(texte initial – 5 déc. 2012 à 22h39)

—> première mise en forme

roman
tourments
naufrage
envies
et
espérance
d’un autre
lui

İpanadrega était un enfant irréaliste,
né de la conception de son maître,
improbable et sans émotion.
Du jour au lendemain,
il devint un de ces monstres d’envie que le monde redoute
et son créateur n’eut de reste, qu’un désir,
le voir détruire le château de sable de ses démons.

İpanadrega n’avait de puissance, qu’un pauvre esquif,
à peine cette force des muscles qui vous fait casser de ces vitrines
où les masques tombent.
C’était un idolâtre, un vent futile sans émoi,
une figure de style, une arabesque sans bons sentiments, une vague aubaine…

Jadis, dans les contrées du bout du monde, il se racontait
qu’un étrange être eut ravagé les terres australes
à coups de bottes et de chagrins.
Les poseurs disaient de ses méfaits,
ce sont de viles digressions faites de gestes impromptus,
précieux mots inattendus qui ne vous donnent pas le moral…
C’est que, d’inconnues engeances en ont gardé mémoire, à travers des romans alarmants, écrits tout le long des vastes hivers.
Des sortes de paroles rocailleuses, faites de rien, faites de peu, de très petits souvenirs,
des soucis surtout, enfin c’est ce qu’on en dit, cela n’est pas très clair, mais malgré tout, anime le vaste monde et l’ennui assez,
vous pouvez en rire, ici… et là…

(Il les montre sur une mappemonde et s’en va)

İpanadrega a vu tout cela, il n’en tire aucune fierté,
car c’est un enfant au cœur rejeté qui voudrait vivre,
ne serait-ce qu’un été,
la mine réjouie des innocences claires où brillent des fontaines de flots bleus,
il se voit dire c’est merveilleux !
et tout son tralala.

Qu’il soit bête ? Non, niais certainement, un peu.
C’est qu’il aime ces mots sirupeux
au romantisme bidon qui vous donne des allures.
D’ailleurs, lui n’a point de panache,
il se croit sot et rêve donc à de savants apprentissages.
Il a gardé un rêve ou deux au fond de son placard,
une horrible et sombre cachette qu’il protège fiévreusement,
la main sur la gâchette.
Faites donc attention à ce que vous dites.
D’ailleurs, il regrette les anciennes vacheries des semaines passées
à s’agacer de jour en jour, en de vains propos, sur la limande étroite de ces entrefaites c’est qu’il a les idées plates,
un autre de ses méfaits,
des plus déplorables,
des plus indécollables,
sa joie…

İpanadrega a fait des rêves de son regret.
La tristesse l’inonde dès que se pavanent tout autour ces cœurs de l’ennui,
alors qu’il voudrait tant chanter, avoir une envolée lyrique !
S’élever d’une manière un peu magique et faire chavirer son frêle esquif…

Il est né d’une rumeur d’estomac, celle de son géniteur, et du tourment,
celui qui s’immisce dans ces chants du crâne que le cerveau dessert quand,
au fond de la nuit, vient d’apparaître le début d’une insomnie,
une rumeur de plus,
une autre goutte de pluie,
un ciel humide
et un mal qui ronge
comme la fuite douce et continue d’un univers dépenaillé, sans cendre ni reflets,
une musique continue,
un souffle prenant et discret à la fois,
une misère dans le noir,
jusqu’au matin enfin,
ivre de fatigue…

Des ondes métaphysiques l’inondent. Avec un regard rouge et des pommettes luisantes,
il rêve d’une femme, comme d’une figure de l’amour et s’agace à des envies qui passent bien vite hélas, navré… Il a réussi à alpaguer, malgré tout, une émotion ou deux, son remède à l’ennui systématique, c’est en cela que vous le trouverez très enchanté aujourd’hui, comme certains jours, il a passé une nuit sans colique…

Certes, İpanadrega, n’a pas connu le regard de l’ingénue, cet idéal magique,
ni son souffle, ni son sein, ni ses reins, ni la besogne des envies et de l’instinct.
Sa verge sent le moisi et ne s’engorge que de pertes d’eau sale.
Ce n’était pas qu’il fût vierge, mais cette raideur ici, ne l’inspire plus
et les mouvements de chairs, ces remuements frénétiques, le répugnent…
Les embrassades aussi l’incommodent
le mélange des haleines
la sueur érotique des matins froids
n’a plus le même rêve narcotique qu’à ses vingt ans
en fait
il trouve que sa vie
c’est de la merde !

