(texte électronisée du 2013-02-06 03h30)

(texte initial électronisé du 2012-09-15 02h27)

—> Cette narration s’avèrera plus tard erronée, le scribe n’avait pas compris au début, İpanadrega n’est ni un nom ni une personne !
—> dans la version finale, İpanadrega devient « İl » à partir de 2018

—> récit original

roman
tourments
naufrage
envies
et
espérance
d’un autre
lui

İpanadrega était un enfant irréaliste, né de la conception de son maître, improbable et sans émotion.
Du jour au lendemain, il devint un de ces monstres d’envie que le monde redoute et son créateur n’eut de reste, qu’un désir, le voir détruire le château de sable de ses démons.

İpanadrega n’avait de puissance, qu’un pauvre esquif, à peine cette force des muscles qui vous fait casser de ces vitrines où les masques tombent. C’était un idolâtre, un vent futile sans émoi, une figure de style, une arabesque sans bons sentiments, une vague aubaine…

Jadis, dans les contrées du bout du monde, il se racontait qu’un étrange être eut ravagé les terres australes à coups de bottes et de chagrins ; les poseurs disaient de ses méfaits, « ce sont de viles digressions faites de gestes impromptus », précieux mots inattendus qui ne vous donnent pas le moral…
C’est que, d’inconnues engeances en ont gardé mémoire, à travers des romans alarmants, écrits tout le long des vastes hivers. Des sortes de paroles rocailleuses, faites de rien, faites de peu, de très petits souvenirs, des soucis surtout, enfin c’est ce qu’on en dit, cela n’est pas très clair, mais malgré tout, anime le vaste monde et l’ennui assez, vous pouvez en rire, ici… et là… (il les montre sur une mappemonde et s’en va)

İpanadrega a vu tout cela, il n’en tire aucune fierté, car c’est un enfant au cœur rejeté qui voudrait vivre, ne serait-ce qu’un été, la mine réjouie des innocences claires où brillent des fontaines de « flots bleus », c’est son imaginaire un peu désuet, d’ailleurs il se voit dire « c’est merveilleux ! » et tout son tralala de mots mielleux. Qu’il soit bête ? Non, niais certainement, un peu. C’est qu’il aime ces mots sirupeux au romantisme bidon qui vous donne des « allures ». D’ailleurs, lui, n’ose point le panache, il se croit sot et rêve donc à de savants apprentissages.
Il a gardé un rêve ou deux au fond de son placard, une horrible et sombre cachette qu’il protège fiévreusement, la main sur la gâchette. Faites donc attention à ce que vous dites.

D’ailleurs, il regrette les anciennes vacheries des semaines passées à s’agacer de jour en jour, en de vains propos, sur la limande étroite de ces entrefaites ; c’est qu’il a les idées plates, un autre de ses méfaits, des plus déplorables, des plus indécollables, sa joie…

İpanadrega a fait des rêves de son regret. La tristesse l’inonde dès que se pavanent tout autour ces cœurs de l’ennui, alors qu’il voudrait tant chanter, avoir une envolée lyrique ! S’élever d’une manière un peu magique et faire chavirer son frêle esquif…

Il est né d’une rumeur d’estomac, celle de son géniteur, et du tourment, celui qui s’immisce dans ces chants du crâne que le cerveau dessert quand, au fond de la nuit, vient d’apparaître le début d’une insomnie, une rumeur de plus, une autre goutte de pluie, un ciel humide et un mal qui ronge comme la fuite douce et continue d’un univers dépenaillé, sans cendre ni reflets, une musique continue, un souffle prenant et discret à la fois, une misère dans le noir, jusqu’au matin enfin, ivre de fatigue…

Des ondes métaphysiques l’inondent. Avec un regard rouge et des pommettes luisantes, il rêve d’une femme, comme d’une figure de l’amour et s’agace à des envies qui passent bien vite hélas, navré… Il a réussi à alpaguer, malgré tout, une émotion ou deux, son remède à l’ennui systématique, c’est en cela que vous le trouverez très enchanté aujourd’hui, comme certains jours, il a passé une nuit sans colique…

Certes, İpanadrega, n’a pas connu le regard de l’ingénue, cet idéal magique, ni son souffle, ni son sein, ni ses reins, ni la besogne des envies et de l’instinct.
Sa verge sent le moisi et ne s’engorge que de pertes d’eau sale.
Ce n’était pas qu’il fût vierge, mais cette raideur ici, ne l’inspire plus
et les mouvements de chairs, ces remuements frénétiques, le répugnent…
Les embrassades aussi l’incommodent
le mélange des haleines
la sueur érotique des matins froids
n’a plus le même rêve narcotique qu’à ses vingt ans
en fait
il trouve que sa vie
c’est de la merde !

Oh ne vous moquez pas de lui, n’apportez aucune médisance, aucun défit, hé sinon qu’arriverait-il ? Une humeur inappropriée, un geste qu’un instinct très offensif lui ferait regretter.

Alors, au lieu de le quereller, faites s’abattre de doux chants, montrez-lui de belles images à ses yeux enfin réjouis, qu’alors il musarde sont regard esseulé sur la chaude nuit d’été, un verre à la main, la mine alanguie, le front enrubanné des idées du jour, à la recherche d’un extraordinaire moment où il pourrait faire l’amour, enfin !

