(texte (??) - 26 févr. 2017 à 8h35)

— Taisez-vous !
— Mais taisez-vous donc !
— Vous assistez à un carnaval d’animaux !
— Taisez-vous enfin ! Vous savez bien, ce ballet incessant de ceux-là, à deux pattes, qui mugissent dans la forêt avec des chants du pire et du rien, c’est le son de leur voix, on dirait qu’il clame à tue-tête de vieux airs d’autrefois quand ils demeuraient les maîtres d’une pègre naguère, m’a-t-on résumé ! (je ne connais pas tous les détails).
— Ah oui ! Je me souviens, au début de ma conception on initialisa ma mémoire de ces anciens récits qui servent de récipient à nos débuts préparatoires, avant que nous agissions.
— C’est cela ! Vous vous le rappelez bien, ce sont bien ces deux pattes-là ; il en reste encore… regardez ! Le mâle tient une de leurs vieilles reliques.
— Oui, je vois ? Ce tube coudé qu’ils brandissent en criant « pan ! pan ! », comme ils braillent à chaque fois qu’ils avancent leur objet en face de nous, on dirait qu’ils veulent nous effrayer ; comme c’est amusant ?
— Vous avez tout à fait raison, ce sont de vieux rites qu’ils gardent du temps de leur splendeur, c’est effectivement ce qui se raconte !
— Oui, j’ai entendu cela… Oh regardez ! vous en voyez un avec une fine plaque de métal, on dirait qu’il s’amuse à l’enfoncer dans le corps de son voisin ; mais se peut-il qu’il lui fasse mal ?
— Ah ! Mon enfant, vous assistez là à un assassinat ! C’est un de leurs rituels… Et si vous avez bien remarqué, celui que l’on trucide ainsi gardait les deux membres du haut joint, la tête (la boule à moitié poilue, au sommet) de son corps tourné vers le ciel ; il vociférait d’ailleurs un chant assez monotone ; mais très coutumier, chez ce genre d’animal…
— je vois ? Mais qu’est-ce donc ce liquide rouge qui dégouline le long de sa carcasse ?
— Oui, je l’aperçois aussi, c’est la substance interne de leur structure qui sert à nourrir les divers partis qui les composent ; sans cela, leur vie deviendrait bien courte !
— Apparemment que celui qui fut transpercé ne bouge plus, son métabolisme a-t-il été interrompu ?
— Complètement effectivement ! Mais restez éveillé ! on dirait une femelle, elle s’approche avec une grosse plaque métallique effilée ? C’est cela en effet ; regardez bien, elle va découper en tranches la structure inanimée de leur semblable… observez attentivement ce rituel étonnant, voyez ! Ils se partagent les morceaux et les absorbent comme pour garder un souvenir de celui qu’ils ont ainsi dépecé ?
— Oui, vous avez raison, comme c’est étrange…
— Attendez ! J’ai retrouvé la trace de leur histoire à ces animaux-là… il se raconte que le vivant développa leur structure afin de permettre un nouvel essor de sa proéminence, ajouter une évolution de son règne, mais que leur aboutissement en grande partie échoua, à cause d’une programmation défectueuse de leur codage génétique, en effet ! c’était comme ce que nous venons de voir, ils ne réussirent pas à se défaire de ses rituels en forme de chants ; à chaque fois, on en trouvait toujours au moins un qui ne désirait pas que l’on fredonne d’une autre manière que lui ; à cause de cela, ils n’arrivèrent pas à éviter ces découpes réciproques et ces absorptions devenues maladives, comme vous venez de le voir !
— Ah ! c’est donc cela, ce rituel dont vous me parlez ? Ces animaux se trouvent alors en voie de disparition ?
— Oui ! La vie a introduit un gène dérégulateur dans leur fonctionnement habituel et les laisse s’éteindre progressivement, c’est effectivement une espèce sans avenir, qu’elle délaisse maintenant…