Oh ne vous moquez pas de lui,
n’apportez aucune médisance, aucun défit,
eh sinon qu’arriverait-il ?
Une humeur inappropriée,
un geste qu’un instinct très offensif lui ferait regretter.

Alors, au lieu de le quereller, faites s’abattre de doux chants, montrez-lui de belles images à ses yeux enfin réjouis, qu’alors il musarde sont regard esseulé sur la chaude nuit d’été, un verre à la main, la mine alanguie, le front enrubanné des idées du jour, à la recherche d’un extraordinaire moment où il pourrait faire l’amour, enfin !

D’ailleurs pourquoi faudrait-il toujours écrire des récits de haine et de violence, alors que se prélassent d’idylliques propos au creux de vos vilains mots, il aura toujours une tirade d’avance ! Et voyez-le, il soliloque avec son verre devenu une vasque aux mille propos, et ce n’est pas un dé à coudre dans sa main, mais son idéal enfin trouvé, devenu l’ivresse des doux soirs allongés…
À cet instant, un vent frêle a instillé comme une sorte de température épatante, le sourire d’une muse qui veut faire mumuse avec lui…

İpanadrega ne tuera point, n’en faites pas un assassin.
Il s’ingénie à imiter les gestes d’une femme, y retrouver toute la grâce, la volupté
et les sentiments qui vont avec.
Ne criez pas son nom, cela le ferait fuir, inonderait les commodités de la rue,
vous escaladeriez les fenêtres des rudes immeubles
à la texture froide des cités d’aujourd’hui,
ce serait bien d’inutiles tracas pour vos extrémités surprises…
Laissez donc le mouvement libre à ses membres anodins,
pour une fois qu’il parade, si cela l’amuse,
ne vous en offusquez pas, ce serait idiot, pas bien malin,
lui ?
Ce n’est qu’un songe, un être imaginaire, qui ne fait que vous croiser.
Oui, les mots en ajoutent et se rallongent,
les faux-fuyants et les mensonges
sont la rançon de sa gloire encore inconnue.
Il flirte avec une femme au cœur méprisable, on a mis la beauté à sa table
et il tente un régal, la serviette autour du cou,
chut ! n’ébruitez pas tout…

Aujourd’hui, İpanadrega a vu l’Aurore de Murnau,
ce vieux film muet fait d’images oniriques que certains exaltent.
Cela l’a réjoui.
C’est alors, estimant s’être instruit de l’ancien, bien plus qu’il n’en faut,
il eut un désir de doux homme, à moins que ce ne soit, d’un doux somme…
Mais qu’importe, puisqu’il n’est que ce rêve, laissé au mois de juillet, sur la plage arrière d’une auto mal garée et que par la vitre cassée s’en est échappé pour s’égarer dans les bras d’un sommeil mal barré… Nous le sommes aussi…

Ta métaphore est ta physique !
Lui hurle un idolâtre, un sophiste de plus à son chapelet d’aubaines,
des plus saoules cette fois.
On veut profiter de lui, il est la risée des tourments
et les fadaises l’ébruitent trop à son goût,
sa voix déchire les âmes les plus douteuses,
on a brisé sa mélancolie,
il enrage !
Vous parliez des peines et des désastres,
lui n’abordait que le cœur de son envie et le rêve qui allait avec.
Il n’a pas osé monter sur le pont de ce navire en perdition,
pour être ce brave capitaine sauvant les vies pour frimer enfin,
avec les galons de sa veste d’apparat,
c’est un modeste !

J’ai su toute de suite ce que sera ma délivrance et je n’ai cherché qu’à l’atteindre
disait-il au témoin de son drame,
car il y en avait bien un,
en somme.
Cette petite dérive de l’inconnu, cette peur des découvertes, des déconvenues.
Sauter d’un train, quand il est à l’arrêt, n’est pas bien difficile.
C’est quand il avance, à vive allure, que cela pose un problème de survivance
à celui qui se jette au-dehors avec l’idée, peut-être, d’un éventuel suicide.
Mais pourquoi donc se laisser tomber, alors qu’il suffit de voler ?
C’est tout de même effarant de ne pas y avoir pensé plus tôt,
c’est comme perdre l’équilibre sur la rambarde du pont, idiote raison.
Écarte donc les bras, tu es un oiseau,
même si ton vol ne dure qu’un instant de raison,
la délivrance des airs est une ivresse incommensurable,
pense-t-il avec l’amusement d’une enfance retrouvée…

Si vous interrogez sa mémoire,
il vous dira sûrement toutes les histoires qu’il a engrangées,
la magnifique aventure des déserts de sable, les bas-fonds de gobi,
ou,
la douce pente d’un bleu profond, d’une vague immense, se finissant en déchirure,
sur la falaise du rire idiot de ce mercenaire abruti par les massacres des vies
qu’il a monnayé l’autre nuit, autour de lui…
Il vous en dirait tant et tant, sa parlotte est l’esclave servile de son imaginaire.
Mais rien ne vaut le souffle du vent dans le vide aérien d’un vol plané interminable, glissant paisiblement avec insouciance,
rien !

