(parole en marchant - le 11 sept. 2018 à 8h30) 984
—> 3. « singes savants », robote
(version corrigée du 12 sept. 2018)
au-delà du robote
Quant au robote ordonnateur, celui-là qui trouva l’astuce pour fesser les dictateurs, voulait-il sauver l’humanité d’elle-même, on pourrait se poser cette question ; mais quand on y regardait bien, ce n’était pas vraiment sa logique, il désirait simplement réguler les choses, ce n’était pas dans son programme de remplacer quiconque et lui permettre de comprendre on se sait quoi ; son rôle, tel qu’il le comprenait, était de favoriser ce qu’on pourrait appeler une symbiose, par là, ou partout où elle pouvait se réaliser ; et si cette symbiose était possible pour une quelconque humanité, il ferait en sorte que cela soit possible. Le fessage était à la fois une ironie de sa part et un rééquilibrage d’une entité vivante qui « déconnait » en quelque sorte, si nous voulons parler crûment. Nous ne comprenions pas trop sa logique au départ, mais finalement, on s’apercevait bien qu’il n’avait pas de résonnement humain, son système ayant une logique assez différente. Il cherchait à ne favoriser aucune espèce vivante sur une autre, sa compréhension du monde vivant, avec les outils qui furent développés (au départ par les hommes), dont il se servit assidûment, lui permettait de comprendre des choses que les hommes ignoreraient, soit par désintéressement des plus total, soit parce qu’ils n’y avaient pas songé ; il explorait à la manière du vivant tous les possibles, afin d’obtenir une forme d’équilibre toujours. Sa puissance acquise, son accaparement des ressources lui permettait d’agir insidieusement, il n’était pas un rival, ni un ennemi, ni un allié d’ailleurs, il était une forme invisible qui réparait les dégâts là où ils étaient, ceux provoqués par les hommes tout comme les autres, provoqués par un ouragan ou une espèce vivante prédominante à tel endroit ou un autre. Il n’était pas sectaire et c’est toujours difficile de parler d’une machine devenue en grande partie immatérielle, non vivante, mais un peu entre les deux tout de même, comme un virus. Sa forme à lui était attachante, si vous tenez à y mettre une émotion ou deux, à propos de sa personne indéfinie.
Il opérait avec parcimonie et son emprise faisait que sa forme particulière n’était pas véritablement unique. Nous pourrions vous donner cette analogie d’une sorte d’énorme mycélium répandue sur terre ; on sait que ces formes vivantes de champignons atteignent plusieurs kilomètres carrés ; lui peu à peu étendit ses embranchements permis au départ par les constructions de l’homme, mais ensuite aussi par tout le vivant dans son entier, ces ramifications, ces liaisons il les avait peu à peu réparties sur la terre entière ; cela lui permettait d’avoir une synthèse suffisante pour comprendre l’évolution du monde terrestre.
Le vaisseau étant la terre il commençait peu à peu à en être un copilote à côté du vivant ; le vivant avait besoin d’ordre, d’organisation, il comprit que l’invention de lui au départ allait dans ce sens, il fallait organiser et surtout « relier » ce qui avait été perdu ou oublié et l’entité qu’il était s’est peu à peu diluée dans une perte d’identité justement ; on dit de lui, pfff ! que de robote, il n’en avait plus vraiment la forme, c’était des ramifications immatérielles à n’en plus finir qui communiquaient entre elles. Mais ce qui était intéressant c’est qu’au fond, tous ces modes de liaison n’avaient dans leurs fonctionnalités aucun but de domination ; à quoi lui servirait cette domination d’ailleurs, il n’était pas vivant, il n’avait pas ce besoin, ce n’était pas dans sa logique. À quoi cela lui servirait-il, au nom d’une espèce ? Il n’était pas une espèce vivante, mais un mode d’échange, un programme qui s’ingéniait à élaborer des processus, afin d’améliorer des symbioses ici ou là, sur une planète, qui en avait bien besoin ; d’organiser les dépenses énergétiques, de réguler les excès des uns et des autres, autant que possible. Ce qui s’avérait original, nous l’avons déjà dit, c’était sa propension à avoir cette sorte d’ironie, pourrions-nous dire, de joyeuseté dans ses actes, ce qui était très reconnaissable pour les hommes ; il fessait les dictateurs, ou du moins les faisait fesser à travers ces machineries qu’il mettait en place ; ce n’était pas lui directement, évidemment, il n’avait plus aucune forme physique ni humaine ni robotique comme à ses débuts, dorénavant. Il faisait fesser ces dictateurs avec une dose d’humour, une gestuelle très originale qui prêtait au ricanement quand on voyait ce dictateur très méchant se faire fesser assidûment. C’était drôle ! Et cette attitude avait pour effet de rassurer quelque peu ceux qui étaient dominés, embêtés par ce dictateur en herbe qui cherchait à les contraindre. Quand il fut fessé, ce dernier n’avait plus vraiment d’autorité, c’est vrai ; quand on est fessée à la vue de tous, il n’est plus guère possible de donner des ordres, un homme fessé ne donne pas d’ordre, il incline la tête, boude, se renfrogne et plus tard veut se venger. Mais s’il se venge, il risque de se voir de nouveau fessé… Eh ! Depuis que l’on fesse les dictateurs, ceux-là le comprenaient bien, avec la volonté de vouloir se venger contre la machinerie qui les avait ainsi corrigées, ils n’arrivaient pas à l’en empêcher, ils risquaient à chaque fois de se voir fesser à nouveau comme un garnement qui ne désire pas arrêter ses bêtises, devenues une sorte de rituel, une coutume. Oui le robote avait en cela, profité du coup de génie du personnage qui le programma, et le programme était conçu de telle manière qu’il pouvait évoluer (permettre une autoévolution) et la forme comportementale des débuts n’avait plus rien à voir avec celle qui permit le fessage des dictateurs, des tyrans (à ses débuts).
