(parole en marchant – 15 janv. 2020 à 9h46)

—> 2. « petit chemin » : autre naïf éveil (suite) (à relier aux textes correspondants)
—> durée : 25’00

(le vent est très présent)
Soleil par qui l’on vit, n’a qu’une envie, celle de nous roussir l’esprit ; il nous cuit la peau et les os, pourtant, c’est bien grâce à lui que nous existons ici ; et quelques briques venues de part et d’autre, aux quatre coins de l’univers, quatre coins, peut-être plus, peut-être moins, d’une étoile assurément précédente à lui. Nous sommes constitués d’une partie de lui, de l’agglomérat qui se fie à l’endroit où il sévit, cette poussière d’étoiles dont nous faisons partie. Il se rit de nous !
(Au loin, le vent rapporte quelques aboiements de chien)
Imaginez, si nous avancions sous le rayonnement d’un soleil qui ne serait pas d’ici ; nous serions d’une autre couleur, d’une autre frayeur ? Même la couleur de nous et l’exhalaison permise par le soleil, ici (une bourrasque survient), même le vent, c’est grâce à lui qu’il servit et m’apporte quelques froidures, cet hiver.
3’32
Soleil par qui je vis ; un matin d’hiver, ébloui par son rayon… Son rayonnement à cette heure, encore très bas dans le ciel, ce matin, il réveille tout le monde, les oiseaux, la nature toute entière, ici, se prépare pour passer un jour encore à nouveau…
4’10 (on entend le gazouillis des oiseaux malgré les envolées du vent)
4’31
Les ruissellements de l’eau dans les caniveaux de chaque côté de l’allée répartissent cette richesse qui nous fut apportée pour que nous existions ici ; une partie de cette eau, décomposée, un gaz seulement, peut-être deux, brûle en ce moment dans le soleil, c’est son carburant essentiel ; transforme les choses en des matières plus lourdes pour les existences de demain. Quand viendra le temps à lui, de s’éteindre, que deviendra le monde qu’il permit de créer, nul ne le sait ? Nous n’avons pas la mémoire suffisante pour appréhender cette richesse ni de toutes les planètes tournant tout autour de lui ; les plus lointaines, que deviendront-elles ? Nous, on ne sait ? Probablement, nous serons engloutis par sa masse devenue une géante rouge, comme on dit ; les planètes les plus proches seront absorbées, elles s’écraseront dans ses flammes ; et nous, avec ! Voilà ce que sera notre drame !
7’07 (il se mouche)
« Quel beau spectacle en perspective », diront les témoins de la scène, assistant de leur orbite, peut-être une comète, une comète lointaine passant par là, croisant une dernière fois notre chemin pour assister à notre engloutissement ? Dans quelques milliards d’ans, peut-être bien avant, c’est peut-être ce genre de scène, de spectacle que verront les témoins de ce drame…
Pendant que je dis cela, j’assiste, en passant ici, à un autre drame, des arbres abattus, et honte suprême du bûcheronnage assidu, les coupeurs de troncs laissent pourrir sur place deux arbres condamnés, élagués, précoupés, blessures ouvertes, ils attendent qu’on les coupe ? Que font-ils, qu’entreprennent-ils les bûcherons ? Que ces arbres exultent de leurs souffrances, de leurs blessures déjà béantes à ces pauvres arbres démunis ; stupides hommes ! Ne comprennent-ils pas cette souffrance sourde, ces arbres marqués d’un trait rouge de travers, dont le bas de leur fût apparaît tailladé jusqu’à leur chair, jusqu’à l’aubier ; écorce à nue et racine pourfendue, votre souffrance me laisse tête nue… c’est pas vrai, d’ailleurs, il fait froid, j’ai un bonnet, mais c’était pour la rime, pour le drame, pour que l’on s’enflamme ! Stupides zommes !
Vaste plaine maintenant, dévastée, où restent quelques dizaines de troncs encore debout que l’on va abattre…
11’18 (discrètement, « tui tui ! », un oiseau lui suggère de parler d’eux)
Plus un perchoir pour l’oiseau, il devra se rabattre sur la parcelle d’à côté (encore préservée)…
(« tui ti tui ! »)
La parcelle déforestée, débardée, devient un vague dépotoir pour le sanglier où il trouvera dans quelques anfractuosités du sol les restes d’un mangement racorni que plus aucun arbre ne lui fournira ici. Voilà ce qu’ils nous laissent, les hommes.
Je me disais bien, en passant par ici, il faudrait que je me taise, mais le soleil m’a ébloui et maintenant qu’il est caché par la parcelle encore debout où je vois poindre encore son rayon atténué par les arbres en train d’hiverner. Il éclaire doucement la parcelle endeuillée, celle où tous les arbres sont presque coupés ou blessés à mort. Les oiseaux chantent péniblement ce deuil (je le ressens suffisamment), leur chant est triste, sans valeur aux yeux des hommes ; ils n’écoutent pas, ils n’entendent pas la rumeur sourde qui leur dit « ton tour viendra, et ce sera trop tard pour toi, toi aussi, on te coupera par en dessus, par en dessous, plus aucune matière ne te supportera, tu seras volatilisé dans les airs, dans les mers et sur terre, dans (l’étroite teneur) les trois teneurs de ce monde, tu deviendras poussières ! » C’est ce que le soleil raconte, lui, il a le temps. Il est à l’âge mûr de son temps, justement, il lui reste, dit-on, tout autant à vivre du temps qu’il a déjà passé, il mettra autant d’années pour mourir. À la charnière de sa vie, il peut regarder tous ceux qu’il a enfantés ; d’innombrables particularités que l’on dénombre à travers tous les corps célestes l’entourant lui font la fête (il s’approche du ruisseau longeant l’allée)… Comme l’écoulement de cette eau coutumière, déversant ses effluves dans la forêt, elles annoncent prochainement, une renaissance printanière. Le vent suit l’avancée de cette eau, il l’accompagne, ils suivent le même courant, le même parcours, dans l’enfilade de l’allée descendante que je remonte. Ici, les bois sont moins obscurcis par les coupes, obscurcies d’un deuil, je veux parler de cela ! Combien de temps encore cette parcelle, ils vont la laisser tranquille ? On peut se poser cette question…
17’20 (il se mopuche… Ah, la frappe du mot a fourché, encore une moucherie de son nez qui invente un nouveau mot ; pendant ce temps, les oiseaux rappliquent avec leurs mélodies)
Ironie de l’histoire, un arbre tout pourri étale son tronc en travers du ruisseau (celui) qui longe la parcelle, qui longe l’allée ; et marqué sur son tronc dégarni, le mot « bio » y est inscrit avec des lettres fluo d’un orangé dégueulasse…
18’05 (les oiseaux discutent et débattent)
18’15
On laisse à la forêt… (il se tait pour entendre les oiseaux)
(divers chants, « ti dee dii, ti dee dii !, tiditi tri i i i i !, ti dee dii, tchi i i, ti dee dii, ti i i i, ti dee dii… »)

