(parole en marchant – 13 juill. 2019 à 18h00)

—> 2. « petit chemin » :
—> une surprise l’attend, le visiteur incertain que la voix accompagne

Voyage en pays oiseau !
Vous entendrez au loin les oiseaux de leurs chants funestes ou joyeux, c’est selon ce que l’on dira autour d’eux, s’ils sont heureux ou malheureux, le chant des oiseaux ! Pour l’instant, c’est le silence, mais attendez un peu…
1’21 (on entend vaguement au loin un chant discret)
1’32 (le chant devient plus présent)
Soyez patient ! Voyagez un peu… on approche, écoutez !
2’02 (l’oiseau semble se moquer, « triii titui ! triii titui ! »)
2’26 (il s’arrête pour écouter…)
2’39 (… et reprend sa marche)
Soyez patient ! On approche du paisible oiseau…
Ou du moins, ce qu’il en reste, des oiseaux !…
(puis c’est le silence derrière les pas de l’homme)
4’30
On me dit que vous n’avez pas les mêmes chaussures que l’autre jour ?
C’est vrai !
Elles ne font pas crac crac de la même manière ?
C’est vrai !… Eh alors ?
Oh ! C’est une remarque !
A-t-elle un intérêt, cette remarque ?
Pas vraiment !
Alors ?
Oh ! C’est pour dire !
Vous avez dit, donc !
Oui !
Merci d’occuper la sonorité ainsi, de propos… de propos de… disons-le presque superflus…
Eh ! Quand on n’a rien à dire, c’est vrai que le chant des oiseaux aide beaucoup, quand il faut raconter… Ils vous inspirent, vous ?
C’est vrai ! Regardez le chemin ici, il est beau !
Ah oui ! Pourquoi est-il beau ?
C’est la petite pente douce, l’éclairage feutré, la courbure du chemin, et qu’il n’est pas trop transformé, un peu sauvage, à l’abri des regards, à toutes les saisons ici, le chemin est beau ! Même quand il pleut, il est beau !
Ah ?
Oui !
Est-ce superflu de dire ça ? C’est une information comme une autre…
Tout à fait !
6’31 (le bzzz d’un Moucheron attardé !)
Le pays oiseau est endormi, on dirait ?
Oui, ils se reposent de la chaleur du jour ; il est encore tôt, vous savez, le soir n’est pas encore là… (meublons, meublons !)
Vous avez un titre à votre histoire ?
Oui ! « Voyage en pays oiseau ! »
C’est une idée… et le silence, ne devrait-il pas être comblé de quelques ébruitements succincts ?
Oh ! Je peux éternuer grandement, vous aurez alors une envolée de multiples bêtes ailées…
Ah ah !
Mais… je ne veux pas déranger, j’aime être discret dans ces lieux, ce sont des sanctuaires pour moi, et… ah ! un deux-pattes…
8’35 (un véhicule fumant s’approche lentement, trois deux-pattes à l’intérieur)
9’14
Moi je dis qu’à l’intérieur de la machine roulante, ils avaient un air brutal, ces deux-pattes, pas très fute-futes !
Oh ! On peut parfois se méprendre…
Mais tout de même ! Emprunter de tels chemins avec ces machines fumantes…
Que vont-ils y faire, découvrir un trésor ?
Les oiseaux ne vont pas s’y méprendre, ils vont fuir… ou alerter leurs voisins de ceux (ce) qui pourraient leur nuire !
C’est fait exprès vos rimes continues ?
Oui, c’est pour que ce soit beau ! Et que ça rime avec oiseau !
Ah, oui !… Pourquoi vous riez ?
Parce que je trouve ça drôle ! Ah ! Vous voyez, vous souriez !
Il n’y a toujours pas d’oiseaux.
En effet, nous arrivons au mauvais moment, mais bientôt, nous allons bifurquer, et là peut-être nous entendrons quelques chants en pays oiseau.
11’32 (de vagues chants au loin ; une légère brise…)
11’55
Il faut dire que c’est le wouèkand, tout le monde se repose avant les fêtes…
C’est possible ! Mais je ne vois pas en quoi les oiseaux sont concernés. Ce n’est qu’une histoire de deux-pattes, ces fêtes, ces réjouissances, les oiseaux n’y sont pas conviés, vous savez !
Ah ! Je ne savais pas !
Vous êtes bien naïfs, les deux-pattes ne font des joyeusetés qu’entre eux-mêmes, ils ignorent le reste ; oh peut-être, vous aurez quelques animaux de compagnie chiens et chats habituels, mais des autres, les sauvages, ils ne sont là que fortuitement, dérangés par le chahutement des deux-pattes, c’est moi qui vous le dis ! Est-ce bien, est-ce mal, cela déprendre de la mélodie ? Moi je vous le dis !
Ah ?
13’40 (un Moucheron pressé passe vite)
Voilà ! Nous sommes en train de bifurquer dans un petit chemin étroit, il est sûr que tout le long il y aura quelques oiseaux qui pour vous, chanteront ce qu’ils veulent !
C’est touristique ?
Non ! C’est fortuit ! Il y a à peine une heure, je n’y pensais pas à ce trajet, mais il est vrai que s’il se répète de cette manière, l’approche pourrait être touristique et nauséabonde, en « pays oiseau ! » Eux ne trouveraient pas ça intéressant, de voyager… que l’on voyage ainsi dans leur contrée, sans jamais leur demander quelques permissions, quelques politesses, l’on passe au-dedans, l’on dérange, l’on découpe leurs nichées, ou du moins l’arbre qui les soutient, leurs nidifications momentanées de l’année ; ils n’éprouvent pas que du plaisir, nous sommes leur principale nuisance, sachez-le…
