(parole en marchant – 9 juill. 2019 à 8h44)

—> 2. « petit chemin » :

(version)

(Il marche tranquillement sans hâte, on l’interroge sur les vestiges laissés par les hommes…)

Parler du patrimoine mondial de l’humanité, à travers ces célébrations incongrues, je ne cesse de me poser la question « et des autres, qu’en faites-vous des autres, autres que vous ? » Toujours, le même problème, on valorise notre espèce en ignorant le reste ! Vous allez dire que je me répète, mais nous n’existons que parce qu’il y a les autres ; nous formons un tout ! Patrimoine ? Patrimoine de la planète, je dirais ! * Pas celui d’une espèce. Ce qu’a produit notre espèce est dû essentiellement aux résultats d’une évolution lente, à travers la génération d’entités avant nous, ils nous ont formés et permis d’être ce que nous sommes, en bien ou en pire, c’est selon ce que l’on verra ou souhaitera voir. Beaucoup de nos vestiges célèbrent des conflits fameux, des guerres incessantes, la gloriole de quelques combattants mythiques que l’on glorifie, oui, un peu sans connaître ce qu’ils furent véritablement ; moi-même, je ne le sais pas (je n’y étais pas évidemment), mais je m’imagine bien qu’ils ne furent guère plus que ceux qui existent à l’heure actuelle, ni plus ni moins. Pour la plupart, des hommes de poigne, des dictateurs, en gros, des sales types que l’on vénère parce qu’ils ont tout fait pour qu’on laisse dans l’histoire de l’espèce (de la tribu), un témoignage qui leur soit favorable, parce qu’ils ont su, à travers une sorte de charisme étonnant, faire taire ceux qui les jugent ! Vous ne m’aurez pas avec ce genre de stratagèmes, je n’y crois pas ! Et je le dis bien, « je n’y crois pas ! » On se lasse, à répéter toujours les mêmes choses, dans l’oubli des autres, des autres que nous…
4’50
Petit vent salutaire, ta froideur a du bon… à raidir le muscle, avant la grande chaleur…
5’15 (un oiseau joyeux s’exclame ! ***)
… qui nous tarabuste… Matin calme ! Oiseaux tranquilles dans le bois… Ah ! Quelques deux-pattes, je vois… nous allons être obligés de saluer !…
7’21
Bonjour !
Bonjour ! Bonjour !
8’03 (il parle doucement, avec comme une honte au front : sa misanthropie maladive)
Ça y est, le traumatisme est passé, trois deux-pattes ! Femelles en plus… elles avaient l’air plus futées que les autres, tranquilles, souriantes, on n’y est pas accoutumé !
10’08
Matin calme, au loin, le bruit d’une circulation sur la grand-route, incessante !
Sauront-ils un jour faire une pause ?
Les chemins sont encore à l’ombre, le soleil n’est pas encore très haut, eh, une petite voix me dit « mais qu’est-ce qu’on en a à foutre, de ce que tu nous dis ! » C’est là tout le problème, « ben, n’écoutez pas ! » me dit l’oiseau…
11’49 (les oiseaux discutent entre eux, lui s’arrête et les écoute)

de 11’57 à 12’47, la mélodie d’un Accenteur mouchet, entre 2 kHz et 6 kHz ; au-dessus, quelques gazouillements d’oiseaux plus éloignés…

de 12’55 à 13’45, autres variations du chant de l’oiseau…

de 13’36 à 13’46, zoom de la fin du sonagramme précédent, en moins prononcé, la réponse de son voisin (pendant ce temps, l’homme qui écoute trouvera beau ou insignifiant ce chant, sans se soucier de ce qu’ils racontent, les oiseaux…)

14’51 (il reprend sa marche)
Et vous me direz que les oiseaux n’ont pas de conversation ? Dans leurs intonations et la réponse de l’autre, un peu plus loin, c’est qu’ils conversent et les intonations sont semblables aux nôtres (j’en ai la preuve sonore, ici !). Vous prétendez que nous avons inventé le langage, mais cette forme d’expression du vivant existait bien avant nous, nous n’avons fait que copier ces vibrations sonores, émises par les oiseaux et les insectes.
