(parole en marchant – 6 aout 2019 à 8h54)

—> 1. « İl », peregrinatio, livre 2 : 90. souvenirs, traces, de la trace laissée ***

On commence juste à en voir les traits, de la forme finale qui déterminera ce récit, ces boîtes que l’on emboîte et que l’on déboîte, qui n’en est pas qu’un seul de ces quelques traits qu’il aura, on en voit le portrait. Quelques fragments se dessinent enfin, où l’on arrive à en comprendre, ou en discerner ce pour quoi l’on produit tout ceci ; on n’en est pas encore totalement sûr, mais comme un arbre en fin de vie, il peut donner toute son expérience, la laisser aux autres, peu importe, disais-je auparavant, la valeur que cela aura, cela n’a pas d’importance. L’importance, c’est le hasard de la découverte, de celui qui tombe dessus et s’en émerveille et le dit aux autres et le communique, le transvase, le mémorise et le divulgue. Le hasard aussi, c’est la non-découverte, l’oubli, l’abandon, la plupart du temps c’est ce qui se produit. Bien des choses mériteraient d’être découvertes, et l’on oublie que l’on ignore, existent pourtant, mais nous ne sommes pas tombés dessus ; cette mémoire délaissée qui quelque part imprime imprègne les sols de cette terre où nous, nous sommes ombragés de quelques coucheries pour nos repos saisonniers du jour et de la nuit ! Ce n’est pas parce que mon récit est cérémonieux qu’il faudrait s’en indigner, « ça sort comme ça peut », vous disais-je encore ces derniers temps. Peu importe la forme que cela prend, ça sera la forme qui sortira qui sera la bonne, peu importe la tournure que cela prendra, c’est l’inspiration du moment, c’est ce qui vous vient ; ne vous souciez pas du reste, surtout pas ; « cela ne sert à rien », me disais-je encore à ce moment-là où ça sortait, pour me convaincre de cette angoisse de ne pas bien faire ; comme le petit enfant qui voudrait tant, justement, bien faire, pour faire sourire un parent, un ami, un grand. Certains disaient que ceux qui s’adonnent à ce genre de tâches le plus souvent sont toujours des enfants (au creux d’eux-mêmes), mais oui, bien entendu, c’est plus que vrai, c’est entendu ! C’est le récit (donc) d’un enfant qui ne s’est pas réconcilié avec la vie d’adulte qu’on lui fait mener, il voudrait le rester encore cet enfant, comme préserver du monde qu’on va lui donner. Mais, cela ne se peut pas, il a grandi, il faut faire avec ce qu’on lui a donné, ce qu’on lui tend, lui apporte, ce que le temps lui apporte, comment pourrait-il faire autrement, cela ne se peut pas ! Alors, il faut se réfugier dans quelques aventures, dans quelques travaux, tâches coutumières, pour essayer, tenter de retrouver ces moments de l’enfance que l’on avait adorée ; comme je me souviens (de) ces moments calmes où, avec une petite voiture miniature, la faisais rouler sur un sable très fin de la cour, et s’émerveiller des traces laissées, parce que cela faisait joli, et que ce qui l’intriguait ce petit bonhomme de ces moments-là, c’était déjà la trace laissée, l’empreinte laissée, et de s’en émerveiller ! Et quand (qu’en y) repensant à chaque fois, en repassant à chaque fois les petites roues du véhicule miniature, inventaient de nouvelles traces sans cesse changeantes comme une circulation effrénée qui se produirait à cet endroit et qu’à chaque trace une histoire y était laissée, y revenir le lendemain, les retrouver ces traces et s’imaginer comment l’on avait placé la petite chose roulante pour que ces traces se place (forment) ainsi, et refaire sans cesse, sans cesse le même geste comme une maniaquerie, une ostentation à le répéter sans cesse, ce geste effréné… Et bien, je le pense ainsi, toute histoire racontée se produit dans un geste semblable, de laisser une trace et la regarder ; tenter de la relire, de se reconnecter à cette mémoire, qu’un simple sable déplacé, compacté à travers ces petites roues, vous laisse une information d’un crénelage d’une roue qui n’a pas de… d’une roue même pas lisse avec des crantages, je ne sais pas quoi dire, quelque chose comme ça, la marque de cette roue délaissée. Dire que c’est un objet de telle forme, de telles tailles, cela donne un indice à l’archéologue qui retrouvera cette trace, (pour lui dire) avec quelle roue, quel objet cela a été fait (réalisé), la matière s’est posé cette question à un moment, d’une trace laissée, d’en comprendre l’origine et parce que cette trace…
10’27 (cri du Faucon crécerelle, trouve-t-il illusoire et superflu ce racontement ?)
