(texte manuscrit - 19 déc. 2018 à 13h37)
Un individu prend conscience du fait qu’il bouge, parce qu’on le lui fait remarquer et cela le traumatise, il trouve que son interlocuteur ne parle pas comme lui, sa voix est différente (pour se défier de sa remarque au sujet du bougé de lui qu’il ignorait auparavant, parce qu’il en était tranquille de ne pas y penser plus en avant…) ; l’autre lui répond, c’est parce qu’il a bougé (il vient d’un ailleurs de lui) ! L’individu premier s’en émeut aussi et n’ose encore bouger, il s’interroge à nouveau : « quelles sont mes origines ; mes origines sont-elles d’ici, viennent-elles d’ailleurs, parce que je suis habitué à ici, l’ailleurs m’inquiète et j’en ai peur ? » Son interlocuteur veut le tranquilliser, il lui rétorque « ailleurs est similaire à ici, il ne faut pas s’en inquiéter, ce n’est qu’une habitude à prendre, le fait de bouger » (de prendre conscience que l’on bouge). Tout s’apprend, c’est la mesure faite que l’on change au fil du temps, même dans l’instant, vous bougez ! L’individu premier, soudain apeuré de tant de nouveautés offertes à son affect, il n’ose plus exprimer le moindre mot, le moindre geste, la moindre respiration, d’en comprendre que quelque chose bouge en lui l’apeure ! Mais il comprend que s’il ne bouge plus rien de lui, ne serait-ce qu’un minimum, il dépérira probablement ; la vie « naît » parce qu’elle est l’expression de ce mouvement, lui rétorque-t-on. Mais, l’individu premier ne veut rien entendre de tout cela, ce fut trop lui en dire d’un coup ; il cessa toute action de lui et mourut presque aussitôt, laissant le soin aux autres de bouger à sa place bien plus qu’il n’aurait su le faire…
(ajout du soir à 21h10)
Son principe existentiel ne pouvait admettre que l’on bouge à tout propos ; pour lui, c’était trop nouveau, sa mécanique interne ne pouvait admettre un pareil changement, il est des vies au comportement absurde ne pouvant remettre en cause ce que cette perception nouvelle d’eux leur offrait, une échappatoire, un possible renouveau, une possible variation ; mais s’en était trop, il ne fallut pas brusquer cet esprit précaire, il aurait peut-être mieux fallu lui amener la chose plus précautionneusement, avec délicatesse, mais la vie en a décidé autrement « trop d’énergie à dépenser pour ces êtres sans lendemain, laissons-les périr, c’est leur destin », voilà ce qu’elle dit la chose vivante qui s’ingénie en nous, qui nous tiraille, qui nous assaillent et nous dit de bouger sans cesse, sinon tu dépériras comme cet individu premier qui ne sut quoi faire de cette idée, celle de bouger son séant ; voilà ce qu’elle m’amène sur un ton ironique ; je n’osai la contrarier, nous étions au temps des répliques et je devais m’occuper de rassembler toutes les histoires de ceux qui ont bougé aux alentours, et ça en fait de la mémoire à emmagasiner dans le tréfonds de nos caboches, ces réceptacles mous où s’ingénie une part de cette vie à la recherche du moindre fait, du moindre geste, de la moindre expérience de nous afin de se remémorer plus tard, cette histoire de nous…