Toujours le silence, en pays oiseau, les aurait-on tous tués dans un acte soudain inconsidéré, d’une intoxication générale de la gent ailée, serait-ce possible ?
Oh ! Je m’attends au pire, avec les deux-pattes !
C’est gai, votre information, nous voudrions du sourire !
Ah ! Il ne fallait pas me suivre…
17’02 (il s’arrête, pas un bruit !)
Silence complet ! Un léger brin de vent, quelques bzzz autour de moi, ils ne s’approchent même pas, on m’évite ! Comme si je venais d’entrer dans une zone interdite. Tout le monde se méfie de tous… un silence complet, cela se peut-il dans cette forêt ?
18’00 (il reprend sa marche, s’arrête un instant et repart)
19’13 (une légère brise s’ajoute au silence)
Nous avançons dans le grand fossé (il s’arrête), même ici c’est le silence, ils sont pourtant à l’abri (ici), que s’est-il passé pour qu’un tel silence arrive en fin de journée ? (il reprend sa marche, la brise enfle un peu)
20’25
Je n’ai vu que des deux-pattes ; à peine entendu un bruissement (d’oiseau) tout à l’heure, que se passe-t-il. Le vent est doux et frais, il n’y a pas eu de tempête, la forêt est toujours debout ? (il fait une légère pause et repart aussitôt)
21’20 (il cherche du regard des arbres familiers)
Je croyais t’avoir dépassé, petit Hêtre au bord du chemin, qui les gênes les humains, de tes branches qui l’atteigne, le chemin ! va donc de l’autre côté, tes cousins sont autour de toi, vous trois sur les souches anciennes des aïeux, vous êtes bien (ici) ; si ce n’est les humains qui vous gênent, on sent quelques passages qui ont endeuillé quelques feuillages, mais pour l’ensemble tu tiens debout… dans ce silence étonnant, je te souhaite bonne chance, petit Hêtre…
22’30 (il reprend son chemin, la brise est constante)
23’07 (snif)
23’14
Va-t-on rencontrer d’autres deux-pattes ?
C’est possible, à cette heure ils se promènent souvent !
23’57 (il s’arrête, regarde autour de lui et repart aussitôt)
Rien en arrière, rien devant ; tout va bien, sauf ce silence étonnant ?
24’51 (snif)
25’35
Toujours rien devant, rien derrière ! Aucune machine roulante, même le calme de la route au loin, on n’entend plus mugir les machines roulantes, hurlantes ! dirais-je pour l’instant ; peut-être au croisement des chemins serais-je surpris ?
26’10 (un chant d’oiseau)
Ah ! Au loin, je viens d’entendre un Pinson ? Nous nous rapprochons…
27’37 (il s’arrête dans la croisée des chemins, la brise est toujours là, regarde de tous côtés et repart)
Au croisement, rien à droite, rien à gauche, rien devant, rien derrière et toujours le silence… et, vaguement un Pinson, au loin, le chant du grillon…
28’22 (il s’approche de l’oiseau, une brise constante du vent)
Arrivée en pays oiseau ! (le Pinson semble lui répondre au loin), entends-tu ?
28’34 (le Pinson répond, il arrête sa marche, l’oiseau s’en va ?)
Je n’entends (plus) rien, il s’est enfui, dirait-on ?
Oui, il est beaucoup plus loin !
Il vous fuit, dirait-on ?
Mais vous êtes avec moi, il nous fuit !
29’15 (l’oiseau réagit et chante une fois !)
Il dit « non ! » Il est là, il écoute !
(de vagues chants au loin)
29’40
Serait-ce… on le réveille ?
C’est bien possible !
29’45 (une Pie bavarde au loin)
29’58 (il reprend sa marche et le vent se lève… le Pinson le suit de son chant)
32’30
Vous vouliez m’emmener près d’une Bétoine, me disiez-vous, tantôt, pour vérifier si c’était bien elle, vous n’étiez pas très sûres. Voulez-vous que l’on aille vérifier puisque l’on n’entend pas les oiseaux, ou si peu ?
Vous voulez voir la Bétoine du chemin ?
Si cela ne vous dérange pas ?
Pas du tout ! Il suffit qu’ils ne l’aient pas coupée !
Oh ! Ça m’étonnerait, ils ont l’air de se reposer…
Oh, vous savez, on est parfois étonné, un jour ils ne font rien et le lendemain, ils vous arasent tout, cela s’est déjà vu !
Mais pas à ce point !
Ah ! Ici, peut-être pas totalement, mais l’on coupa tant de bois, dans la forêt, que je ne m’en étonnerai guère, vous savez !
Alors, on y va, voir la Bétoine dorée ?
Oh non, vous confondez avec la « Cétoine dorée* » qui est une sorte de scarabée, coléoptère, très joli d’ailleurs, presque doré ; la Bétoine est une petite plante, aux feuilles étroites appairées, toute fluette avec des petites fleurs en haut, en forme, euh… de clochettes, pourrait-on dire, ou de gueule-de-Loup, plutôt de gueule-de-Loup, la clochette ce serait plutôt la Campanule…
Violette la fleur ?
Souvent, violette, bleue, selon la variété (il s’arrête)… Le silence toujours ! (il reprend sa marche)
Nous allons nous transporter à l’endroit que vous nous avez dit ?
De ce pas, Monsieur ! de ce pas, vif et alerte, un, deux, trois !