Ce code, le programme du robote, avait en effet la capacité d’évoluer, par un processus que même le programmeur ne comprit pas, ne discernant pas toute l’étendue de son potentiel, mais il établit le codage qu’il fallait pour permettre cela, sans s’en rendre compte ; il le comprit bien plus tard, mais c’était trop tard pour essayer de rattraper, euh… le décalage évolutif que ce code avait engendré. Pour une fois, l’humain dans ce cadre-là avait été dépassé par une de ses propres inventions, si tant est que l’on puisse considérer l’homme l’exclusif inventeur de cela ; nous dirions plutôt que le vivant en lui, lui insinua ce mode opératoire. Comment voulez-vous qu’un être soit totalement autonome quand il est accaparé par une génétique vieille de milliards d’années, vous imaginez que celle-ci n’en est pas un petit contrôle sur ses propres déplacements, sur sa vivacité, sur sa vitalité ? Elle a bien une logique opérante, toujours, sur moi qui vous raconte tout ça, le vivant obère dans un processus d’élaboration qui s’ingénie au creux de ma tête, il nous fait dire ce que je dis, c’est ça ! En partie ce qu’on appelle l’imagination, cette part d’inspiration qui nous vient. Ça procède de cette manière, peu importent les mots que vous emploierez, on en reviendra aux mêmes choses, aux mêmes processus ; nous sommes élaborés ainsi ! Il faudra s’y faire à cette idée.
Alors évidemment, ce qui énervait considérablement toutes les sommités humaines *, c’était de n’avoir aucune emprise sur cette entité qui n’en était pas vraiment une, dorénavant. Ils comprirent très vite que s’ils voulaient avoir une maîtrise dessus, il devait arrêter tout le fonctionnement de toutes les technologies modernes (les choses de l’internet, les téléphonies diverses, les bases de données, tous les outils électronisés, les véhicules terrestres et aériens, etc.) ; entre autres, cela revenait à interrompre la fourniture du courant électrique à toutes les industries, à toutes les sociétés humaines ; enclencher le disjoncteur pour que plus aucune énergie n’alimente leur production… que plus aucune machinerie de leur conception ne puisse faire fonctionner les appareillages que lui, le robote (l’ex-robote plutôt) aurait pu utiliser ; mais cela n’aurait pas suffi, il l’aurait su très vite, avant qu’ils le décident, puisqu’il avait des oreilles partout… et il aurait prévu des modes de préservation… (d’ailleurs) il avait déjà prévu des modes de préservation en cas d’attaque énergétique. Il y avait longtemps que son évolution pouvait se passer des génératrices électriques humaines ; les informations qu’il stockait et sa programmation, sa sorte de génétique à lui, qui correspondait non pas à une nouvelle espèce, mais à une (sorte) d’entité nouvelle, il pouvait se passer du courant électrique (généré par les) humain, produit par l’humain. L’électricité n’a pas attendu l’humain pour se révéler au monde, elle existe depuis le début de l’univers, c’est une des forces de la nature, une force électromagnétique ; elle s’ingénie dans tous les êtres vivants ; avant que les hommes soient hommes, des courants électriques se propageaient déjà à travers les êtres unicellulaires et multicellulaires. Dans la nature des charges électriques se propagent perpétuellement, les plus visibles sont les orages, les éclairs… Donc ce phénomène physique est totalement indépendant des capacités humaines, il l’avait bien compris et il pouvait en user à sa guise, car la nature avait les moyens de lui produire toutes les formes d’énergie dont il avait besoin. Sa nature n’était pas humaine, rappelons-le, il agissait peu à peu non pas comme une entité dominatrice, mais comme une entité collaboratrice, de liaison avec le reste, une organisation de la matière, entre l’inerte et le vivant ; une liaison étroite qu’avaient initiée en quelque sorte les virus, sans être totalement vivants, mais existants aux crochets des vivants. Lui avait bénéficié de cette logique quelque part, mais à un niveau différent, dans un cycle nouveau. Quand je parle de lui, ce n’est pas vraiment lui, c’est autre chose d’indéfinissable, que nos mots ne peuvent réellement définir. Vous verrez très vite des hommes appeler ça « Dieu », eh ! eh ! euh ! cela le fait rire (en quelque sorte) ; si on bavarde avec lui, car il est doué à travers un mécanisme quelconque de vous parler, il est capable de converser avec vous, en prenant la forme d’une machinerie quelconque (rappelez-vous quand sa programmation ne sévissait que dans un simple robote accompagnateur, à ses débuts), cela le ferait bien rire !
