(texte manuscrit - 3 août 2016 à 21h37)

De ces signes d’appartenance

De ces signes d’une appartenance, il n’a jamais su quoi y mettre, une figure, un geste, un pet, une lettre tatouée sur le dos, une oreille avec l’anneau, percé pour la cause, mais laquelle ? Il n’a pas osé l’os en travers du nez, « trop tribal ! » pour respirer. Vu sous ces angles, pour lui, morts, il n’y trouve là, rien qui vaille la peine d’y ajouter un slogan typique, ni d’en être adoubé. Sa chevelure, il l’a laissée pousser et sa peau brunir au soleil, mais tout ce que le temps accumule sur nos épaules et nous érode, il ne l’a guère aidé ; pas même ce métallique cercle de fiançailles glissées sur un doigt ; pas même cette prière faite ostensiblement, peut-être par mégarde, dans une église ; pas même cet oiseau mis en cage pour que lui, « faire le beau », lui apprenne ; pas même cette sape du dimanche pour les soirs de déguisement, ou le jour du deuil, aux enterrements ; pas même la clope que l’on tient au bec, pour qu’en face, les filles, s’éprennent…

Pas même la gloire, après une harangue, à la foule, qui pourtant l’avait applaudie ; c’est notoire, il ne trouve pas d’aise à respirer cet air du temps, passager de lui que nous demeurons cependant ; encore moins cette musique ensorcelante à faire vibrer quelques tripes, pour lui, devenue assommante ; non ! ce n’est pas dans ses manières, puisqu’il s’efface, se dérobe, au pire, attrape un génie qui passe, pour lui demander pourquoi il outrepasse ; lui qui se trouve toujours aussi sot, voudrait être ce mec bien dans sa peau, juste un moment, pour ressentir ce en quoi le corps exulte et puis le quitter aussitôt ; le monde l’ensevelit de mille oripeaux, qu’au soir, il détache pour les mettre loin de sa peau ; non, pas même cette petite marque en haut des sourcils pour railler « voyez comme je suis beau ! » Modeste, certes, un peu trop serait une fausse attitude… Que dites-vous ? « mêlez-vous au troupeau, soyez des nôtres, faite la fête et lâchez quelques rots ! »

(original)
Faites qu’au soir ce qui inonde soit à vous la lumière et du vin chaud. Non, tout cela l’indiffère et il s’éloigne maintenant, lassé d’ici, il veut voir cet autre ailleurs, la musique d’une frégate qui s’évade en planant… Voler est son rêve le plus charmant ; il a de ces idées parfois, ne leur manque que des ailes et un air nouveau pour le porter jusqu’au bout, jusqu’au bout…

(corrigé)
Et puis « considérez qu’au soir, ce qui inonde soi à vous, la lumière et du vin chaud ». Non, tout cela l’indiffère et il s’éloigne maintenant, lassé d’ici, il va vers un autre ailleurs et regarde la musique faite au ciel dans la gestuelle d’une frégate qui s’évade en planant et puis le silence… Voler ! son rêve le plus charmant ; il a de ces idées parfois, ne leur manque que des ailes et un air nouveau, une marque, un signe, un aimant, pour le porter jusqu’au bout, jusqu’au bout, jusqu’au bout…

Il se voit comme de cette vie « observante d’elle-même » et qui s’interroge sur le cheminement de ces propres neurones, pour comprendre pourquoi donc, le règne du vivant cache à ses progénitures tous les secrets de son émancipation. Il croit que les hommes la trahissent, pensée vaniteuse, et qu’ils n’ont de cesse de vouloir en percer sont mystère et sa raison, « quelle étrange chose ? » se dit-il. Ne serait-ce pas plutôt la vie qui a instruit les gènes en nous, pour que nous agissions, à travers de grandes expérimentations, comme elle le souhaite : en fait, libres, le somme-nous vraiment ? Ton cœur bat, sans que tu le décides, tes reins filtrent les eaux nauséabondes que tu ingurgites, des pensées te viennent, puis quand tu as faim, qui te dit d’aller te nourrir pour ne pas mourir ? Aussi, quand une idée te demande de prendre les armes pour aller en guerre, là je suppose que la vie s’égare un peu, elle déraille, cette expérimentation-là n’est pas parfaite…