Ne lui parlez pas des dimanches, où retiré de tous,
ayant acquis les plus profonds rêves qu’un être puisse atteindre,
il dort pour se reposer des hommes.
Il s’engorge des délires divins que sa mémoire vous délivrera peut-être plus tard,
un soir illuné et magique du beau mois de mai, comme une bonne fortune,
sous la printanière feuillaison des arbres du jardin,
tous assis, l’écoutant vous raconter cet éternel recommencement,
à chaque fois reprit et augmenté par des savoirs accumulés
de siècle en siècle,
ce qu’on appelle la légende éternelle.

Et pourtant, İpanadrega vous dira
je suis vide,
sa carcasse est absente, il n’est rien…
Cela n’a pas de sens ?
Il est traversé de toute part, de tous les mots du monde,
qu’il lui faut rassembler et disperser encore,
dans un ordre nouveau.
Il rumine mille fois une thèse peu ordinaire, faite de tracas et de chambardements,
du terrible au meilleur avec de l’incertain aussi.
C’est un jongleur, un illusionniste, mais ne le lui dites pas,
il s’évaporerait aussitôt comme ces oiseaux de l’aurore au vol alerte et court,
par petits bons… Hop ! Hop !

***

rêves

songe
cauchemar
chimère
fantasme
soyez
indulgent

Dans les rêves endormis poussent des êtres étranges venus de lointains horizons d’où l’on ne sait quelle guérison ils ont apportée.
Un murmure doux et profond trouble les nuits d’un abandon généreux, les souffles disgracieux de ces créatures qui reposent, un temps heureux.
Un songe délicat travers leur sommeil… à moins que ?…

İpanadrega serait né de tout cela, les songes, les cauchemars, des divagations des plus variées, fruits d’une grande imagination : les hallucinations.
Mais l’auteur de ces lignes, pour la beauté du geste, un peu aussi pour vous embêter, recommence son paragraphe, insatisfait qu’il était, ébloui de son émoi…

Aimable lecteur, vous devriez m’écouter, je vous trouve bien distrait. Oui je fais des manières ! Et alors ? Le narrateur peut « aussi » avoir des états d’âme ! Faut-il donc que je vous flatte hypocritement ; quelle dure besogne ai-je choisie ?
Reposez donc l’ouvrage, s’il vous agace…

Je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas, mais vous avez un loup noir au creux des yeux.

Dans ses rêves, à moitié endormis, pousse des êtres étranges venus de lointains horizons d’où il ne sait quelle malédiction ils ont importée.
Des songes charmants il n’en reste presque rien, seulement quelques tourments auxquels il ne tient, ainsi qu’une vacherie mélancolique qui lui égratigna un peu la joue, au réveil. N’en persistent à peu près aucun de ces songes délicats, du remords, des pertes et des fracas.

Innombrable est sa fuite et de l’ennui qu’il régurgite une seule idée résiste, il la laisse tout de suite dans un coin de ses pensées, pour la faire resurgir à la moindre envie d’y revenir ensuite, il aime les taquineries faites à son âme, le désir de l’humiliation…

Aux grands rêves abracadabrantesques il a renoncé, ainsi qu’à l’image obscure du prestige qu’il s’était donné.

« Je vous ai pardonné et je sais que vous êtes passée l’autre soir, ma douce envie, d’entre les sommeils… avec une clarté d’aube fine jusqu’au bout du jour, avec un éveil chanteur à l’allure fière et sans trêve, la lumière apparaissante inonde ma rancœur ; je suis à bout du monde. »

De là viennent les vertiges, et des élans soporifiques par instants, le doux rêveur s’ingurgite des manières de penser et des sortes de matières à usage prohibé que nul être ne connaît ; son jardin secret à peine dévoilé.

La matière sans être nauséabonde a sur lui des effets que certains diront néfaste, mais une attention profonde montrera à la curiosité du visiteur, une vaste cuisine faite de savants mélanges qu’il cache à la vue de tous. Sa nourriture, maigre condiment, à des allures très spirituel avec des pensées survenues de tous horizons, saupoudrant les mets à la manière des épices les plus foireux de la création, et dès lors, sa substance se frelatent comme un mets pourrissant d’avance… mauvaise nourriture !

