(texte manuscrit – 23 mai 2019 vers 2h30)
—> 3. « singes savants », philosophia vitae : (et petit chemin à la fin ?)
—> Toujours la mémoire, mélange des genres ; tout est mêlé dans ce racontement, je ne sais le démêler ni où le mettre, un peu partout, et nulle part à la fois, dilemme ?
Toujours, la mémoire, celle qu’on ne veut laisser, ou même pire, qu’on ne peut laisser ; elle s’accroche à nous, elle est faite pour résister ; obstiner, elle nous fait vivre, elle est la vie. Cette mémoire qui ne veut pas se perdre, et sans cesse nous raconte son histoire. À travers les murs, à travers les âges, c’est toujours la même rengaine, elle s’obstine cette vie intransigeante. Que peut-on faire de mieux si ce n’est sous un ciel radieux, racontez à une myriade d’enfances cette vie de toute forme sans cesse inventée ? Vous avez beau faire le mort, de vous, elle va se réinventer et ajouter à d’autres mémoires l’invention de son existence, son dédoublement sans cesse raconté. Sans mémoires, comment ferions-nous, sans passé, sans ancêtres, nous ne serions pas tout simplement ! Mais, comme elle ne cesse cette réinvention du passé d’elle-même en de multiples propos, ça en fait des histoires à raconter ! N’a-t-elle pas de substance, pas de graine ultime à nous montrer, pour nous dire là d’où l’on vient, le premier moment qui se fut raconté, là où naquit cette idée de se dédoubler, avec le double des clés, favorisant l’accès au plan de fabrique, l’originale ; il fallait bien une histoire, une petite information sans matière, sans substance, pour donner au premier double de soi de tous les temps, l’histoire de ce que je fus au début, un commencement. Et par ce simple geste, mouvement et dédoublement répétés, à nouveau dans d’éternels recommencements tous nouveaux, en plus à chaque fois, la petite particularité ajoutée, la petite variation dans ces copies du soi d’origine ; je me diversifiai tant, jusqu’à en perdre par moments, la mémoire de ce que je fus au début des temps, avant cet instant, je ne sais pas ! Je ne sais plus, ou plutôt ce n’est plus mon histoire tout à fait, elle englobe des aspects d’une autre mémoire, encore plus fine, encore plus secrète, celle des débuts de notre univers, là où celui-ci commença, là où tout se diversifia, puis il construisit toutes les briques où notre mémoire propre un jour s’installera pour se transmettre inlassablement, disais-je ; ce serait donc ça ? L’univers tout entier aurait-il besoin de cette mémoire-là, pour un jour, très brièvement, en arrive à se raconter en un instant ; et par là, dans cette mémoire gigantesque accumulée, laisser faire dans cette pression présupposée, laisser un hasard ambigu pour que tout puisse exploser, se répandre et diffuser à travers un vide inconstant, toute la mémoire déversée en un instant ! Imaginez ! L’on possède en soi, chacun de nous, toute cette information-là, sans matière propre (ou plutôt accrochée à elle) la simple souvenance de ce qui fut au début ; comme ce qui est et sera plus tard. On peut comprendre que dans ce vertige, certains y verront quelque chose de divin, un divin sans visage, sans forme, plus que le long déroulement d’une information en cours de diffusion, en cours de transmission, le vertige se situe à cet endroit exactement et nous n’en pouvons percevoir la totalité de ce qui nous forme et nous anime, cet essoufflement constant que l’on perçoit ainsi et que les anciens, afin de faire cours, au moment de cette perception, exprimèrent à travers un mot très court : la vie ! (Il est trois heures du matin)
Cette information ne semble pas matérielle, elle se transmet à travers la matière et s’y cache, s’y imprègne, y laisse une trace ; mais l’information ultime semble n’y laisser aucune formule, aucun algorithme tangible, où se situe cette trace ? Est-ce bien une trace, une mémoire, un racontement, un stratagème, celui du mouvement et de nos déplacements, nos constructions : arbre, corail, calcaire, termitière, cathédrale, fusée, mycélium sous la forêt, tout cela dans la matière laisse une trace. Mais qui suis-je pour prétendre à ces choses ? Rien ! Ou si peu, en mon dedans, se raconte cet entendement, ce vaste poème (venue) du bout des temps ! Il me ressasse tout le temps justement, la même chanson ; alors à force, pour qui sait entendre, la chanson j’ai fini par la savoir par cœur, c’est comme une répétition à l’unisson, qui me dit que je ne suis pas tout seul, de n’être rien, c’est peu en effet, mais tout de même quelque chose et que ces tout petits riens mis bout à bout ça en fait, un monde ! Il ne cesse de se rallonger et au-dedans de son histoire je ne cesse de me plonger. Voyez, le frêle esquif est rudoyé plus qu’il n’en faut, l’édifice reste fragile, des vents l’ont esquinté, comme un périssement inexorable dans une suite de recommencements interminables. Ah oui ! J’ai déjà entendu cette musique ? La musique ! Cette sonorité indépassable, un signal, une vibration, un rythme, un petit message, une ritournelle est l’aveu d’un printemps sans cesse recommencé. Vous voyez bien, cela revient ! Je ne fais que répéter l’égrenage de la mélodie, probable que tout à l’heure on la chantera, comme l’oiseau, imiter son chant ! Ou le grillon, son stridulement ; à moins que ce soit le long et profond murmure d’une forêt qui m’attend qui m’attend ! À chaque fois que j’y vais, j’en ramène une fournée de ses recommencements incessants, avec à chaque fois, en effet, cette petite variation tout le temps, à chaque pas, à chaque battement des rythmes du cœur, s’ajoute aux miens celui du petit Lérot que j’ai sauvé des griffes de la tapette à souris cette nuit. La nuit m’ajoute des effets encore et encore, elle ne cesse nullement cette musique ; comment faire autrement, je me pose cette question tout le temps ; et à chaque fois, sans que je le veuille vraiment, un changement s’effectue dans cet éternel recommencement, semble-t-il ? Ajouterai-je un mot à la fin de cet écrit que je n’arrive pas à terminer ? Ah si ! Là, un point en effet. (il est 4h15)