15’44 (l’oiseau joyeux donne des précisions, le témoignage de ses ancêtres…)
À aucun moment, je n’entendis un chant répéter exactement une même mélodie. J’aurais pu raconter leur façon de parler comme une légende, épique ! Mais, à la réflexion, je préfère rester simple, témoigner de cette situation qu’il nous est fait, de percevoir d’une certaine manière, une partie de ce qui se passe autour de nous. Ce témoignage (ce que vous entendez là) n’en est qu’un parmi d’autres, eh, il est vrai que je suis lasse des histoires entre nous. J’apprécie les histoires qui envisagent un dialogue avec autre que nous, sur cette planète. Mais voilà, nous sommes tellement habitués à ce dialogue « entre nous », que nous avons du mal à nous en défaire, de lui !
18’03 (l’oiseau ajoute une virgule jolie !)
18’23 (le vent arrive vers lui et l’élève un peu… c’est physique ! Aucune mystique là-dedans ! Allons !)
Le tout est d’apprendre, on ne cesse d’apprendre !
19’28
Eh bien, la fraîcheur enlève le moucheron, quand il fait trop froid, ils ne sont pas là, ils grelottent, ils attendent un rayon pour qu’il les réchauffe suffisamment et qu’ils s’envolent ce matin si possible ! Aucune sueur à l’horizon, aucune envie de s’envoler avec un frisson, pensez donc, dans le froid qui a donc une sueur, sinon un glaçon qui pend au bout de son nez ! Eh, nous n’en sommes pas encore là, passer d’un froid intense à une chaleur vive, l’atmosphère existante encore, elle régule tant qu’elle peut ces variations de température… Toujours tout le temps dramatique sur une lune où ne sévit aucune véritable atmosphère digne de ce nom, le moindre rayon du soleil vous fait passer d’une température négative suscitant la glace à un réchauffement presque bouillonnant, l’amplitude est grande…
22’00 (un oiseau lance un cri hilare « tri tritritri tri »)
22’40
Les chemins ici, sont tous désolés, au bord, des troncs d’arbres bariolés découpés, prêts à être emportés ! On les a affublés en dernier recours d’inscriptions et d’étiquetages savants, pour les nommer une dernière fois avant leurs découpements…
23’18 (l’oiseau joyeux implore « que l’on cesse ces abattements ! » Mais qui l’entend ?)
23’31
Vous voyez toujours la nature et ce que nous en faisons d’une manière dramatique, c’est lassant à force !
Oui ! On s’habitue à la continuité d’un état ! (il le coupe)
Eh, il n’empêche, il est sans cesse crispant votre état des lieux… S’il fallait l’établir encore une fois, après maintes fois l’avoir déjà établi, le bilan s’avère lourd, de plus en plus lourd ! Comment peut-on rester aveugle ? Comment peut-on avoir une quelconque jovialité à énumérer tous les bienfaits de la nature ? Moi, je vous le demande, je n’y arrive plus ! Il faudrait que je traverse un lieu préservé pour que j’aie une quelconque gaîté ; ce que je constate et qui me réconforte, c’est quand la main de l’homme cesse de la corrompre, la nature où ils vivent ; au bout de plusieurs mois, voire une année déjà, vous observerez qu’elle reprend toutes parts dans ces lieux comme lui appartenant éternellement, elle recompose sur nos bouleversements, elle ne se soucie guère de ce que nous faisons, elle ne juge pas (nous sommes ses enfants), elle recouvre les traces que nous avons laissées, les arrachages, les découpes, elle recomposera éternellement jusqu’à la fin de l’existence de la planète. Elle le fera ainsi, inlassablement, mais d’ici là, la vie aura voyagé loin de cette contrée puisqu’il semblerait qu’il nous reste encore quelques milliards d’années avant que le sort de la planète soit atteint.
26’39 (puis comme pour appuyer ce qu’il raconte, le vent s’en mêle, ajoutant une frayeur à sa parole, l’allure d’éventement qui arracherait tout !)
