(corrections finales édition 2017 – du 2 juill. 2017 à 23h37)

—> 1. « İl », prolegomena, studium : 32. [i L] sedatio

sedatio

Rappelle-t’en, tu disais, « il s’essaye (toujours et encore) aux discours, à partir des idéaux humanistes de sa maigre expérience, lue dans quelques livres au hasard des rencontres fortuites, ou alors chez les bouquinistes… » ; tu insistas tant, à le décrire ainsi : « avouons-le pour lui, il n’en comprend pas toutes les saveurs de ces savoirs intenses à ses yeux éblouis ; lui qui n’a pas davantage vécu l’idylle… »

À sa mémoire reviennent les paroles de ce vieillard entendu sur le patio d’une ruine très antique (c’est son imaginaire qui parle) ; des phrases étonnantes, par leurs simplicités, de la sonorité grave et charismatique de cette voix, qui lui apportaient des mots nouveaux, propices à la réflexion, il estima au premier abord son expression bien naïve, il ne put s’empêcher d’en rire ; mais bien vite, il y trouva de quoi méditer les autres jours, comme,

« Goûtez à cette joie du peu, car de trop posséder vous mène vers cette misère du cœur, cette misère de l’esprit… »

Et puis encore,

« Ne se contenter de presque rien, que cela en devienne une ascèse… »

Et aussi, prenant goût à ces maximes, allant un tantinet plus loin dans le discours, il conçoit des variations,

« Imaginerez-vous ce raffinement du peu, de cette ultime ascèse à se satisfaire du strict nécessaire ; appréciez-les, ces moments où l’on goûte à cela, de posséder si peu, par-devers soi, qu’ils puissent vous faire comprendre la forte teneur des choses essentielles à votre vie et de son contentement, y voyez-vous la misère ou un épanouissement ? »

De nouveaux propos lui viennent en tête, provenant d’autres penseurs, des temps anciens, à travers la voix d’un comédien, récitant cela, il ne se souvenait plus très bien…

« En toute chose, trouver la juste mesure, le meilleur équilibre, ce qui suscite harmonie et idéal rendu, qu’il se peut du moment, ainsi fait… »

Non, cela ne va pas, il cherche encore… peut-être, en y ajoutant beaucoup, à la phrase, des détails pédants ?

« Trouver la juste mesure, le meilleur équilibre, du mieux que l’on puisse élaborer, n’y déceler plus aucune autre manière, obtenir que l’aplomb donné ici, soit le bon, à cet instant précis ; et que peut-être demain comme ce le fut hier, ou dans deux mois, des années plus tard, cette même chose puisse un jour être rompue, ne devenant plus irréprochable ; nous devrons alors de nouveau rechercher le parfait balancement, une nouvelle et adéquate harmonie, éternellement à refaire ; que nous n’ayons jamais à en terminer avec l’idéale façon de mettre, qu’elle ne demeure pas définitive et ne pas nous en satisfaire ? »

Enfin, parce qu’il en produit toujours trop, encore aujourd’hui, me permettrez-vous, pour conclure en dehors de lui, de remémorer cette simple souvenance, qui abrège nos souffrances,

« Sans cesse, sur le métier remettez votre ouvrage, c’est ainsi que l’on progresse… »

*

Nous disions, donc de toutes ces belles paroles, ces beaux principes, ces idéaux, il n’en pratiquait guère, qu’il était perdu à tant les élaborer dans son quotidien, alors il a commencé des expériences, de là, elles sont nées comme un début au reste de sa vie. Oui ! il a toujours eu la soif des apprentissages et désirerait bien plus encore, oui ! cette pensée l’obsède assidûment ; tenter des accomplissements est sa requête et voit dans le profil heureux de sa tête, des aventures, qu’au jour il médite, pour les mettre au bout de ses pas ; mais, il doit finir son temps des études, alors il peaufine ses écrits, et refait sans relâche, comme son vieux poème, sa « fuite sauvage » qui sans cesse l’entête, il veut remédier à ses imperfections, et étend son discours en versifiant ses détours. Regardez, il est fier de nous montrer son travail, ne vous moquez pas…

Une fuite sauvage s’écoule dans la plaine troupe hardie au sens vif gronde de son souffle s’y transportent tapage et brumeuses graines il brûle du vent dans l’arène certes l’avancée qui enfle.

À pareille destinée, le sentir en haleine des bavures descendent tirées au fil du vent la bouche se glisse de lambeaux mêlés de peine en sueurs qui vous viennent tout autant.

Comme ils crament à leur vue et détalent bruyants vous pousse agile et tête nue au rythme fier des chemins bien déjà au temps jadis parcourant où tout à l’infini rayonne à la brille lumière.

Se dessinent des teintes aux aspects navrés comme pique et rase pousse en font un spectacle joyeux ces dures terres aux autres formes jaune brûlure nacrée de brunes tellures crachent la vérité des sols occupés c’est peu !
Malgré Alcor, style et sombre tort…

Il devait s’y attendre, un rire à la noix, gras et sec comme l’amande l’interrompt… Oui, il doit finir son temps des apprentissages, devenir moins idiot qu’il ne l’est ; de ça, il le sait ; vous ne comprenez pas pourquoi il s’extasie tant d’un poème si boursouflé, alors comme vous ricanez de cette bagatelle, l’ayant vexé, redoutez qu’il s’enferme dans sa chambre ; cette humeur lui redonne le goût d’une nouvelle exploration et voilà, maintenant une thèse audacieuse s’insinue dans sa tête et l’énerve assez… Très certainement, vous aurez à entendre son ruminement exacerbé.

*

Parfois, au détour de ses recherches infructueuses, il lâchait ces mots désolés :

« Vous savez “l’exceptionnel !”, c’est à deux doigts du rien ; je demeure à un quart, un tiers de cela, l’œuvrage ne se tiendra que quand j’aurai tout donné, sinon il ne produira rien de bon ; hélas ! lorsqu’on sacrifie tout, à la fin, tant épuisé je deviendrai, qu’un geste restera à accomplir pour achever le tracas d’une vie sans attrait, je le réaliserai… »

*

Je le vois bien, vous vous agacez encore, à l’entendre ainsi gémir, cela vous amène à comprendre que s’il en produit tant, de ses mots tapageurs, c’est pour vous montrer, comme un enfant, « qu’il sait écrire ! » Puis, qu’il attend de vous comme une reconnaissance ; c’est cela que vous pensez de lui n’est-ce pas ?

Mais voilà, l’illusion est permise, de reconnaissance, il en a déjà subi l’arrogance, des plus fortunés que lui ; en échange, il reçut des cailloux, de ces mots justement, si rocailleux, qui vous donnèrent l’utopie d’un présage ou deux, des engueulades, des remontrances et puis aussi des rires que l’on décoche à propos de lui, sur un ton clair, une façon moqueuse de le dépeindre ; vous avez outrepassé sa foi, c’est pour cela qu’il méprise cette reconnaissance si facile ! Non, il n’est plus cet enfant rêveur désirant écrire un vaste roman qu’il ne saurait décrire, il a dépassé tout cela, il demeure dans le fruit de ma voix, moi l’auteur de son dit je dois bien l’admettre, qu’il y règne avec un certain dépit, d’ailleurs je n’ose contrarier sa prose, même quand il augure d’une pause.