de 18’28 à 18’43 (??)
de 18’28 à 18’43 (??)
zoom de 18’32 à 18’40 (??)
zoom de 18’32 à 18’40 (??)
de 18’38 à 18’53 (??)
de 18’38 à 18’53 (??)
de 18’42 à 18’57 (??
de 18’42 à 18’57 (??)

19’04
Tiens… tiens, l’oiseau est content, il dit « voilà le soleil, voilà le soleil ! » Il fête son retour, aucun nuage aujourd’hui ; les jours précédents étaient brumeux, son rayon manquait quelque peu. Aujourd’hui, il fera très beau, pratiquement plus de nuages ; beau et froid, alors l’oiseau est content, il somnolera sous son rayonnement en haut de la branche, il sera content ; cela comblera la tristesse de ces coupes, à côté ; il est dans… (il cherche ses mots) il dort dans cette parcelle encore à peine amoindrie, laissée un peu à l’abandon, avec beaucoup d’arbres morts tombés de-ci de-là, à cause des tempêtes précédentes, quelques élans du vent… apportant tout un marasme… de saison ! Je ne trouve plus mes mots, les oiseaux s’en vont, ils ne m’inspirent plus, je deviens con, bête, idiot ! C’est quand ils chantaient (auprès de moi) que je trouvais mes mots, relisez la partition enregistrée, vous verrez, cela rimait !
21’47 (quelques piaillements d’oiseaux autour de lui)
C’est ça, écouter, entendre, ressentir ; se sentir vivre, malgré quelques désolations ici et là… Les traces d’un gros pneu sur le bord de l’allée, permettant au tracteur du coin d’aller refourguer sa marchandise, d’un arbre ou de quelques nutriments pour alimenter les sangliers du coin, pour la chasse prochaine ou pour le bûcheronnage programmé de l’année, abattre encore quelques arbres, abattre encore quelques sangliers…
C’est fini, je ne peux plus être joyeux dans cette forêt ! Partout où je vais, il y a de quoi alimenter une colère ; le massacre est trop voyant, je devrais partir un peu plus loin, là où les abattages ne sévissent pas encore ; mais combien de temps cela durera-t-il ? Ah voilà ! Pour la voir renaître, cette forêt, je serais déjà mort depuis longtemps. Ils sont pressés, ils veulent de l’argent, de la finance, ponctionner à la terre plus qu’il n’en faut mille et une subsistances au détriment de ceux qui l’occupent, cette forêt jadis belle, c’est navrant, navrant…

Sonagrammes audiométriques :