(texte manuscrit – 21 juin 2019 vers 23h40)
(ajouts et corrections du 22 juin 2019 à 16h30, 24 juin à 18h30)
—> 1. « İl », peregrinatio, peregrinari : 53. [v L] (histoire du mouvement), fable des habitudes lentes et débuts d’un remuement
fable des habitudes lentes et débuts d’un remuement
un monde de plus de vingt ans
Je vivais dans un monde qui avait vingt ans, vingt ans de mon temps, vous pouvez encore y ajouter quelques ans de plus à ce moment !
Je vivais donc dans un monde d’un peu plus de vingt ans, sans remuer véritablement, sans que les objets vieillissent vraiment, ces familiers, c’était toujours les mêmes, pendant ces vingt longues années, rien ne bougea vraiment puisque au fur et à mesure ces objets du temps quotidien, on les réparait sans cesse dès la moindre rupture d’une usure, et il reculait sans cesse cet instant de leur remplacement. Cela dura plus de vingt ans sans que l’on vieillisse un instant autour d’eux. Il fallait bien que cela arrive, ce moment d’une usure où la dernière brisure empêchera toute réparation, comme pour l’objet des lavements quotidiens, il était bel et bien cassé sans espoir d’une quelconque remise en état.
Alors, comme par magie le temps se mit à vieillir en un instant, à tant damner plus de vingt ans de sa persistance à lui, cet objet qui lavait assidûment ; la brisure apportait les perspectives d’une nouveauté inattendue qu’il faudrait supporter. La machine, bel objet cassé, dut être remplacée par une modernité mécanique du moment, la méthode des lavements en était toute bouleversée, on devait apprendre à cause de cette nouveauté, à modifier ses propres habitudes, celles que l’on avait gardées pendant plus de vingt ans comme un rite à répéter continuellement, avec cette croyance d’une éternité, dans ces recommencements, nul ne désirait un quelconque changement…
Imaginez, maintenant, que cet objet familier pour lequel on éprouvait de l’attachement, vous le remplaciez par une forme qui vous ressemble, celle-ci animée comme vous, quel serait votre regard, votre entendement ?
Imaginez encore que cet objet familier si attachant soit remplacé par une forme tout autant animée que vous, comme un animal de compagnie, voire une bête étrange imaginée par la vie et ne sévissant que par ici suscitant toutes les envies des voisins des ennemis, vous rougissiez de honte ou de désir selon la déconvenue, selon la forme, quel qu’en soit le sentiment que vous auriez entretenu ?
Imaginez aussi tous les possibles d’un changement où les habitudes seraient bousculées continuellement sans que l’on puisse s’y habituer véritablement ; imagineriez-vous être capable de telles transformations, continuelles, vous y habituerez-vous, à de pareils bouleversements ? Ce qui vous anime, ce fait vivant, cette masse d’informations que vous êtes appelé à appréhender perpétuellement jusqu’à votre fin, vous permettra-t-elle de vous adapter à ces changements si soudains ?
Une autre forme vous ressemblant aurait-elle trouvé cela sans importance ni bien grave, un tel tourment ? Toutes formes animées comme vous, n’aurait-elle pas au mieux, besoin d’un peu d’apaisement parfois, et que les choses n’avancent pas trop vite à la fois, pour ne pas bouleverser votre entendement, votre perception du monde environnant ? Ne devrait-elle pas faire cela tout doucement, sans heurts, sans basculement si soudain, vous aider à trouver la juste mesure, le bon équilibre, entre un trop et un pas assez ; seriez-vous capable de concevoir l’exacte teneur de cet accomplissement qui se ferait en vous en toute douceur ?
Tant d’interrogations en de si vagues approximations heurtent en effet ceux habitués aux déplacements lents, la rapidité devient une révolution ; tant de sollicitations, de bouleversements successifs pourraient bien vous amener ce qu’on appelle la folie, il faudra vous prémunir de cela aussi, ces dérangements de la vie !