Ce sont des troupeaux atypiques qui ont crapahuté de monde en monde, sur des barges de gros, mêlées à des blés immondes, ne pouvant plus être farine à pain, voguant longtemps dans les soutes à charbon, puis étalés sur les vastes zones des caravansérails avant d’être traîné dans ces entrepôts de la mémoire où l’on stocke enfin les idées.

Les vertiges viennent de cela seulement. « Un ergot satanique », disent les incultes, il a seulement laissé traîner trop le temps avant de les employer, ces condiments à l’idéale devenus putride, à la saveur indécise, fatiguée de l’attente. Alors, les idées se sont entassées, certaines ont fusionné, on en a volé sûrement, d’autres évaporées au-delà du doute, nul ne sait et certainement pas lui…

À son double il se confie souvent, menant une lutte éprouvante parfois, pour prendre les devants et imaginer ce que sera le temps plus en avant.

Je n’ai pu vous voir, je sais,
je vous en donne du tracas,
n’est-ce pas ?
Comment me mettre au pas, vous dites-vous ?
Vous riez comme un soldat,
le caractère vous va comme un fusil que l’on changerait d’épaule et des miettes sur la table témoignent de votre fringale tapageuse, ces nourritures bien grasses ingurgitées trop vite et sans faiblesse ; vous butiniez les quelques restes, je vous les laisse volontiers !
À cause de cela, je me mets à l’abstinence pour perdre ces kilos de l’embonpoint inutile qui me mutile. On vit de trop d’abondance ici,
oui souriez,
j’ai trouvé le remède
dans cette diète austère
qui me va si bien.

Oh, il vous en donne du souci, vous la justice de ses ennuies, sa conscience désapprouvée à la volupté trop éveillée ; elle ne lui donne aucune envie et vos épanchements ne font rire que les souris.

Vous dites,
– Trouvez un travail, occupez-vous à des tâches non aimées, c’est une corvée nécessaire.
Inévitable, cet ennuyez-vous ?
Un gros doute s’installe, vous l’avez agacé ! Et voilà, de cette chose inéluctable, il n’en accepte pas la musique :
– Oh ! On ne m’achète pas et je ne plaisante encore moins à vos tralalas mondains qui en ont filouté plus d’un.

Il sent la pauvreté qui vient lui faire toutes sortes de misères, et sait que vont venir certains, pour lui conter un drôle d’air…
    
Vous dites,
mais que cet être est seul
on ne le voit avec quiconque
ni dire du mal à quelqu’un
ni dire du bien c’est certain
ni messe basse, aucune hélas,
loin des filles
loin des femmes
loin de nous
loin de tout

Mais que cet homme isolé
nous cache-t-il un mensonge ?
un de ces secrets inavoués
qu’une fatale presse
aura vite fait d’étaler

Médisance !

Ce sinistre propos prédit l’idée encore vague d’une rumeur, la naissance risquée et spontanée des vermines mal lavées qui prolifèrent invariablement dans ces esprits peu instruits de la bonté possible du monde ; il faut qu’ils salissent pour s’approprier un bout de votre être, en tirer la substance de leur force qui vient de naître.
Leur joie ? Faire de la peine à ceux qui ne vivent pas comme eu, et de la sorte ils y voient des lépreux pour vous faire fuir ce qu’il y a d’étrange dans l’étranger, la peur au-dessus de tout !
C’est comme la beauté d’un geste simple, une pomme tendue dans un papier essuie-tout.

***

études

choses
savantes
et
choses
navrantes

Curieux de tout, il a fait de savantes études du dedans de son crâne et y a trouvé de terribles incertitudes où crèvent les tenants de votre ingratitude. Puis lassé de cet intérieur cervical, la mine réjouie, avec des élans soudain et bref, reprenant des jeux d’enfance et puis d’autres, comme un intermède, il décidera certainement un jour, de parcourir les lointains horizons.

Savez-vous, il brûle au dedans et aucun ne s’en doute, il fait semblant avec un air de rien du tout, somme toute, mais quelle misère ce feu en creux, il l’inonde, le broie, le consume, il résiste encore et combien de temps cet encore là va durer ? Les murs de son antre ne cessent de lui murmurer des arranges pas fameuse. Mais qu’ont-ils vu de si prenant pour assaillir autant ses rêves, ils ont une mémoire bruyante et ne sont pas sages avec lui, c’en est à vouloir partir. Parfois il a honte de ces humeurs et le sang coulant dans ses veines, lui, ne cesse de rougir, c’est sa raison d’être.

