(texte manuscrit - le 14 oct. 2018 à 12h53)

—> 3. « singes savants », considérations philosophiques :

Ce qui m’horripile systématiquement c’est l’orientation de notre langage en faveur de notre espèce, et évidemment, au détriment des autres vivants nous entourant. Ils sont tout au plus présentés comme des serviteurs soumis à notre bon vouloir.
Quand nous parlons des cultures alimentaires par exemple, nous disons « cette plante est nuisible » (selon notre jugement péremptoire), une adventice, une mauvaise herbe, etc. ou cet autre argument considérant les « bonnes » plantes ou les « mauvaises » herbes de nos campagnes ; le langage n’est pas plus élogieux pour les pucerons sur les légumes de nos jardins ou pour tout autre insecte ayant eu la mauvaise idée de se nourrir de nos cultures esclavagisées, ou qui sont considérées en tant que tels.
Une plante ou un animal n’est ni bon ni mauvais, ni autorisé ni interdit ou encore non souhaitable ou permis, il partage par le fruit de sa germination (au même titre que nous) un même sol que le nôtre, et nous n’en sommes pas plus propriétaires que la fourmi ou la libellule ; voir encore quelques bactéries à foison, occupant notre tube digestif, tout ce monde se retrouve là par la force des choses, dont le vivant dans son entier exprime une émanation envahissante de la croûte terrestre.
Le monde n’est pas à notre service, docile et obéissant à notre diktat éclairé par une lanterne quelque peu défaillante, pour ce qui nous concerne, serions-nous oublieux de nos origines ? Sinon gare à nos pesticides, nos phytosanitaires destructeurs, nos herbicides sélectifs et ravageurs ?
Cette manière d’appréhender le vivant dans un langage délibérément en notre faveur et dénigrant celui qui n’obéit pas à nous, représente (pour moi) une dérive malsaine et sans avenir ; qu’est-ce qui cloche chez nous ?

Nous devrions être plus respectueux ou considérer les vivants autour de nous comme des cohabitants, des partenaires plus que des rivales. Nous devrions, oui, surveiller notre langage et être plus respectueux des formes différentes de nous. Nous avons déjà tant de mal à nous respecter entre nous (nos guerres incessantes en sont la preuve) ; alors les autres, pfft !
Moi, je ne tus que les mouches, parce qu’elles font bzzz autour de moi et cela me gêne assez (dit ainsi pour être poli), elles m’agacent beaucoup… je tus par oisiveté, ou pour ma tranquillité, la tapette (l’ustensile) et mon arme guerrière, j’ai déjà 38 582 mouches (diptères ailés divers) à mon tableau de chasse. Je n’en suis pas fier ! D’ailleurs je suis un sale type ! Méfiez-vous, je suis un homme ! Et c’est tout dire ! Méfiez-vous de moi, Madame la Calliphora vomitoria (mouche bleue), j’ai la tapette auprès de moi, si vous venez m’importuner…
Toutefois, je vous autorise à vous venger (venger vos aînées tuées par moi) ; après ma mort, vous pourrez me dépecer goulûment ; mais je n’en mérite pas tant, ma chair ne semble pas formidable, elle est pleine de pesticides, d’édulcorants, de retardateurs de flamme, alors, méfiez-vous ! *

Vous voyez ? Dans notre langage, « je vous autorise… », nous dictons ce que l’on envisage, même quand c’est un mirage, il faut que l’on dicte aux autres (ceux d’une autre forme que la nôtre) les us et coutumes que l’on voudrait qu’ils aient, pour notre bon plaisir ?

* Oui, j’ingurgitai beaucoup de produits toxiques à mes dépens, d’où la raison probable de ma disparition prématurée prochainement ; tenez-vous sur vos gardes, Madame la mouche, vous pourrez bientôt picorer assidûment ma chair dépérissante et y pondre vos œufs sans retenue aucune ; ma tapette élastique n’aura plus de bras suffisant pour vous tomber dessus pour vous écraser sans aucune autre retenue, le sort d’un agacement de jadis dont j’usai de nombreuses fois dans ma chambrée de parvenus !

(Aparté : celons comment tu le regardes, ce texte manuscrit, il est biscornu à l’endroit [quand on tente de le lire normalement] ; mais si tu l’inclines vers la gauche et abaissant la feuille à moitié par la tranche, tu y verras un rythme de mots, dans sa graphie. Ceci n’a aucun rapport avec le contenu du texte, c’est seulement pour me souvenir de ça, quand je devrai aborder le sujet du geste graphique à mon endroit… J’y reviendrai, car c’est une expérience des sens, très particulière ou les mots semblent superflus ; seul reste les sensations éprouvées, une harmonie, une dysharmonie, du rythme ou de la saccade désordonnée, des jambages du mot mal formé, quand on regarde de biais le tout, forme un truc parfois agréable à la vue.)

(ajout électronisé – 14h50)

J’aime bien, quand la nature nous renvoie en travers de la gueule, nos réalités transfigurées par nos méfaits, oui, je n’ai de cesse, à médire de nous ; vrai, notre manière d’être mérite un tel atermoiement, pourquoi devrais-je me voiler la face ? Quoi de mieux, dans ma folie des plus passagères, me faire emporter par un grand vent flirtant auprès de ma fenêtre quand je quitterai mon abritance, une rafale folle m’emporterait là où je ne souhaiterai pas aller, elle passera outre mes desiderata ; qu’est-ce qu’elle en aura à foutre de mon désir, la langue venteuse qui m’emportera ? Loin de là, je voudrais dans ce cas, par-dessus les plus hauts monts, par-dessus les nuages, par-dessus les rivages, par-dessus toute frontière, celles de nos imaginaires, réalité devenue désuète dorénavant, je voguerais parmi les vents au-dessus de tout entendement, comme un ouragan devenu très méchant pour les zommes, vous savez bien, ceux-là voulant passer outre le temps, le temps de nos misères, du moindre entendement, pour cacher autre chose qu’un enfer, notre manque de savoir-faire pour nos lendemains ; que devrions-nous au juste, défaire ?