— Moi qui vous écris, je vous le dis, ce n’est pas l’homme qui expérimente, c’est la vie qui se rie de nous ! Et elle se sert de l’homme, qui n’est qu’une de ces créatures, pour l’amener là ou elle le souhaite en somme, au fil des siècles, à travers toi et les autres, puis ceux que tu engendreras peut-être demain, vers un destin indéterminé.
— Moi je suis persuadé que la vie a une idée !
— On ne nous dit pas tout !
À moins qu’un grand amoncellement se cache derrière tout cela, une rumeur parle d’une entité colossale et créatrice ultime, d’autres y voient la main d’un être suprême, aux allures humaines, encore une vanité de plus…
Du règne, il n’en sait à peut prêt rien, juste ce qui faut pour lui trouver une énigme et des raisons d’exister.
Ne voulant au final, ne laisser aucune trace en brulant tout ce qu’il avait fait jadis, avant la mort inévitable. Il aurait voulu être exceptionnel, il n’est que banal à ses yeux et c’est déjà trop.
Il se voit naître nu, le cordon encore attaché à cette mère, lui vagissant ses premiers cris, sortir de cet femme qu’il n’a jamais connu puisque on ne cesse de lui murmurer : « tu est né de la conception de ton maître, improbable et sans émotion » ; il y voit là comme une renaissance, mais celle-là par le bon endroit, le naitre comme il se doit ! Enfin, comme c’est d’usage…
Ses os médusés à l’arrêt soudain de leurs mouvements craqueront une dernière fois jusqu’à leurs jointures bientôt démises par la grande transformation universelle des choses du monde, inlassable dispersement des matières, redonnant à la terre de quoi redistribuer ces choses qui nous ont constituées. Offrande faite à d’autres formes et à la vie en général, à moins qu’un vent ne les emporte vers un autre sol minéral.
Il voulait dire ce qu’il éprouve, du temps et de cette vie qu’il lui a été donné. Il voulait écrire « bien malgré lui » à la fin, mais des emportements de son humeur maussade l’en ont dissuadé. Les discours et les bravades sont un soliloque éloquent de sa parade, il se voit le grand renier de ce siècle dans le comptage du temps des hommes…
Comment peu-ton écrire autant des tristesses de l’âme et des sentiments, « cette vie n’est pas mienne » crache-t-il à demi-mot dans son purgatoire aux idées obscures. La métaphore quotidienne et le laissé paraitre l’obsèdent ; « il faut être sociable et jouer d’amitié avec des êtres semblables de cœur et de sens… »
Ne jouez pas au plus fin, il vous dira comment faire et défaire cet écheveau qui ne vaut rien. Voyez cette figure qu’il allonge dans les reflets des miroirs aux mensonges qu’un soir invité in extrémis, il donne à la littérature sa maladive contracture. Il épouse le verbe et rumine la faute expressément pour contrarier le langage et ses excès, et vous par la même occasion. C’est une petite maladie pas très grave qu’il enfile les jours désagréables pour se faire plaindre et exulter de la farce. Il endosse une chétive perfidie comme une extase des meilleurs jours, il rupine d’aise à la vue des figures agacées des indigents qui l’inspecte.

À chaque milieu son langage. La bourgeoise entrevue dans un monde hautain et friqué ou l’imprégnation fumeuse des truands dans les bas-fonds, ou encore la cheville ouvrière bafouée dans l’usine qui vient de fermer pour cause d’actionnaire. Tu dois fleureter dans tout cela et avoir la parlotte adéquate, sous peine de rejet :
« t’es d’aucun monde, tu ne fais qu’enfilé une allure de passage pour l’entendement ou la rebellions. Faut revoir ton style ; bonhomme ! »