Pourquoi donc le rouge est la couleur du drame ?
Qu’il faille des chairs éclatées pour y répondre,
alors on en fait tout un mélodrame,
cet illustré devient très décevant.

Il a prié en mécréant, il a gueulé de toutes ses dents et à peine pleuré, juste une sueur pourpre s’est installée, un tir mal barré qu’il a enfilé par mégarde un jour de grand froid, les hivers lui sont de plus en plus pénible, il y perd à chaque fois plus qu’une dent.

Hier, ce fut une oreille, une jambe blessée, un rein, aujourd’hui le bras cassé, demain la tête lésée, on finit toujours dans un drôle d’embarras.

Il le sait, ses humeurs ne sont pas drôles et le ciel noir des grands soirs étoilés ne lui en porte pas rigueur, celui-là même, qu’il inonde de mille propos dithyrambiques, inlassablement récités jusqu’à ce qu’une haleine fétide l’arrête soudain, avec la bouche pâteuse des bla-bla innombrables qu’il faut laver.

Il s’invente au moment du sommeil des histoires inévitables qui empêche de dormir, c’est toujours pareil, c’en est à vomir, laissées-lui au moins un somme et quelle fatigue énorme faut-il asseoir, pour une heure d’un bon repos ?
Faut-il qu’il s’assomme ?
Il a renoncé aux drogues des médecins que l’on ingurgite sans réfléchir.

Il songeait à ce soigneur un jour écouté, qui parlait de ces médicaments nés des sécrétions naturelles du corps et de l’âme…
On ne veut pas d’un être autonome, cela, ne se fait pas, c’est d’une indécence civile, il faut que vive la manne médicamenteuse et industrieuse, le soin « pilule » nourriture de nos angoisses et de nos tourments, voilà la nouvelle richesse de cette époque !

C’est l’insomnie qui lui fait écrire toute une nuit et penser « qu’y puis-je ? c’est au-delà de l’ennui »…
C’est au-delà de toute vie saine et paisible. Il a choisi des chemins tortueux, improbables et sans carte ni trace de quoi que ce soit. Tout est à découvrir, le moindre propos, la moindre envie, la moindre extase.

C’est drôle comme les tourments vous inspirent ? En comparaison, le bonheur devient fade et sans saveur, stérile et insolent, il ne sécrète aucune imagination dans les têtes, quand tout va bien. Même cette phrase ne va pas bien. Tenez ! là rien que d’en parler tout devient d’un dérisoire innocent, futile, stupide…

Vite ma drogue ! Ma dose de malheur, ma décrépitude, la pâleur dolente et superbe de mon rein qui m’en bouche un coin avec cette soudaine et terrible colique néphrétique, souviens-toi ma douleur, ce fut à se tordre dans des sueurs éclatantes, rhaaa…

Drolatique inspiration

Mais oui, c’est risible, il ironise, la description tien de la farce, la souffrance méprisable est une garce et j’en passe des myriades de sobriquets piteux à son encontre.
Nous sommes notre propre malheur, nous en faisons à toute heure une manière de vivre, quand je vois avec quel acharnement nous nous entêtons dans des guerres de toutes natures où la stupidité s’extasie avec la connerie, ce sont les maîtres mots…

Je pose mes notes comme de précieux écrits
que l’on trouvera un jour comme ça pour rien
riront ceux-là les découvrant d’un geste hautain
diront, il écrivait cet homme-là pour les chiens
les jetterons mes mots en pâture à la meute
avec dédain auront joui repu de l’émeute

Quand Ipanadrega s’essaye à la vie des hommes, très vite il s’engorge dans des phantasmes d’être fou et s’active en une savante étude imaginative qu’il écorne à peine née et râle sur la rampe de ses idées en d’infernaux propos mal barrés…

Chers amis de l’ombre, bonjour !
Que faites-vous dans ces coins rassis, aux angles ambigus et noirs ?
Plus d’une fois, je vous ai vu, furtif, l’œil aux aguets, prêt à bondir sur votre proie, dénuée de tout embarras.
C’est que vous êtes sales et sans arrêt pénibles et toujours pareils, l’haleine au dedans, versatile et puante telles les rognures des poubelles bavantes, celle-là même que l’on vide chaque matin dans ces camions à ordures de la grande ville.

