(texte - 26 nov. 2015 à 1h57)
« C’est une histoire même pas pieuse, des monts Ouljourech Matunamech, sur les rives australes du grand fleuve dépérit ; vous savez, celui qui ne s’ébroue qu’après les hivers, à la fonte des eaux gelées, ces glaces dépecées ajoutées à des poissons aussi malmenés qu’une coulée boueuse, leur tracas indéniable avant de périr ici aux hommes donna une pêche heureuse. »
Estre huna historia nenni pius,
des monts Ouljourech Matunanech,
suz li rive huna grant fluvius
d’austrasie, deperi e cui s’asseche ;
vus saveir cestui esbruire aprez l’hyver
cist glaces, ad li fonte acqua gelere
depeçout e juxta ad piscis s’ausi
mal menoient huna coularde bouëuse,
lor tracas in denegare abante perir issi
ads homes donat huna pêche eureuse.
« Sur les rives Attunamech, cette vague langue de terre, aux abord du fleuve, ainsi y subsistait un grand village où une peuplade incertaine vivait de ses offrandes et de cette pêche miraculeuse et très brève, sur le grand fleuve dépérit. »
Suz li rive Attunamech, ceste vagua
lungua on terra ad abord de fluvius,
issi y subsistere huna grandis villaige
ubi huna populus in certanus vivere
ses osfrandes e ceste pesche miracula
e tres briefe, sus li fluvius deperi.
« La rudesse de la vie et le désert tout proche expérimentaient des ravages incongrus sur cette population miséreuse, où les temps au soleil accru, évaporant toutes eaux au milieu des ans, quand des souffles attiédis embrumaient les habits d’une chaleur ocre, se mêlaient aux rôdeurs avec les relents d’une mort presque inévitable ; cela provoquait de grands embarras, entre ces murs couverts de pierres, qu’on disait habitables. Les enterrements constituant une perte de temps, on les laissait, les dépouilles, sur des abords appropriés, pour des charognards habitués à ce rituel si particulier. »
Li rudece in vita e huna desert
tut prochet experimenta dez ravages
in congru sus ceste populas in misera,
ubi li tenz ad solauz acreue, evaporante
toutes ewes ad miliu des anz
quand des souffles atiedits oscurcir
li habits huna calor ochra, se meslaient
ad rodeur avoc li relens de huna mort
presque inevitable ; cela provocquère
dez grants vacillements, entre cist mur
cuverts de piere, qu’hom dira abitable.
Li enterrements representare huna perte
de tenz, hom li laisare, li despuilles,
suz des abords appropriés, por des carognars
habituare ad cist ritual si particuleres.
« Fallait-il donc que ce fleuve amoindri soit si généreux, les crues venues, pour que l’ont resta auprès de lui à souffrir tout le long de l’année, là où il s’évapore presque totalement pour renaître à nouveau l’an suivant, et qu’ainsi, ce miracle régulier des saisons, devienne leur principale raison d’y subsister. »
« On crevait ici sous l’abondance des orgies de la curée des crues et des brûlures ravageuses de la fournaise d’un astre intransigeant et sans pitié. Il n’y avait pas d’entre-deux, ce temps du répit avant chaque basculement, une sorte de printemps ou d’automne comme en occident ? Rien de cela ici, c’était tout ou rien. Malgré tout, la plupart restaient, évitait toute transhumance, ce qui nous aurait paru souhaitable, voire même raisonnable… Mais non, la terre à ceci de terrible, elle vous attache comme une ancre indéracinable. La quittée, et vous perdez un maigre patrimoine, mais oh combien essentiel à celui qui vie de ce peu, sur les rives Attunamech… »
« Parfois, les voyageurs égarés qui se déroutaient vers les fumées des cases visibles au loin, espérant un repos pour se ressourcer après leur grande traversée du désert, restaient toujours surpris par l’accueil improbable des habitants. On les ignorait, soit trop occupé à avoir faim, soit trop occupé à pêcher enfin. C’était une drolatique farandole des besognes nécessiteuses de la survie où les égares vers autrui était évitable jusqu’à l’ennui, aucun repos n’était rendu possible. Oui ici tu es tout ou rien. Cette vie binaire avait ensorcelé les habitants et leur avait attaché des racines si profondes que seul un séisme très éprouvant pourrait entrainer un bouleversement d’attitude, un réveil de l’étourdissement et rompre ainsi le charme. »
« C’est peut-être pour cela que cette populace à part, semble prostrée dans un rituel qui n’est issu ni d’une pénitence ni d’une évidence ; si leur résignation apparait à nous, limpide, elle resta toujours fort dérangeante pour celui qui les fréquenta et put s’en détacher, jadis, sans grands dommages… »
« Du plus lointain qu’on se souvienne ce peuple fut toujours innommé… »