Elle est née d’un feu, elle retournera au feu, aux rougissements volcaniques incessants, nettoyant toute forme existentielle, se recombinant avec l’étoile qui la fit naître, il est fort probable que cela se passe ainsi, ou du moins c’est ce que l’on raconte ! Le vent monte, il m’explique, il me raconte, m’insuffle un air non encore vicié, de quelques échappements des machines roulantes au loin, on est loin de la route, heureusement, et sa bourrasque est salutaire…
28h13 (il remarque une plante et s’arrête un instant)
Ah, Berce…
28’21 (il hume le vent et reprend sa route)
28’43
Point d’avion dans le ciel ce matin, c’est heureux ! Ils commencent juste à décoller et bientôt vont le traverser, le ciel au-dessus de la forêt…
29’04 (une bourrasque perturbe sa parole…)
… le vent va me les apporter !
29’28 (la bourrasque continue)
J’aime la tempête ! (elle passe et s’éloigne un peu, il parle plus fort)
Je disais, j’aime la tempête ! Elle en a rien à foutre de moi, la nature, je pourrais crever là, eh alors ?
30’06 (il s’arrête et remarque une plante devenue incertaine à cet endroit, le vent souffle toujours)
Tiens, des roseaux ? C’est rare ici… Ah, c’est qu’il y a de l’eau qui ruisselle, nous sommes un peu en bas… une petite cuvette…
Le vent t’évite des échauffements, il veille sur moi en fait ! Il dit « attention ! attention ! tu vas prendre chaud, alors je vais t’éventer ! »
C’est beau !
Euh, je te remercie pour cette attention, mais n’éventerais-tu pas d’autres êtres que moi-même ?
« Bien entendu ! » me répond-il ! « j’évente le monde, et bien des fois je traverse des frontières imaginaires que vous avez inventées sans montrer mes papiers ! »
Ah ! C’est heureux ! Quels papiers devrait-il montrer ? Qu’il vienne des terres australes, du grand sud, de l’ouest ou du nord, à moins que ce soit un vent d’est ou du sud-ouest, de toutes parts, il rumine et revient, et bouleverse plus ou moins bien nos terres que nous transformons vaille que vaille ; lui ne fait que balayer, alors il balaye, balaye ! Il ne se soucie pas de ce qu’il déplace (snif) et parfois il a cette audace de s’adresser à quelques individus comme moi, eh, dans un entendement fortuit, me raconte ce qu’il a vu, il y a un certain temps déjà de l’autre côté de la planète, il passait à côté de quoi déjà, je ne m’en souviens plus ? Il passa si vite que ma mémoire ne fut pas capable de mémoriser tout ce qu’il me raconta pendant son éventement si soudain ; je n’ai pas sa capacité de transporter toutes les mémoires du monde, je ne suis pas grand-chose, je n’englobe pas toute une planète, moi ! je n’en suis qu’une part infime et cette toute petite part, malgré qu’elle soit faite des briques de ce sol, ne peut percevoir toutes les réalités de ce monde ; ma mémoire, fût-elle bien grande, si grande que cela ne se pourrait pas, il faudrait qu’il y ait une seconde planète à côté et que je sois l’être dominant de celle-ci, ayant la grandeur d’un grand vent dans une carapace identique, pour me permettre de mémoriser tout ce que ce vent-là m’apporta. Alors vous voyez bien que cela est impossible !
Mais que vous apporta-t-il ?
Mais tout ! Les senteurs, en plus d’une chaleur transportée, de molécule en molécule, celles-ci traversèrent tous les continents, inlassablement, elles captèrent tous les effluves du moment et vous les rapportèrent d’une manière extrêmement subtile ; tous vos sens ne sont pas capables de les distinguer, c’est évident ! Il faudrait l’odorat d’un chien (snif) ou d’un animal habitué à ces reniflements, pour en capter une partie importante ; mais, tout odorat, aussi subtil qu’il soit, n’y suffirait pas. Tout ce que transporte ce vent ne fait que nous traverser, nous effleurer, il semblerait bien…
Nous disions que nous ne pouvons tout appréhender, évidemment !