Vous avez la dent navrante, écornée et chancelante des êtres mal entretenus, vous bavez trop, c’est dégoûtant, vous êtes répugnants, l’odeur est fétide dans vos remuements gras et double, c’est vraiment navrant.
Je sais votre espièglerie et le registre de vos manies à me guetter souvent quand je repose ou que je dorme, vos ombres suspectes sont là et me narguent, je vous méprise quand je suis dans le plus simple appareil.
C’est vrai que je deviens ce « sans sommeil » la nuit occupé à un réveil hypothétique d’un cauchemar systématique, celui d’une vie très merdique et mienne, j’en deviens bucolique, le rêve champêtre m’enivre jusqu’à la colique, on finit toujours par y goûter un jour, à cette terre toujours par terre.

La nuit est devenue son royaume où il s’occupe à l’évitement de son somme, infernale écriture qui l’assomme…
Déjà l’aube ? se dit-il.
Il faudrait tuer le jour, le masquer au soleil, mais qui en voudrait de ces jours ennuités, le monde ne serait plus pareil.

La nuit est devenue mon royaume, je m’occupe à l’évitement de mon somme, infernale écriture… déjà l’aube, il faudrait tuer le jour, le masquer au soleil, mais qui en voudrait de ces jours ennuités, le monde ne serait plus pareil.

Alors, il s’invente une histoire de vaurien, vide les coffres pour de la misère et gueule à l’astre du jour sa nouvelle manière.

Au soleil, certains sombres amis sont venus me voir et se sont assis après de mes ombres multiples, pour leur faire diversion, c’est mon outrage, aucun détour possible, le jour me protège me dis-je ? Mais quand l’astre est haut, c’est les hommes qui à la place m’oppressent et veulent me faire rendre gorge, j’ai abusé de leur fric qui m’était tendu comme une tentation. Ils ont des manières, oh ma mère ! teintées d’une justice de la force et de l’enferment assez systématique, le ton n’est plus pareil maintenant, et pourtant, et pourtant, j’ai comme une vague idée… l’idée de mettre une raclée à tout cela, pour en finir une bonne fois pour toutes.
Vos saloperies c’est tout ce qui m’ennuie et je vous les laisse jusqu’au bout de la nuit, éternellement !

Voulant ainsi bouleverser les grandes légendes d’autrefois, il n’a pas tué la sorcière et le dragon. Dans une infinie mansuétude, la vie lui donna un indéniable talent d’orateur savamment ingénié en lui, au fil des ans, cousu par petits bouts dans sa cervelle énervée et pour qu’à la fin il puisse dire, « je n’étais pas si mauvais. »

Oui maintenant, il s’engorge de trop de mets des plus incertains, la mine déconfite, il braille de l’intestin. Il fait trop de repas, certes, mais ce n’est que pour ne plus penser, ne point écrire le roman de sa vie, éviter la folie, éviter de terribles dits ! On l’a vu qui maraude par ici ou là, crachant toute sa verve et avec talent dénier, engloutir toute une dinde, avec des marrons chauds jusqu’au dernier rot, oublier sa liturgie, la messe est dite !

C’est alors qu’il a fait de sévères études du dehors de son crâne et y a trouvé les effrayantes rumeurs d’une peste future qui refroidira toutes nos âmes, c’est une légende terrible en train de naître et c’est d’un œil darne qu’il implore sa raison de bien réfléchir à ce qu’il faudrait bien faire en ce bas monde pour être ne serait-ce qu’un jour, qu’un instant, un soleil, dans les tourments qui le damne, y lire une histoire ou d’y voir clair un moment, devenir lucide à cet instant et reposer un peu ensuite…

Il décida enfin de parcourir les lointains horizons.

***

voyages

vous verrez
la fin est adéquate

Curieux de tout, encore, études du dedans et du dehors de son crâne accompli, après avoir trouvé les terribles incertitudes où crèvent votre ingratitude toujours tenue. Lassé de tout, la mine réjouie, avec des élans soudain et bref, reprenant des jeux d’enfance et puis d’autres, comme un intermède, il décida enfin, de parcourir les lointains horizons.

Il faut vous dire, avant de décrire son errance, qu’il fut trouvé, à la fin du périple, semble-t-il ? Allongé sur le sol, inerte et sans vie apparente.
On l’aurait dit, plongé dans un sommeil immense, une léthargie innocente, ne sachant d’où elle fut venue, il était là, tranquille, étendu, apaisé, le corps en attente d’une décision suprême, celle des hommes, celle de son destin, certainement, son sort allait être débattu.