Voilà, l’oiseau à tout dit ! Parce que cette trace, comme le cri de l’oiseau, a été délaissée, mémoriser probablement par la machine enregistreuse, nous le saurons tout à l’heure… De comprendre ce qu’il y avait dans cette sonorité, comme cette forme (de la trace laissée). Tout cela nous laisse des informations qu’il faut tenter de recombiner pour en comprendre l’origine. Ce n’est pas la réflexion qui est importante, là, c’est la démarche, le processus qui veut absolument retrouver une origine, et pour cela, il invente des modes de mémorisation pour que l’information puisse être relue d’une manière ou d’une autre, alors cela peut se passer de diverses manières, (comme) le mouvement du vent sur un sable léger, laisser des formes, l’information qu’un vent se déplaça ainsi, et des écroulements dus à un tremblement de terre, relire l’information que cela laissa, à force ; à force, de milliards d’ans, de milliers d’ans, de millions d’ans, la matière (animée) s’interroge et veut relire la trace de ses origines, comprendre pourquoi ces déplacements, pourquoi ce mouvement du vent, pourquoi cette sonorité ici sur cette planète, et pourquoi en associant tels et tels des éléments de sa matière, il se produit tel et tel fait, qu’à un moment cela s’anime sous (à travers) la bouche (de son locuteur), et laisse toujours une trace, comprendre la trace. Alors, pour la comprendre, il faut inventer une histoire, l’imaginer ! Voilà les premiers concepts de tous les temps : inventer une histoire et l’imaginer. La première littérature est celle qui s’inventa à travers la chose animée que l’on appelle la chose vivante, elle est totalement dans ce concept. À mon sens, cela ne peut pas se produire autrement, sinon à quoi bon s’animer ? Sinon à vaquer à d’inutiles parcours, puisque la première manière que trouva la chose vivante, pour se perpétuer, est de transmettre elle-même une trace laissée, des plans, des plans de fabrique de ce qui la constitua au moment où elle fut inventée… Elle se fut inventée par on ne sait quel principe ; la vie ne cesse de (tenter de) comprendre, dans différentes expérimentations qu’elle se fait à elle-même, dans toutes les formes qui la composent, à comprendre ce geste initial et trouver une forme qui lui permette de retrouver la trace de ses origines, ce pourquoi cette animation se fut inventée. C’est peut-être pour ça que nous ne pouvons nous empêcher de créer (d’inventer) des histoires, toute une mythologie à travers elles, parce que l’on n’arrive pas à faire autrement. Une histoire, quand elle devient emblématique, elle devient une croyance et l’on s’y rattache pour vaincre quelques peurs, on ne peut faire autrement, on ne peut faire autrement ! Il y eut probablement un préambule à tout cela, une prémisse, et quand on y remonte à l’origine de ces traces, ces prémisses, ces préambules, on ne peut en effet, à mon sens, qu’arriver au début de cet univers, de la forme qu’il prit, c’est ce que l’on fait aujourd’hui, on observe très loin pour remonter aux origines des premiers temps où tout s’inventa ! Eh, même on tenta de comprendre ce qu’il y avait avant, avant que les choses, les formes, les particules, qui nous composent, s’inventèrent ; tenter de comprendre la trace laissée, est-ce là la motivation essentielle de toute forme de vie ? La forme, l’individu, l’entité, qui me ressemble, la plupart du temps n’y pense même pas à cela. Cela n’arrive même pas dans son entendement, mais je suis certain, absolument certain que dans tous les mécanismes qui lui permettent d’exister, les mouvements qu’il produit, et les désirs qu’il éprouve, dans son action, il y a inconsciemment la recherche d’une trace ; d’une motivation, qui est un des fondements du vivant et lui permet d’exister. S’il n’y avait pas cette motivation plus ou moins consciente, la vie ne se pourrait pas, l’animation ne se ferait pas, elle