À ce racontement, j’ai trouvé un titre (snif) : « éventement soudain ! »
37’19 (il s’arrête)
Oui ! Là des petits Chardons…
37’26 (il marmonne des propos confus et se mouche)
37’39 (et reprend sa route en marmonnant toujours)
… oui, la chaleur arrive… Il est temps de rentrer ! Je ris déjà d’avance, à imaginer, dans un hasard comique, celui qui écouterait ceci, dira « ah ! quel drôle de type, raconter tant de bêtises ? », me dis-je, à côté des Millepertuis, et de l’Armoise, des Potentilles et des Fougères, et puis, de milliards d’êtres que je ne vois pas, sur moi, dans l’air, partout !
Oui, oui, ah, encore sa rengaine…
Ces petits êtres unicellulaires qui habitent partout, nous contaminent, comme, nous soignent, nous diversifient, nous trient, nous expérimentent, nous enrégimentent, et nous font faire des guerres, peut-être ? Ça y est, je vois les Salicaires sortir, c’est leur moment, leur floraison ; elles sortent de terre et dans leurs grappes verticales avec leurs belles petites fleurs violettes, disent, « c’est nous que v’là ! regardez-nous, comme nous sommes belles ! », disent-elles au papillon qui passait par là, et dans un effluve, qu’il appréciera, se pause dessus et papillonne papillonne suffisamment pour la gratifier d’un essaimage futur… Des Berces au bord du chemin, des Reines-des-prés, les Achillées, des Ajugas, des graviers sur lesquels je marche, petits cailloux calcaires qui font crac crac sous mes pas, l’oiseau (un Pinson) gazouillant autour de moi, l’effleurement du vent, le doux murmure de la forêt, un silence apaisant (le Pinson lui répond), malgré mes ruminements ; il faut bien qu’une gaîté s’en vienne parfois, nous apporte une jovialité souhaitable, sinon l’on se morfondrait éternellement, jusqu’au suicide inévitable. Il faut retarder ce moment le plus possible, avant un achèvement, vivre de la meilleure façon possible ; ce que notre mémoire, notre information ne cesse de cogiter, dans des élucubrations que je vais mettre par écrit, dans une autre mémoire, des traces sur des papiers ou des choses électronisées.
43’25 (il s’arrête et regarde une plante charmante à ses yeux, puis reprend sa marche)
La petite Centaurée, que me raconte-t-elle ? Ah ! Elle va bientôt fleurir elle aussi… Ah ! Elle va bientôt fleurir elle aussi…
Tu marches moins vite ?
Oui, je goûte cet instant, avant de m’activer dans une journée qui ne m’intéresse guère, d’un travail obligé. Olala, olala !
44’36 (le Pinson dans les arbres, ris de lui !)
… me dit l’oiseau, qui ne comprend pas, lui ! Il est libre !
Si libre que ça ?
Je ne sais, je ne sais. Moi, je ne suis pas si sûr de sa liberté ? « Il faudrait l’authentifier », me dit l’homme du coin, « la vérifier ! Eh, d’abord, cet oiseau, le nommer ! » Cette manie que nous avons de tout nommer… Rendez-vous compte, la plupart d’entre nous, dans nos sociétés modernisées, sont estampillés d’un nom à leur naissance ; dans une sorte de binôme linguistique, il indique une parenté et une particularité, la sienne, symbolique, emblématique, prénommée ! Ensuite, l’on vous ajoute un identifiant tout le long de votre existence, des numérotations à n’en plus finir, selon les organismes administratifs qui auront à « gérer » votre avenir, selon que l’on dialogue avec l’un ou l’autre, votre estampillage, votre numérotation différera ; elle vous désigne, elle vous symbolise, vous pourriez disparaître, votre numéro subsistera toujours dans une mémoire. Et si l’on n’y regarde bien, mais pas toujours, cela aboutira à cette information qui témoignera de votre existence ou non, validera votre survivance ou votre mort prochaine. En recherchant jusqu’au bout, dans les registres correspondant à cette numérotation… Attention papillon, j’ai failli marcher sur toi !… Dans ces registres, vous y trouverez tout l’énoncé de vos maladies, de vos condamnations, de vos élucubrations, et quand on cherche bien, une partie de l’histoire de l’individu y est retracée, c’est une mémoire délaissée, comme une autre, sauf que celle-ci vous rend plus bête que vous ne l’êtes ! Le seul patrimoine que je laisse n’est que celui qui est inscrit au fond de moi-même (snif)…
48’52 (le cri d’un oiseau de malheur, une Corneille noire ou un Geai ? Et c’est la couleur !)