Peu à peu, une assemblée, comme pour le veillé, c’est organisé tout autour, dans un grand calme, tout doucement. Puis, quand la réunion fut nombreuse, un ancien, très solennellement, prit la parole. Il disait le connaître depuis longtemps et dès lors une légende s’immisça dans ses mots. C’est alors qu’un combat nouveau et étrange perturba le narrateur, il avait du mal à dire certains mots…

Il semblait bien qu’Ipanadrega, malgré sa dormance, tentait de contenir les dérives du vieillard qui voulait inventer un mythe sur le champ. Et c’est à travers tout cela, que les témoins de la scène nous rapportèrent en détail, la drolatique histoire de ce moment des hommes.

Alors, comme la légende semble inévitable, nous vous dirons que ce sont quatre voyages nés de l’imaginaire, des sens et des sentiments.

la voix
la vue
la sueur
la peau

*

Vous dites
« la voix de son être l’accable »,
mais personne ne l’a entendue…

Parce que cela devait être ainsi, Ipanadrega rencontra un errant, un pèlerin, vivant de croyances et de pêcher, là c’est son affaire… L’homme de peu, de rien, l’invita pour un manger et un repos, dans un cloître en-montagné où il ne put s’empêcher… Des songes…

C’est la première fois que je dors dans un lieu aussi désirable, on avait mi le nord de manière confortable, au mieux des principes du jour, de la nuit et des aurores boréales. Le lit très confortable, bien que petit, abrite juste un corps, mais cela suffit amplement au repos de l’âme. C’est ma bonne fortune du moment… J’avais vu en d’autres lieux, des paillasses moi réjouissantes avec des lits amers où surgissent punaises et cancrelats, les salissures du désordre et de la misère.

J’ai longtemps médité des soirs jusqu’à l’aube, aux midis et certains matins, des jours sans fin, à m’occuper de peu, avec un pâle repas que l’on digère et se sente bien. Voir le paysage des flots, les brumes s’évanouir et ne plus penser à rien…

Au mont Athos où l’on dit des prières inversées pour tranquilliser la populace des grands soirs de messe, un prieur ôte sa chasuble et donne le saint sacrement à la myriade des bienvenus, adoubés ainsi par un Dieu inconnu des yeux, que le vin chrétien, le sang du raisin, devenu pour l’occasion sacrée, entretienne la petite ivresse pieusement bue…

Voyez-le, ce soir
il s’est brouillé de paroles
avec une rencontre coutumière
les mots ont pris de la fatigue
et lui ont tapé dessus
des ragots et des obstinations imbéciles

maintenant,
il régurgite
il mal à l’aise
il mal au cœur
c’est pas l’heure
faut pas le déranger
il faut vous en allez,
mais pas trop vite
dite au revoir
assez lentement

Mélancolique et charmante, la dame du préjudice, s’est introduite comme précédemment dans un à-propos, mais oui, que disiez-vous ? Oh trop rien, peu de choses, je passais par là et vous m’avez accosté, souvenez-vous, j’étais auprès d’un homme sans chemise, aliter et bien mal en point. C’était vous ! Au temps jadis, un microbe désœuvré avait vaincu votre élégance naturelle et le lit faisait de vous un bien beau malade pour la savante médecine, très accaparée à décortiquer vos viscères et dénicher l’intruse contamination qui vous pourrissait.

Ces jours-là, on a de noirs désirs et c’est le visage d’une enfant, un babille charmant qui vous ramasse un sourire délaissé et le porte à vous comme une douceur des îles, avec du lait de coco glissant entre les dents comme un réjouissement élégant…

*

Vous dite
la vue de son être me peine,
mais personne ne l’a vue…

İpanadrega a croisé, un jour excellent, un être accolé à une pierre, les yeux fermés, exposé au ciel et qui déclarait solennellement « vivre de lumière ».
Après le bonjour et l’accueil, l’homme peu bavard, ne se nourrissant que d’eau et de quelques autres liquides cachés, avec du soleil au creux des yeux pour se donner un genre.

Il avait le teint blafard, comme s’il allait s’éteindre incessamment. De son corps suintaient ces mots : je vais te tromper !

Il puait le cadavre, malgré des étincelles dans sa vie.
Ipanadrega, homme simple et peu instruit, songe

Pourquoi donc renier ce que donne la nature, ses fruits, ses blés…
Étrange être que celui-là…

Imaginez ! Vous êtes aux affaires et un grand-duc, vous asperge d’ordres des plus vils dans un mépris très énervant. Vous détestez ce méprit et encore moins les ordres. Vous vous dites, « il n’a pas la manière », cet homme immoral vous déprime tout le jour et c’est avec l’arrogance d’un seigneur que vous lui refusez vos dernières obéissances. Il en est surpris, au dépourvu il vous frappe et la réplique est cinglante, vous avez la détestation des armes et pourtant résistez à son dédain.