n’aurait « aucune motivation ! » Le fait de se déplacer (depuis les) des premiers déplacements, ne consiste qu’à retrouver l’origine du pourquoi, du comment, je me déplace, je veux aller à côté de l’être qui me produisit, qui se dédoubla pour moi, de comprendre pourquoi les premières divisions cellulaires est (représente) déjà un déplacement, et déjà il suscite une interrogation, pourquoi je suis à côté, pourquoi je ne suis pas dans lui ; et à force de me dédoubler, je me déplace, et pourtant je me dédouble de moi-même, je ne suis que moi-même, mais non ! À chaque fois, de mon dédoublement, je suis différent, et deviens peu à peu ignorant des premières formes qui se dédoublèrent ; et je tente d’en retrouver la trace, le pourquoi du comment, indistinctement sans comprendre comment, pourquoi, je fais cela, ce mouvement se déplace, ce voyage que je fais malgré moi, parce que la vie me dit « tu dois bouger » sans comprendre pourquoi ; nous ne comprenons pas ce que nous sommes, nous ne le savons pas, je n’ai aucune prétention à dire, « voilà, j’ai trouvé la vérité », je prospecte, je fais comme tout le monde, j’émets des hypothèses, j’en suis au même point ! Quiconque sur cette terre en est au même point ! Nul être, me semble-t-il, n’a la solution ultime. Elle est différente pour chacun, la signification prendra des tournures inattendues. Elle motivera tous nos actes, elle nous fera produire des choses admirables, tout autant des choses détestables, et toutes les variations entre ces deux extrêmes ; sans cesse variés, sans cesse retrouver la trace, sans cesse retrouver une histoire (perdue), sans cesse tenter de s’imprégner d’une mythologie, tout en sachant très bien, que chacune d’elles, ces mythologies ne peuvent être la réalité de nos origines, mais un fragment, un fragment auquel on tente de se raccorder sans pouvoir y arriver totalement ; il y a toujours à un moment ou un autre, un petit détachement, une variation qui nous interdit d’atteindre cet ultime moment, d’avoir retrouvé l’essentielle ; toutes les recherches qui se font, que vous soyez artistes ou non, bandit, truand, médecin ou maçon, tous vos gestes, sont motivés par la même sensation du mouvement et de la trace laissée. Du maçon, son contentement d’avoir fini la bâtisse qu’il construisit, du médecin, d’avoir soigné un être comme lui, du musicien, d’avoir écrit…
22’49 (comme par ironie, un oiseau, à propos de musique, en chante toute une gamme « ti tu ta ti ti ! »)
… la plus belle musique qu’il voudrait, ou le peintre l’ultime tableau, sans jamais l’atteindre, surtout pas ! Comprendre cette motivation ultime, maintes fois ressassée, maintes fois réfléchie ; bien des êtres de notre forme y auront réfléchi, justement, et n’ont pu atteindre une réflexion ultime, dire « c’est ça, c’est ainsi ! » Cela ne se peut pas ! Le jour où cela se pourrait, je pense que notre monde sera fini, puisqu’il n’y aura plus cette prospective ! Peut-être que nous ne comprenons pas la démarche, celle du mouvement, du déplacement, de l’animation de ce que nous sommes ; peut-être, nous nous trompons à chaque fois, et que sans cesse il faut recommencer pour tenter de comprendre cela, de retourner à la racine essentielle, c’est pour cela (la raison de l’invention de) toutes les sciences, et pas autrement. Elles se font uniquement dans cette démarche, à retrouver la chose essentielle ; peu importent les travers que vous prendrez, poétiques, artistiques, philosophiques, médicaux, ou autre ; tout cela a la même motivation, aller à l’essentiel de ce que nous sommes, j’en suis absolument persuadé et c’est une interrogation sans fin ! Mais j’ai l’impression de répéter ce que des millions d’autres ont atteint, réfléchie, pensée, avant moi, je n’invente donc, là, rien de nouveau et je ne fais que répéter, d’une autre manière, différemment ce que d’autres ont déjà pensé…