(parole en marchant – 13 juill. 2019 à 18h45) [S]

(en fond sonore, la stidulation d’une grande Sauterelle verte [Tettigonia viridissima], son chant est si aigu [8 à 10 kHz] que seule une oreille en bon état peut l’entendre)

à 0’27, pendant 11 s (en bas, la parole du marcheur et les traits verticaux, le bruit de ses pas), un petit phénomène physique causé par l’entremêlement des stridulations des Sauterelles : au fil du déplacement lent de la marche, le microphone de la machine enregistreuse capte par moments des chants de valeur équivalente, mais de phases opposées, ce qui provoque par moments ces manques dans les zones plus claires indiquées par les flèches, les deux sonorités s’annulent là où se trouve le microphone créant un manque ou une atténuation momentanée des fréquences concernées ; à l’inverse, si deux fréquences sont de même phase, elles s’additionnent, on le remarque là où l’empreinte est plus sombre ; ces phénomènes fugitifs durent moins d’une seconde et ne sont pas audibles pour la plupart des humains, il n’y a guère qu’un sonagramme pour visualiser cela… On peut remarquer aussi que les deux Sauterelles ont des stridulations non synchronisées temporellement et que l’une émet des fréquences légèrement plus basses… serait-ce comme une politesse vis-à-vis de l’autre ?

Hop là ! Nous sommes arrivés ! Aaah ! Là, une petite Centaurée, des Brunelles, si je ne m’abuse ? Nous recherchons au milieu du chemin, à peu près, la Bétoine… Eh ben tient ! Nous tombons dessus, c’est bien des Bétoines, elles sont là, effectivement, vous voyez ces deux petites feuilles opposées, et tout en haut, les petites fleurs violettes. Elles sont au milieu du chemin, elles encombrent les deux-pattes qui marchent dessus, rendez-vous compte ? Méchant !
Même la petite Gentiane ?
Même la petite Gentiane, et les Centaurées, encore plus !
Les Centaurées, on marche dessus, mais c’est inadmissible ?
Eh oui ! Je sais bien… Ah voilà ! Nous avons des pieds de Bétoine (bien dégagés) ! Aaah, vous allez être tondues bientôt !
Stachys ? (Épiaires) Non, pas Stachys…
Si Stachys ! C’est le nom latin…
Est-il bête ? Est-il bête ?
Voulez-vous une réponse ?
Oui !
Nous l’affirmons, qu’il est bête ! Oh, méchant !
Vous devriez effacer tout cela, c’est inadmissible de dire des propos aussi inconsidérés (il le coupe)…
Là, dans le fossé, des Mélampyres, Monsieur !
Aaah ! Oui, elles sont discrètes cette année ; aaah si, remarquée, c’est la période où elles grandissent… Des Achillées lààà…
Et toujours pas d’oiseaux ?
C’est vrai ! C’est le silence ici aussi, même le papillon ne fait pas de bruit…
Oh ! Ils sont toujours discrets, vous savez !
Oui, mais tout de même, dans le silence on ne pourrait entendre que lui…
C’est qu’il est très discret, vous savez !
C’est cela oui, le silence entendez-vous ? Le silence…
(un chant d’oiseau, au loin)

* La Cétoine dorée (Cetonia aurata) est un insecte coléoptère proche des Hannetons, de la famille des Cetoniidae.

Sonagramme audiométrique :