(à 19h43) voyez donc… histoire pas bien gaie
(récit original)
à ajouter
(version)
« Voyez donc cette aventure ! » pourriez-vous me dire ; elle ne semble pas bien gaie et je vous raconte ça d’une forêt quand le printemps, l’entendez-vous arriver, fait s’y égailler les chants d’oiseaux à n’en plus finir ; il pense :
La joie demeure chez eux, elle ne m’inonde plus en moi, je m’étiole… et dans les bois, dans les campagnes, dans les déserts, dans les plaines, dans les montagnes, en haut en bas des monts, j’écoute fredonner ces êtres que l’on estime archaïques ; jadis si gros et aujourd’hui si petits et élégants, ils apportent deux choses admirables au monde : voler dans les airs et les premiers chants de la terre après ceux des insectes, bien avant que l’on advienne.
Moi ! je dis, si l’homme vocalise actuellement, c’est que se trouva quelques animaux qui l’élaborèrent avant lui ; il les entendit et les copia, en fredonnant, répétant sans cesse, il arrangea à sa manière…
Oui, toi ! oiseau, tu te tais, tu écoutes ma parole, mais je le sais, ce que tu exprimas là en piaillant pendant que je parlais ; ton gazouillement à des millions d’années, bien avant que nous n’apparaissions, il a imprégné les hommes de sa manière tonitruante de fêter les printemps venus, de célébrer les saisons nuptiales avant l’attente d’une bienvenue ; ces chants ont égayé les premiers de notre lignée… Je vois au loin s’éloigner cette biche qui m’a aperçue, pourquoi s’évade-t-elle de mon regard ? Ne trouve-t-elle qu’en moi un prédateur ? Elle se méfie donc, elle ne roucoulait pas, elle courait, galopante, de son pas ravissant… C’est pareil avec l’élégance, vous l’observerez chez l’oiseau, dans (à travers) une aigrette, dans le tournoiement du cou d’un perroquet, les sautillements d’un ibis rose dans ce lac peu profond ; la danse, le chant, la grâce ne demeurent pas des inventions des hommes, ceux-ci ont copié les dinosaures nouveaux, ceux qu’on appelle maintenant les oiseaux… Oui, je dis ! je l’affirme, je le sens, sans preuve, mais c’est évident !… Tiens, voilà les premières limaces du printemps, elles sortent frileuses et petites…
C’est ça ! ce temps conserve quelques brumes, il mérite que l’on s’y attarde ; mais, comme notre vie s’avère très récente, ne croyez pas que tout ce dont nous héritons maintenant fut toujours à partir d’une invention de nos ancêtres, ils copièrent (allègrement) avant tout la nature, comme cela se voit dans les premières fresques, les premières peintures des cavernes ; c’était celles d’animaux, c’était celles de quelques chevaux (ou bisons des forêts), reproduisant leurs gestes, leurs galops, le long des murs des grottes, dans la nuit ; avaient-ils déjà honte de copie ? C’est peut-être pour cela qu’ils les ont cachées ? ils n’osaient pas dire : « cela, je l’ai inventé ! », non ! ils eurent l’audace de dire en faites « cela, je l’ai copié ! » ; oui, depuis nous copions tous la plus grande des inspiratrices, la nature, ce que j’accomplis en parcourant ses chemins forestiers, ils m’imprègnent ; chaque moment, chaque mouvement, chaque bruit, chaque élan du vent dans les feuillages, chaque courbure d’un arbre, chaque rayon du soleil, chaque branche élégante sous mon regard, ces multitudes sont mes inspiratrices ; je m’abreuve de ce monde et ne sais pratiquer différemment ; ce que j’en régurgite, c’est ce que vous lissez ici, doucement… Comment faire autrement ? Étonnez-vous, comprenez-vous, quand on décrie les murmures des hommes, on ne fait que dépeindre des bouts de vies, qui s’animent, en somme, dans l’envahissante nature qui enfanta ce que nous sommes. Tiens, j’approche là, devant des arbres plusieurs fois centenaires, je vais les saluer, « salut, mon frère ! Combien de racines aujourd’hui ? Quelle pousse apparaît la meilleure ; celle des cimes ou du dessous ? » Il me répondit par un long murmure qui dura quelques ans : « je m’élève et je t’entends… et j’attends le jour où l’un de toi me coupera… ma fin assurée, au fond de ce bois… Dis-moi pourquoi. »
(Mais non ! Que l’on croie qu’ils s’adressent à toi dans un discours de quelques ans est une idée sans commencement, c’est que tu n’as pas encore perçu leur entendement, leur vibration ne possède pas la même texture de ton son à toi, elle se voit dans sa ramure, la vibrance de sa voix, si tu l’observais de sa cime ainsi, elle te raconterait quoi ; et puis l’hiver, quand il fait froid, au dedans de la terre, renseigne-toi à ses compagnons, auprès de ses racines, ils te diront pendant sa dormance, laisse-le reposer un temps…)
(à 19h49) au vieux chêne… un peu de ton pouls
Dites-le d’une voix douce et lente…
Je prends un peu de ton pouls, aujourd’hui, une onde légère… une onde légère indiscernable et qui me murmure, et qui ne murmure, me murmure dans un mouvement pesant et considérable… quoi… quoi… quoi ma ramure quoi mes feuilles de l’an, je ne peux te dire entend puisque tu ne me perçois guère ainsi et moi pourtant, si je distingue ton chuchotement, ou plutôt… Je dirais plutôt, je le ressens, insaisissable ! Et quand je passe auprès de toi il m’apporte je ne sais quel contentement, c’est cela ton chuchotement, c’est cela ton susurrement c’est un chuchotement à l’oreille sans cesse, à chaque fois m’en venant… entend, vois, écoute ! le long mugissement de la forêt elle te regarde elle te discerne, elle est bienfaisante, elle t’apaise, elle t’inspire, elle t’amène bien des lumières sans un merci ! entend écoute son long murmure qui t’imprègne et t’excite vaguement, une perspective, une étincelle d’un accomplissement, une étincelle oui, une découverte d’un mot que je ne retrouve plus, pour dire ce qui me submerge et qui me reviendra peut-être quand je remanierai ce récit après qu’il fut emmagasiné dans la chose enregistreuse, la machine mémoriseuse que je tiens à la main, voilà !