… dans une petite molécule d’ADN, infime, invisible à l’œil, mais fort complexe. C’est le seul patrimoine véritable qui puisse me soupçonner, je le commets involontairement, je le laisserai, il témoignera de mon existence, de ma descendance. Maintenant qu’on sait les lires, ces petites molécules complexes en hélice…
50’00 (le vent se lève à nouveau, la parole devient grave, le vent apporte aussi la rumeur des machines roulantes sur la grand-route traversant la forêt)
Si vous laissiez tous les hommes accaparer les machines qui savent lire de telles infimes parties de vous, nous aurions de douloureux stratagèmes que certains prendront, à vouloir vous pister partout où vous irez, ce serait en effet la meilleure façon de déterminer là où vous vous cachez, sans l’ombre d’un doute, d’une contradiction possible, c’est bien vous, ce n’est personne d’autre, à moins que ce soit un clone de vous qui sévisse là. Le code est unique et il ne suscite aucune réplique !
51’47 (il s’arrête, remarque une plante connue)
Ah ! qu’as-tu vu ?
Géraniale ? J’ai oublié le nom… à côté de la Marguerite ? Gentiane ! Voilà ! pas Géraniale, une Gentiane… un Héri… un Héria… non ! un quoi, un Héria… Ah, cette mémoire… (snif) (il marmonne) Mélampyre ! Aaah ! (snif) Melampyrum… (la rumeur de la route enfle) chacun laisse sa petite mémoire, sa petite trace, dans cette molécule, qui de votre espèce, va permettre à votre dédoublement, de permettre une reproduction fidèle de ce que vous fûtes, reproduire la même fleur, la même plante (snif), la même bête, le même oiseau qui chante, le même individu qui se transporte dans ces machines roulantes que l’on entend au (pas très) loin, dans leurs bruissements pénibles, à travers l’air qui les freine et qu’ils traversent…
54’17 (le vent forcit)
Eh ! À travers ta prosodie, tu veux refaire « encore » le monde aujourd’hui ?
(snif) Non ! Tu n’as rien compris, il ne s’agit que de témoigner de ce que l’on a été ici, le bruit de plus en plus oppressant de la route qu’on longe, le vent me rapporte cette rumeur qui brouille ma voix… Belle petite fleur de Chicorée (Cichorium) au milieu du chemin… fleur bleue ! Je traverse l’allée, des petites Centaurées entre les fougères et le vent qui cette fois me pousse un peu, merci, le vent ! Il voit que je fatigue, en grand…
56’49 (il se mouche)
(il marmonne) ce vent encore…
58’30 (l’oiseau lui dit « parle donc ! » « turlidi tarlido »)
La Gentiane dans le chemin, petite Gentiane du coin… (marmonne) Mélilots, Mélilots…
59’30 (il s’éloigne de la grand-route et s’adresse à la forêt)
Aux grands couverts qui vous abritent vous apporte le réconfort d’un gîte, mais ici je ne couche pas, j’aurais trop peur la nuit des bruits que je ne connais pas ; ou sans avoir peur vraiment, retrouver les peurs, les craintes ancestrales de nos aïeux, quand pendant que je marche sur la petite Euphorbe, je me remémore ce qu’ils vécurent quand ils étaient craintifs, eux ! Ce temps-là est passé, la crainte a été vaincue, elle a été outrepassée dans des guerres ininterrompues. Encore aujourd’hui, on se bat pour la vaincre, cette peur ancestrale, on ne fait que recommencer inlassablement les mêmes erreurs fondamentales, mais peu à peu, quelques-uns d’entre nous, s’éveillent à cela, sans forcément le comprendre, nous le somment tous dans cet état ; nous percevons d’autres manières de subsister non plus sans une crainte absolument, comme une retrouvance de ce que furent les temps anciens, les ingurgiter, non pas comme à nos accoutumances ancestrales, de la même manière, mais d’une autre façon, augmenter de cette mémoire qui resurgit, l’entendre nous dire, « vois, ce que pourrait être une autre vie ! » Moi je dis ça, je ne dis rien, hein ! Ne prenez pour valeur, dans ce que je raconte, que ce qui vous intéresse, je ne prétends rien ! Qui peux prétendre une quelconque vérité dans ce domaine, me semblerais bien vaniteux ? Nous y sommes habitués pourtant, à cette attitude, beaucoup d’entre nous disent « les choses sont ainsi, c’est comme ça ! N’y revenons plus ! » Eh, dans ce diktat, dans cette loi, vous devez faire votre chemin et essayer de trouver une autre manière de