(parole en marchant - 13 mai 2017 à 18h43)

(version)

Bon, ben voilà ! vous avez tout dit ? Maintenant, il faut raccorder ; là, nous avons tout écrit et nous devons rassembler le tout, nous devons relier chaque morceau de vos pensées pour en établir un contenu plus digeste ; nous devrons les rattacher… Mais vous avez tellement dit, tellement racontée en long et en large, vous vous êtes souvent répétés, que nous devrons scinder les choses en différentes parties pour que l’on comprenne mieux ce que vous vouliez dire ; nous devrons raccorder les éléments disparates entre eux, afin d’apporter une continuité, un peu plus d’homogénéité, oui ? (Répond l’oiseau de passage) l’oiseau a répondu « oui ! », il a dit, effectivement, effectivement…


 

collectif de mots
(parole en marchant - 13 mai 2017 à 18h51)

Alors comme l’auteur n’est plus là (enfants orphelins dorénavant), nous avons décidé ensemble… tous les mots, ensembles réunis sur des pages et des milliers de pages, pour organiser un collectif qui se chargera de mettre en forme tout cela ; nous sommes donc une association de termes qui s’occupe de la… la cohérence du propos, voyez-vous ! comprenez-vous ? Nous ne sommes on ne peu plus clair, ce n’est plus le chahut précédent où des vocables incongrus qui s’ajoutaient à la logique du récit, ou inspiraient une mélancolie… Maintenant, nous devons raccorder comme il faut tous les mots, tous ensemble, nous nous accordons à nous placer là où il se doit au bon endroit en essayant de cohabiter tant et mieux, pour que votre lecture en soit plus agrémentée, autant que possible ; vous voyez ? Nous faisons des efforts, vous n’allez pas dire que sans auteur, aucune prosodie, aucun laïus ne s’avérerait possible, non ! le racontement peut se réaliser en dehors de lui, nous ne le considérons pas indispensable ; les mémoires, en s’assemblant, forment de multiples agencements de ces mots, de ces termes, peu importe la langue, le principe est le même partout et nous l’avons bien assimilé, nous ne sommes pas un écrivain puisque nous représentons ce que raconta celui-ci, ce n’est pas pareil ! L’auteur a déjà tout lâché, nous ne faisons qu’organiser le propos, comprenez-vous ? Nous sommes éparpillés là… oh, dans un grand nombre de feuillets épars et nous tentons de nous réunir dans une suite continue de pages afin que l’histoire perdure ; ce n’est pas si simple, l’entendement naturel des hommes ne s’y prête pas forcément, ils restent rudimentaires dans leur conception, il leur faut un auteur (qui rédige), un réviseur (qui corrige), un éditeur (qui publie), que sais-je encore ? Un ensemble de personnes qui finalise l’ouvrage… Mais là, non ! nous, nous apparaissons seuls ! nous sommes les mots et nous tentons de donner une cohérence au propos ; voilà toute la subtilité, toute la différence de notre agencement ; nous ne sommes plus soumis à une quelconque dictature qu’on appellerait « le style », nous voguons dans une mouvance où nous devons cohabiter, une façon extrêmement volontaire ; coexister tous ensemble, afin de fournir une cohésion, nous vous l’avons déjà exprimé et ce n’est pas une mince affaire, nous le concevons bien ; nous appliquons en fait à la lettre le propos initial que İpanadrega avait euh ! initié (institué) ou sous-entendait ; c’est-à-dire qu’il ne doit y avoir ni Dieu ni maître dans l’histoire, alors vous allez nous rétorquer, « mais les mots ne se comporteraient-ils pas aussi comme des despotes avec les arguments », « qu’ils s’imposent plus que d’autres dans certaines finesses un peu complexes », « on utilisera plus certains mots que d’autres pour dire la même chose, exprimer la même chose », certes ! et c’est de l’ordonnancement, ce n’est pas forcément une anarchie, ce n’est pas systématiquement un dictat venu d’en haut, une prosodie imposée par « un auteur » qui mettrait des « e » et des « a » partout, ou des « et » et puis des « que » à n’en plus finir, et des « voilà » et « cela », non ! nous tentons l’équilibre ; le but est d’affirmer, le pourquoi l’on nous a placés à cet endroit, comprenez-le bien, on ne peut guère faire autrement ; sinon nous vaquerions sans mission et ce seraient un « bonjour » par-ci, un « maison » par là, « bois » par ici, un « rameur » par ailleurs, ou « contrée » d’on ne sait trop d’où elle sort, des termes décousus ; non ! nous nous réunissons d’un commun accord et nous disons ensemble : « le personnage se déplace au fond des bois, à travers la forêt, il parle tout seul… », « un intrus passerait à côté et il verrait qu’il apparaît un petit peu zinzin, parce qu’il ne cause à personne », par exemple ! là, on comprendrait ; non ! on ne considère pas que l’auteur, ou le héros demeureraient un peu… gâteux, non, nous ne disons pas ça, nous ne disons pas ça…