—> d’après texte original « faim » du 1er aout 2010, voir : 5. « ajoutements » » récits antérieurs, primitifs, oubliés, « zécritures »

(version du 25 juill. 2016 à 22h24)

En effet, ce courrier que j’ose vous envoyer, afin de dissiper quelques erreurs faites à mon endroit et que vous avez propagées plus que de raison, je crois.
Je me permets d’hésiter pour le titre :

« Faim »
ou
« Diverses inspirations dérobées à l’insu de mon corps, sur la vie qu’il mène, sans lui en toucher le moindre mot, mais je crois bien qu’il se doute de quelque chose ? Je poursuis tout de même malgré l’outrage… »

Le second fait un peu long, mais apporte des précisions qu’un seul terme ne peut appréhender solitairement (souriez ! que je me vexe).

Pourtant aujourd’hui, tout est calme et s’agite incertain de sombres nuages au lointain, dans d’insolubles endroits où la noirceur du temps s’ingénie à construire sur ce qu’ils viennent de détruire, des monstres d’inventions, improbables mécanismes faits pour un monde de sots. Assemblant de nouveaux jouets, des objets très vites obsolètes, pour que sans fin ils achètent la production du moment. Je vous parle du moderne dans ce monde, ce que l’on y a mis et qui désespère plus qu’une ombre, vos entreprises galopantes qui, en leur sommet, fondent des groupes autoritaires pour dévorer les peuples (souriez encore et ce sera grave !)
Ces entreprises, des ogres, des gouffres d’énergies, aux usines excentrées où grouillent les prochains ballots, piégés par la grande farce qui se joue devant eux, émergents d’Orients proches ou lointains et plus tard du Sud, à moins que l’on ne l’oublie, cette rancœur du pays d’où l’on vient…

J’ai vu, revenant d’un long court voyage, de mon transport, à la sortie des villages, dans la forêt entrante, des maisons aux riches paliers avec des portiques pour repousser l’étranger ou quelques naufragés de passages. Un grand soleil ajoutait de l’ombre aux persiennes et les jardins fleurissaient avec un calme des plus outrageant. L’opulence suintait de partout, on aurait dit que la pauvreté était ignorée, l’éclat du ciel l’ayant lavée pour m’éblouir et la cacher à mes yeux. N’étant pas dupe, à l’évidence il y avait, c’était navrant, comme une tromperie.
J’ai touché et use encore de ces machines à l’obsolescence galopante, pour vous dire, sur les ondes électroniques ou sur ma lettre, ma verve du moment, mon râle avant ce sommeil en creux, dans l’échancrure du lit, où dorment des songes agités, qu’au matin je mate (mais j’ai l’habitude, ce n’est pas drôle).

Oh ! j’avoue qu’un rêve ou deux m’échappe,
ma prose dérape et m’énerve de leur oublie,
c’est qu’à chaque fois je m’exalte, intraitables aimants,
à la charge ils reviennent.
J’en rescape encore une fois, mon énergie, ma peine
et l’outrage de ma gueule l’humectent à force,
je louche sur un style,
l’idée de mettre du panache à mes tourments déments,
je vais perdre la vie ! (oui, je sais, c’est déjà l’ennui).
On joue avec les mots ce n’est pas joli joli…

Ah c’est vrai, le propos du départ était de raconter une histoire et s’égare le conteur (votre serviteur), dans des méandres où il se perd, excusez-moi.
Une vie, ce n’est rien, qu’importe la trace laissée, je n’enlace plus rien, mon corps fatigue, j’en oublie un sens ou deux, j’en suis coupé en deux : la gauche du haut n’entend plus, le milieu fonctionne encore bien, la droite a le bras cassé, la machine s’use et quel ennui à raconter cela, veuillez m’excuser et poursuivons.

Au mot faim beaucoup y mettent de leur survie et ce tracas quotidien les inonde d’un labeur inouï. J’ai réussi, ne le dites pas aux autres, à trahir la communauté des hommes, là où je vis, en inventant des travaux sans cervelle, malgré l’ennui, et que l’on me paye maigrement, mais suffisamment pour ne pas mettre une fin après ma faim…

Seule ironie, s’embrasent ces banquiers plein d’embarras, à l’argent emprunté et qui surveille le numéro des comptes, qu’ils m’ont alloués sournoisement, dans l’espoir illusoire (c’est moi qui rajoute), que je puisse en augmenter leur valeur monétaire, au-delà du zéro qu’ils s’obstinent à taquiner ; additionnez à cela des remboursements besogneux aux agios délirants, mais jamais suffisants pour ces envieux. C’est la peste humaine dans toute sa splendeur !