voir, la vôtre ! Uniquement la vôtre ! La plus pure possible, enlevez tout ce qu’on vous a appris et recomposez tout ça avec ce que vous voyez ! Voilà l’idée… Je dis ça dans le chemin ensoleillé, avec encore ce gravier qui fait craquer la semelle de mes chaussures (snif), quand je traverse ces autoroutes de Fourmis, de la fourmilière tout près, faite d’aiguilles de Pin. Pour ces fourmis-là qui adorent construire de cette manière-là, un habitat assez beau à voir, je les salue bien bas ! J’espère ne vous avoir pas trop écrasées en passant à vos côtés. Je ne vois plus très bien… Et puis je passe la crête du chemin, le vent change de direction et s’efface peu à peu, le bruissement de la route, le calme revient, je m’en éloigne de la route… Eh ! Le vent revient et me rapporte cette rumeur. Je vois les premières Campanules, très belles cette année, m’accueillir quand je passe auprès d’elles, à côté des Hieraciums, tout freluquet qu’ils sont, à côté du Pinson qui me dit « voit-on, voit-on ? » Je m’éloigne, je m’éloigne… et je marche sur les chatons du Châtaigné à côté, chatons tombés sur le chemin, qui adoucissent un peu mes pas…
1h08’05 (il se mouche)
1h08’35 (le vent enfle)
1h09’19
Dans les chemins, auparavant, je marchais sur l’herbe, et puis, à force, je préfère maintenant marcher sur les cailloux pour éviter de la tasser, je pouvais faire autrement, je n’avais aucune raison de la harasser à chaque fois, celle-ci ; on l’agace suffisamment, l’herbe, pour ne pas en rajouter ! Alors comme je puis marcher sur les cailloux inertes, une petite attention insignifiante peu à peu fait son chemin. Envers tout être, j’y prête attention de plus en plus, comme la souris qui traverse mon logis, j’hésite à l’empoisonner d’un mets qui l’éliminera, même si parfois je laisse encore quelques tapettes où j’y ajoute une petite graine qu’elle ingurgitera à ses risques et périls, elle n’a pas eu de chance, elle est si petite et moi si gros, j’en profite de ma grandeur. Toutefois, elle ne me permet pas de voler suffisamment haut, j’ai beau sauter, et je retombe aussitôt. Je suis trop lourd et la plupart des oiseaux ne sont pas plus gros que cette souris, eux profitent de cet apanage que lui légua la nature, ces ailes du désir, heureux hasard ! Elle l’a bien compris, elle fit au départ, de ces êtres si énormes qu’ils disparurent à la moindre secousse sur cette terre, dans une extinction d’espèce. C’est ce que nous disent les témoignages, les traces laissées, mais certaines subsistèrent, les plus petits, eh, de là, ils s’envolèrent pour voguer dans les airs, de plus en plus loin, traverser les continents, tourner tout autour de la terre, de génération en génération. Quel beau voyage ! Ils firent le tour de la terre bien avant nous évidemment ! Ils avaient cet apanage miraculeux (leurs ailes firent des envieux), dont les premières copies furent nos voiliers, voguant dans les mers ; eux voguaient dans les airs bien avant nous ! Mais nous sommes frères, le savez-vous ? Nous sommes issus des mêmes ancêtres, de toutes parts où vous irez, vous le verrez, pour qui sait lire, la trace laissée le montre, effectivement ! nous serions tous issus du même moule ! Nos lointains, lointains ancêtres, quand les arbres, les hommes parlent d’eux, ils oublient qu’avant leur lignée, il existait des êtres qui ont eu des descendances qui ont bifurqué, certaines donnèrent les insectes, les animaux, les champignons, tous ces êtres-là avaient en commun une même parenté. Eh, ces associations ne furent permises que grâce à la bonne volonté de quelques organismes unicellulaires… Ah, ça y est, j’y reviens à ma rengaine !… Ils se sont associés pour constituer cette entité multicellulaire que nous sommes, nous diversifier, nous expérimenter. Voilà ce qu’il faut comprendre, on y revient toujours, de quelques bouts que vous partiez on y revient toujours à cette origine, c’est la seule qui compte ! De dire qu’une humanité ne vient que d’elle seule, certes ! Mais elle hérita au même titre que les autres, comme le grillon, d’une parenté encore plus ancienne où nous nous rejoignons tous. C’est cela le mystère, il n’est pas ailleurs !
