(parole en marchant – 4 août 2017 à 18h44)
—> 2. « petit chemin » :
(à propos de ce curieux habitant de la forêt)
Il connaissait si bien ces chemins, qu’il savait où se trouvaient les nids (nidifications) de moucherons qu’il ne manquait pas de traverser au moment des grandes chaleurs, parce qu’il ne pouvait pas faire autrement ; il connaissait là où se trouvaient les toiles d’araignées fugitives, de quelques araignées qui traversaient le chemin ; ou encore plus furtives, celles de quelques chenilles qui se laissaient pendre au bout (d’un fil accroché à une) d’une branche d’un arbre, pour se faire attraper par une quelconque bestiole vivante qui se cognerait dedans, la portant où, le hasard de l’existence, un endroit plus prospère que celui où elle naquit ; c’est une manière de se répandre. Il connaissait la moindre ornière, le moindre trou d’un rongeur quelconque ; évidemment, les coins suprêmes des champignons excellent, même des plus mauvais, les zones où le mycélium était le plus répandu, là où se révélaient quelques toxines que la nature avait entretenues ; évidemment les passages des animaux communs, Biches ou Chevreuils, aux Sangliers, tout ce que vous voudrez ; les heures des passages des humains, là où les hommes des forêts travaillaient à abattre le bois, leurs heures communes, leurs époques et leurs abris de fortune ; il connaissait presque tout par cœur et pourtant, nul ne l’y voyait, car peu avaient ses horaires et il était comme une bête sauvage, difficile à croiser, tant il refusait les compagnies inopportunes de quelconques personnes qui n’auraient pas souscrit à sa vision de la nature, son exigence.
Évidemment qu’il s’agaçait du moucheron, aux étés très chauds ou humides, qui encombrait son visage ; il avait développé quelques techniques pour s’en débarrasser, les gestes de la main ou du souffle lancé au moment opportun sur ces petites bêtes qui ne faisaient que leur travail, puisque la nature les avait créés, il fallait bien qu’ils existent, ce n’est pas parce qu’il vous gêne qu’il faudrait qu’ils disparaissent ; non ! il comprenait parfaitement cela, c’était un sauvage à ses heures évidemment ; il aimait bien ce mot, qu’on le traite de « sauvage », c’était sa liberté, il préférait être sauvage que civilisé, en quelque sorte, la civilité n’apporte pas forcément la paix ! Même dans la nature (cette part d’elle que n’occupent pas les hommes en permanence, la part hors les villes), tout le temps, elle n’est pas en paix quand l’orage sévit, quand le vent emporte tout, qu’une contagion contamine tout autant tout ; non, la nature c’était (c’est) l’ensemble des choses y compris celles humaines ; mais l’inattendu des choses naturelles avait pour lui un attrait plus conséquent que celui qu’offrait une vie communautaire autour des échanges avec les machines informatisées (pleines d’électricité, à travers) ces réseaux artificiels où l’on fait ami ami avec des inconnus, non…
(Rien de tout cela ne l’effrayait ni ne le captivait ; pour lui ces changements rapides et éphémères partiront bien vite avec l’effondrement de leur déni de coopérer avec la nature, de n’être ni à côté ni en dehors, accepter d’être au-dedans, même si son ordre semble anarchique, c’est tout de même lui qui prime, il est l’ordonnancement fondamental du vivant, il paraît bien hasardeux de désirer le combattre ? Et puis, à quel titre ?)