence semble vouloir en sortir, quelle est donc son histoire me diriez-vous ? Eh bien, je ne cesse de la dire au-devant de vous, n’entendez-vous pas ? Cela vous ensommeille, vous fatigue ; il ne s’agit pas de vous, le croyez-vous ? Je dois me pencher un peu, avoir une inclinaison particulière pour que la pression cesse et puis revienne dès le renouveau d’un changement de pose. Au début, c’est agaçant, mais à force, lancinante, celle-là rend fou ; que cela sort une bonne fois pour toutes, cette mémoire qui au-dedans de moi m’écourte les instants d’une concentration illusoire maintenant, que cela sorte, au revoir ! Alors, donc, je n’émergerai pas dans la vie comme il se doit, mais les gestes étaient tous pourris ; dénué d’une tendresse qui alanguit, ce monde n’en parlait pas d’un tel être sans joies ni amabilités offertes à sa voix. Mais voilà, objet d’une variation incongrue, la vie fit l’expérience de me concevoir comme une sorte de prototype à l’apparence (vulgaire). Je trouvais cela illusoire dans mon ignorance des débuts et des mouvements accomplis comme je pus. Vous disiez quoi déjà ? Cette peur de la perdre, la mémoire, celle qui dit ce que vous êtes et puis le reste, tout le reste, tous les repères du monde où vous êtes (allez) et puis les autres, semblables à vous-même, ceux aussi n’ayant pas votre (page vingt-quatre) forme ni votre langage ni votre taille, les infimes, les invisibles, ceux au-dedans de vous, tout ça ! C’est quoi déjà ? Ah oui, j’oubliais, « merci à l’oiseau qui vit au-dessus de moi, dans le grenier » il veille sur moi et parfois je l’entends quand il attrape une souris qu’il régurgite dans sa pelote, ce dont il se nourrit, c’est chouette ! Ou comme dans un petit drame, on peut y voir tous les drames du monde. Ah oui, il faudrait que vous puissiez prouver que vous êtes vous ! Que je sois moi ? Quelle étrange affaire, qu’est-ce donc ce moi ? J’ai perdu tout un pan de ma vie à ne savoir quoi faire, à cause d’une caste où je naquis ou l’affairement exultait dans des métiers de la construction et de l’entretien, des technicités sans passion. J’ai hésité longtemps dans des écritures timides et sans audace, je n’avais pas encore vingt ans à ces moments-là, on m’intimide, « tu n’es pas de cette caste-là, tes ratures ne valent rien, va ton chemin ! » Je n’aurais jamais dû les écouter, ceux-là, n’écouter que ma foi, à cet entendement-là, cette voix au fond de moi me disait pourtant « écrit tout le temps ! » Alors j’ai perdu beaucoup de ce temps à écrire que par petits bouts des choses toutes maigrelettes, sans audace. Mais à force, j’ai rompu avec ceux de ce métier que j’appris, j’ai rompu les amarres (page vingt-cinq) et je suis parti accomplir ma part, cette mémoire demandée, pour la trace laissée qu’on me demande au fond de moi, de déposer. N’entendre de raison que d’une seule façon, laisser aller cette inspiration maladive… Je ne sais si j’ai raison et puis je m’en fous en fait ! Je n’aurais jamais dû arrêter de l’écrire, cette histoire qui me traverse, pour qu’elle se déverse enfin et me foute la paix et que je m’en aille à la fin.