As-tu plus rien à nous dire ?
Oh ! Je suis épuisé, j’ai trop parlé, aujourd’hui… Ah ! Oui, vous savez ce que c’est de ressasser toujours les mêmes choses, en variant sans cesse, variant, c’est ce à quoi nous sommes confrontés, à recommencer les mêmes discours, les mêmes actes et toujours en variant, variant, c’est que la vie ne cesse d’inventer, varie sans cesse et se diversifie sans cesse… Abordez un chemin, si c’est toujours le même, sous des biais différents vous ne marchez jamais exactement au même endroit, vous expérimentez une ligne hasardeuse, vous faisant aboutir aux mêmes lieux, à votre logis, pour y venir ou en partir ; le parcours reste sinueux, il n’est pas rectiligne, vous ne marchez pas sur les mêmes cailloux, sur les mêmes herbes, vous n’écrasez pas la même fourmi, la même fleur, malencontreusement ou volontairement, c’est selon l’idée que vous aurez, des effluves du vent vous feront respirer des molécules toutes différentes.
1h19’07 (et toujours l’oiseau, lui apporte une ponctuation évidente !)
Nous apportant à leur tour, l’étendue de cette différence, et au bout du compte, comme je le fais en ce moment, vous (vous) apercevez que vous recommencez inlassablement… Une écriture, vous verrez, quel qu’en fût l’auteur, éternellement, il recommencera son même discours sans cesse en variant, mais il racontera toujours la même chose au bout du compte, « une histoire ! » Comme au début, la mémorisation de la machine enregistreuse qui garde ce discours, ou préserve ce discours, un temps, elle mémorise le même discours inlassablement, sauf que les mots ne sont pas les mêmes, l’on varie éternellement ; on ne fait que ça, continuellement, tout le temps, jusqu’à un jour s’éteindre et passer le flambeau à celui qui repassera sur vos traces ; lui aussi fera la même chose, pour quelle raison, qui le sait vraiment ? C’est cela, vivre, vivre éternellement, jusqu’à la fin des temps (n’être qu’une histoire se racontant éternellement !).

* Au lieu de parler du patrimoine de l’humanité, trop réducteur, parlons plutôt du patrimoine de la planète, englobant tous les vestiges de l’humanité avec le reste, comme les plus hauts monts, les récifs de corail, les grandes forêts, les fleuves immenses, les fourmilières indépassables ou une forêt à cause d’un seul arbre, un Banian colossal. Ajouter les vestiges minéraux que la nature nous laisse, des gorges profondes dans de grands déserts, des îles, des atolls, tous les nuages et de terribles volcans à l’éruption imprévisible, toutes ces merveilles de la nature participèrent, participent encore, participeront toujours à la construction d’un avenir ! Sans discernement aucun, de l’importance d’une pierre plus que d’une autre, toutes permettront à notre être biologique de construire des routes, bâtir des édifices, extraire des substances minérales rares pour que fonctionnent la plupart de nos machines, nous ne construisons qu’à partir de ce qui existe sur la planète ! De vouloir obstinément distinguer ce qui est humain du reste, représente une pure vanité, un orgueil de plus à notre aveuglement (c’est lassant de se répéter tout le temps).

Sonagrammes audiométriques :