D’ailleurs pourquoi faudrait-il toujours écrire des récits de haine et de violence, alors que se prélassent d’idylliques propos au creux de vos vilains mots, il aura toujours une tirade d’avance ! Et voyez-le, il soliloque avec son verre devenu une vasque aux mille propos, et ce n’est pas un dé à coudre dans sa main, il ne recoud rien, peut-être son idéal enfin trouvé, devenu l’ivresse des doux soirs allongés…
À cet instant, un vent frêle a instillé comme une sorte de température épatante, le sourire d’une muse qui veut faire mumuse avec lui… (je vous dis « laissons-les ! »)

Ipanadrega ne tuera point, n’en faites pas un assassin. Il s’ingénie à imiter les gestes d’une femme, y retrouver toute la grâce, la volupté et les sentiments qui vont avec. Ne criez pas son nom, cela le ferait fuir, inonderait les commodités de la rue, vous escaladeriez avec hantise, la peur au fond des yeux, les fenêtres des rudes immeubles à la texture froide que sont les cités d’aujourd’hui, ce serait bien d’inutiles tracas pour vos extrémités surprises…
Laissez donc le mouvement libre à ses membres anodins, pour une fois, qu’il parade, si cela l’amuse, ne vous en offusquez pas, ce serait idiot, pas bien malin ; lui ? Ce n’est qu’un songe, un être imaginaire, qui ne fait que vous croiser.

Oui, les mots en ajoutent et se rallongent, les faux-fuyants et les mensonges sont la rançon de sa gloire encore inconnue. Il flirte avec une femme au cœur méprisable, on a mis la beauté à sa table et il tente un régal, la serviette autour du cou, chut ! n’ébruitez pas tout…

Aujourd’hui, Ipanadrega a vu « l’Aurore » de Murnau, vieux film muet fait d’images oniriques, cela l’a réjoui. C’est alors, estimant s’être instruit de l’ancien, bien plus qu’il n’en faut, il eut un désir de doux homme, à moins que ce ne soit, d’un doux somme… Mais qu’importe, puisqu’il n’est que ce rêve, laissé au mois de juillet, sur la plage arrière d’une auto mal garée et que par la vitre cassée s’en est échappé pour s’égarer dans les bras d’un sommeil mal barré… Nous le sommes aussi…

« Ta métaphore est ta physique ! » lui hurle un idolâtre, un sophiste de plus à son chapelet d’aubaines, des plus saoules cette fois. On veut profiter de lui, il est la risée des tourments et les fadaises l’ébruitent trop à son goût, sa voix déchire les âmes les plus douteuses, on a brisé sa mélancolie, il enrage !
Vous parliez des peines et des désastres, lui n’abordait que le cœur de son envie et le rêve qui allait avec. Il n’a pas osé monter sur le pont de ce navire en perdition, pour être ce brave capitaine sauvant les vies et pour frimer enfin, avec les galons de sa veste d’apparat, c’est un modeste !

« J’ai su toute de suite ce que sera ma délivrance et je n’ai cherché qu’à l’atteindre » disait-il au témoin de son drame, car il y en avait bien un, en somme, cette petite dérive de l’inconnu, cette peur des découvertes, des déconvenues.
Sauter d’un train, quand il est à l’arrêt, n’est pas bien difficile. C’est quand il avance, à vive allure, que cela pose un problème de survivance à celui qui se jette au-dehors avec l’idée, peut-être, d’un éventuel suicide. Mais pourquoi donc se laisser tomber, alors qu’il suffit de voler ? C’est tout de même effarant de ne pas y avoir pensé plus tôt, c’est comme perdre l’équilibre sur la rambarde du pont, idiote raison. Écarte donc les bras, tu es un « oiseau », même si ton vol ne dure qu’un instant de raison, « la délivrance des airs est une ivresse incommensurable », pense-t-il avec l’amusement d’une enfance retrouvée…

Si vous interrogez sa mémoire, il vous dira sûrement toutes les histoires qu’il a engrangées, la magnifique aventure des déserts de sable, au fond de la Gobi, ou, la douce pente d’un bleu profond, d’une vague immense, se finissant en déchirure, sur la falaise du rire idiot de ce mercenaire abruti par les massacres des vies qu’il a monnayé l’autre nuit, autour de lui… Il vous en dirait tant et tant, sa parlotte est l’esclave servile de son imaginaire. Mais rien ne vaut le souffle du vent dans le vide aérien d’un vol plané interminable, glissant paisiblement avec insouciance ; rien !

Ne lui parlez pas des dimanches, où retiré de tous, ayant acquis les plus profonds rêves qu’un être puisse atteindre, il dort pour se reposer des hommes. Il s’engorge des délires divins que sa mémoire vous délivrera peut-être plus tard, un soir illuné et magique du beau mois de mai, comme une bonne fortune, sous la printanière feuillaison des arbres du jardin, tous assis, l’écoutant vous raconter cet éternel recommencement, à chaque fois reprit et augmenté par des savoirs accumulés de siècle en siècle, ce qu’on appelle « la légende éternelle ».

Et pourtant, Ipanadrega vous dira « je suis vide », sa carcasse est absente, il n’est rien, cela n’a pas de sens ? Il est traversé de toute part, de tous les mots du monde, qu’il lui faut rassembler et disperser encore, dans un ordre nouveau.
Il rumine mille fois une thèse peu ordinaire, faite de tracas et de chambardements, du terrible au meilleur avec de l’incertain aussi ; c’est un jongleur, un illusionniste, mais ne le lui dites pas, il s’évaporerait aussitôt comme ces oiseaux de l’aurore au vol alerte et court, par petits bons… Hop ! Hop !