Des grands paysages capricieux aux lunaisons exquises ont digéré sa course, les soirs, fatigué par l’outrance du jour, il a mis beaucoup de nostalgie dans tous ses propos ; c’est que le monde l’étouffe, la nuit venue, une halte, le repos jusqu’à l’aube, ce n’est pas terminé…
Aujourd’hui, vous faite une prière
au temps qui ne sera pas
et pourtant l’était un qui ne dira plus

Aujourd’hui, la musique !

Aujourd’hui, des tonnes d’eau, la nuisance étale le haut qui mouille…

*

Vous dite
la sueur de son être me lèse,
mais personne ne l’a senti…

İpanadrega visita une cité en guerre d’où s’élevaient des fumées innombrables et des bruits d’enfer…
C’était une cité de forgerons, toujours travaillant pour s’armer et s’entre-tuer en d’incommensurables endiablées, dès l’outil mortel terminé. C’est à celui qui aura trouvé le meilleur ustensile, de prendre la tête d’une armée et de vaincre les rues remplies des adversaires du jour. Aujourd’hui, c’est l’homme à la dague bleue, enduite d’un poison rare, qui gouverne la bataille…

On lui proposa d’essayer, avec un simple coutelas, de dépenailler un passant attardé, du bord d’en face. Mais il ne fut point tenté, Ipanadrega, c’est dit, ne tuera point.

Esprit pourtant effilé, vif et ardent, prêt à tuer à la moindre incartade, le maître des lieux semble raffiné, joue du luth et s’habille aux couleurs de l’océan, d’un outremer très profond. Il aimait à dépenailler l’adversaire, c’était une tradition, un rituel, une maladie, une manière de s’agacer.
Pourtant, le temps a modifié cet usage, des êtres trouvères cela ennuyant à force, on se lasse de tout et ce fut un jour ou peut-être une nuit, dans l’embrasure d’une porte qu’un fin couteau acheva l’homme en bleu, son sang mélangé à l’habit dans un mauve éclatant, au deuil idéal, brûlé sur un buché d’encens, comme pour se laver des crimes précédents, il disparut…

*

Vous dites
la peau de son être est saine,
mais personne ne l’a touchée…

Jugé comme on juge un esclave, le verdict sur son enveloppe charnelle était tombé comme une sentence incontournable. On s’étonnait de son apparence et qu’elle n’eut pu servir autant que son entourage le voulait. Le toucher était invraisemblable, il n’avait décidément pas la manière commune des usages ni le plissement où le frottement des corps s’obère jusqu’à l’épuisement.

On avait du mal à le considérer comme un des nôtres, disaient-ils…

Ipanadrega était couché sur le sol, endormi pour faire un somme, dans ce qu’il y a du plus banal repos des hommes.

Il fit un vaste rêve où séjournait tout le gotha des plaisirs les plus fous, de la tendresse et de l’harmonieuse vie idéale.

Final éclatant !

***

Voilà
le voyage se termine
Ipanadrega en a assez vu
le jour du dernier souffle arrive
Il se dit à lui-même

Ayant vu le monde comme il était pénible et sans grand intérêt. Ayant postulé à toutes les entreprises du genre humain, leurs facéties, leurs manières et leurs dédains. Ayant mille raisons de feindre, rire ou pleurer, toutes les humeurs ainsi explorées. Estimant avoir fait le tour de la question, de son sort et du rôle qu’on lui fit jouer. Avec une grande plénitude et dans la solitude la plus absolue, il décida de s’initier enfin, à la dernière aventure possible, celle des rêves éternels où tout s’évapore peu à peu dans une infinie douceur…

Je voulais vous parler de l’endormissement, de toutes les sortes de manières et de son endossement. Force est de reconnaitre qu’il s’agit là d’une étrange manière, la chute de ses membres jusqu’au bout des reins que l’on endosse pour un rien, sa métaphore et le vide qui lui va décidément si bien…

drôle ce monde où tout un jour pourri
ma vie s’en va nourrir les vers comacs
me suis beaucoup ennuyé
ils ne sont pas drôles ici
allons vieille carcasse
je te quitte, te dit adieu
m’en vais vers d’autres horizons
trouver un sens à ma raison

et il se tut…

Aujourd’hui İpanadrega n’est plus
le vent l’a perdu de vue
chose entendue

***

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