C’est de cela que je vais parler : la rude journée des travaux mal aimés, mais forcés, que la société lorgne et vous prête en échange, ce qui l’arrange, des soins, des rues, des villes, un dortoir immense avec des cases à porte qui bailles et se fermes, ces maisons multiples que l’on habite, où le visage des hommes s’y abrite pour le repos et les lendemains…

J’ai longtemps murmuré dans ces quatre murs, ma hargne et mon dégoût de la servitude. J’ai vu l’opulence de certains dans la cité ou ailleurs s’incruster avec des barrières imaginaires et la nausée aux lèvres, leur dédain de nos bonjours encore polis, quand parfois, dans la rue, anonyme, se croisent nos regards… Je m’en souviens, un jour, l’un me dit après mon salut : « veuillez rester à votre place ! », j’en eus le sourire étonné de l’homme poli devant cet autre agacé de mon manquement à courber l’échine. J’étais jeune et nouvellement arrivé dans la grande ville, je ne savais pas encore quel était ma caste, mon rang, celui qu’il m’était alloué ; j’ignorais mon rôle, mais personne ne me l’avait appris !
J’ai cru souvent que la chance était offerte à certain et oublié à d’autres, mais pour quelle raison maintenant devrait-on laisser une humiliation quotidienne et servile se poursuivre dans les rues, les logis ou sur ces terres aux noms perdus, sans réagir et baisser le front par désillusion.
Ce sont des mots mis dans nos têtes, de savantes politiques, faites de harangue et de foules séduites. Des hommes s’arrangent entre eux et soutiennent la manière forte, les serviles agents éduqués avec autorité à servir aveuglément. On appelle cela le règne de « l’ordre ».
Ceci n’est pas un manifeste anarchiste, ceci n’est pas un encouragement à la révolte, ceci est mon éveil et ma manière de vous dire ce qui nous dupe, en cela aussi, il s’y raconte une histoire.
Le monde du vivant a forgé d’innombrables formes et nous en sommes l’une d’elles. Nous sommes de cette vie qui s’interroge sur elle-même et fonde des réalités à travers des rituels, des religions, des histoires, des sciences, et de nos esprits, en sortes de savantes philosophies, au cours des siècles, des siècles d’apprentissages et d’expériences acquises, mais les hommes n’en finissent plus de chamailleries toutes aussi futiles les unes que les autres, malgré le lourd enseignement des erreurs passées. Cet engouffrement devient épuisant…
Ah ! merveilleuse description, « nous sommes construits à notre insu », faits de particules forgées au creux des étoiles ; notre mémoire s’incruste dans ces fines bribes de matière qui nous compose, essentiellement du vide et des énergies en équilibres, les atomes ; des savants nous l’ont présentée ainsi, est-ce vrai ? Est-ce faux ? Nul ne peut l’assurer véritablement, mais l’image reste belle et prête au rêve…
Je nous invite à ce voyage sidéral dans cet univers qui nous englobe et nous engendre. Quittez un temps vos tourments et vos méandres, saluez la comète de passage et criez votre joie d’enfance, à la vue des étoiles filantes, ces soirs où les nuits vous exaltent, le voulez-vous bien.
Allez ! soyons gais, je reste trop sérieux, prenez cette gorgée de la rosée que vous tend le matin. Mais souriez donc à cette femme qui vous apporte la douceur de vivre. Riez aux astres, à Altaïr, à Bételgeuse, à Capella, avec l’entrain de toute votre jeunesse avant qu’elle ne s’use. Vibrez à ces étranges ondes poétiques que la musique harmonise. Ouvrez ces frontières, toutes celles de nos têtes, ces traits sur les cartes et les barrières aux routes, oubliez cet essoufflement à crier ces banalités que tant de sages anciens et nouveaux décrivent, ennuyez-vous à répéter ces choses, à force, elles braveront les haines coutumières, à force, à force…
Il y aurait tant à vivre de passionnantes aventures, je n’en montre qu’à peine une esquisse ; l’imagination viendrait bien du cœur des étoiles où tout s’invente, puisque nous, infime rejeton de leurs vulgaires éjacula, ajouté à la multitude inouïe des astres et des planètes, qu’il nous est permis d’observer, depuis peu, d’enfin y découvrir leurs empreintes discordantes. Certains d’entre nous, les yeux portés au ciel, ne cessent d’en adjoindre au catalogue céleste, de savantes descriptions.
Je voudrais, impuissant, ajouter sans une anicroche des termes fameux à la langue apprise et n’y laisser aucune méprise, c’est un orgueil bien maigre, mais qui me fait sourire. La musique des mots, a sur moi, un riche éclat qui m’inonde comme une gourmandise : écouté encore une fois les vers de ce fou d’elle, ah ! ou cet autre fredonner des poèmes à sept ans ; réciter cette ancienne ballade à un pendu ; s’interroger sur des amis, que sont-ils devenus ; puis entendre chanter b., quand il pleuvait ce jour-là…

Une immense nostalgie s’éprend de moi et il est temps d’aller au sommeil, reposer un peu. Navré de vous avoir dérangé, si votre lecture arrive jusqu’ici, votre corvée est maintenant terminée, je vous remercie.

Demain ne sera plus pareil…