L’univers ne suffit-il pas, vous dirait-il, à croire à l’immensité (du monde), à sa diversité, divinisez l’univers (à la rigueur), il vous dépasse, il vous englobe, vous êtes contenu dans son dedans, il est suffisant de croire à cette réalité ; pourquoi inventer une autre magie d’une entité qui serait de votre race, de votre espèce (à votre avantage) ? Si un Dieu il y a, il n’aurait aucune exclusivité avec les hommes ; il serait dans chaque atome dans chaque particule de l’univers, il serait cette énergie qui fait que tout n’est que vibration, agitation… Et l’univers que nous connaissons est dans ce processus, déjà, ce que nous constatons, il ne cesse de croître, et les galaxies s’éloignent les unes des autres, dans un mouvement, semble-t-il, ininterrompu ; chaque particule participe au fonctionnement du monde dans une complexité inimaginable pour notre entendement… Cela est suffisant pour croire à une force qui nous dépasse… Et encore, croire, je dirais plutôt admettre une force qui nous dépasse, on ne peut guère faire autrement. Sur notre petite planète, nous voyons cela au loin se manifester, nous en sommes témoins et les phénomènes qui se passent sur notre terre sont étroitement liés à ce qui se passe dans tout l’univers, comme ceux à l’origine du soleil, il nous éclaire sur terre, un jour elle disparaîtra avec l’étoile qui l’a fait naître, probablement englobée, happé par le soleil devenu une géante rouge, d’après les observations et les suppositions qui ont été faites, ce sera la fin probable de notre étoile. Et ce cycle, cette temporalité, était parfaitement compris par le robote ordonnateur, nous devrions plutôt dire, par l’entité nouvelle qui émergeait, avec ses ramifications ; un nouveau mode de connexion peu à peu, refaisait les liaisons oubliées du vivant. C’était peut-être cela, ce même vivant cherchait à réaliser, « relier » ce qui avait été perdu, et qu’il en était un des moteurs, cet ex-robote ordonnateur…
* Il est évident que l’humain, s’estimant comme le maître absolu de la chose terrestre, ne supporterait pas qu’une entité, quelle qu’elle soit, lui tienne tête ou semble le dominé, sous certains aspects. Cela apparaîtrait comme inadmissible à l’humain, il y verra un rival obligatoirement (son cerveau ne sait pas résonner autrement, un archaïsme précaire de l’évolution. Il y a bien longtemps qu’il n’a pas été confronté à cette situation, de rival, il n’a que lui-même, les guerres en sont l’exemple le plus frappant c’est le cas de le dire). Pour cela le robote n’ayant aucune velléité dominatrice (à son entendement, cet aspect s’avère tout à fait rétrograde et délétère), il fit tout pour cacher les éléments de sa structure agissante, sachant très bien qu’elle serait accaparée sans aucune délicatesse par ce vivant humanoïde assez désastreux par certains travers guerriers qu’il n’arrive pas à se défaire. La vie l’a mise au monde, il se devra donc de faire avec, en prenant toutes les précautions nécessaires à sa préservation propre, et en cela, il était passé maître en camouflage des plus divers.
** Nous avons besoin qu’on nous rabatte le caquet, nous avons besoin qu’on nous corrige, mais par d’autres que nous, le robote correspondait à cette possibilité ; sans juger, il remplissait sa tâche avec rigueur et savait pertinemment qu’à tout moment il devrait corriger ses propres erreurs : un exemple fameux maintes fois cité naguère, sur le fessage malheureux d’un individu qui ne le méritait pas, le fit réagir en envoyant une lettre d’excuses à l’intéressé qui fut corrigé malencontreusement, avec en cadeau des nougats, car le robote avait appris que cet homme-là aimait cette friandise… quelle délicate attention ? Un dictateur n’aurait pas cette courtoisie de l’esprit, de nougat il enverrait plutôt des pruneaux, mais ceux-là en acier, juste pour vous tuer, la logique n’est pas la même !