(parole en marchant – 3 aout 2019 à 09h08)

—> 2. « petit chemin » :

Ces endroits naturels si particuliers, je ne les décrirais pas plus amplement ni ne donnerai leur situation pour qu’une manne touristique s’y amène pour pouvoir dire « j’y étais ! » et se grouper comme des troupeaux immondes autour des réalités de ce monde, avachis sur ce lieu pour le polluer plus encore, et l’amoindrir. Non, ce sont des sanctuaires ; on devrait mieux les respecter, les parcourir avec parcimonie et délicatesse, un minimum de bruit. Ce sont les lieux de nos origines, ils sont les ferments de nos vies, tous les êtres sont liés à cette terre ; alors surtout, ne pas leur donner la situation géographique de ces lieux, les rendre vagues, en parler certes, mais en prévenant que ce sont des sanctuaires à ne visiter que dans un immense respect, comme un parcours initiatique ; que l’on y ajoute un mythe, peu importe, du moment que le lieu soit préservé ! Tous ceux qui sont amenés à découvrir ces lieux et à en parler, s’ils ont le malheur de les situer géographiquement, espérons-le, qu’ils aient conscience du moins, de la préservation nécessaire de pareils endroits. Le tourisme a toujours fait plus de mal que de bien, n’est qu’un contentement moderne d’une humanité dépérissante ; je ne le vois pas autrement, excusez-moi ! Maintenant, quand on voyage, on fait du tourisme, ce n’est plus une aventure, on va dans les sentiers battus à des endroits organisés, en jouant les pitres où tout est prévu pour vous contenter, « vous ! », et pas le reste ; c’est une visite du monde dans un entre-soi, uniquement. Je n’en vois pas l’intérêt, le voyage devrait être une découverte d’un en dehors de soi, et non pas du contentement de soi ! C’est une petite nuance qui n’est pas sans importance…
5’12
Donc, sur cette lumière si particulière que je vous décrivais, eh bien, je ne vous en dirai pas l’endroit où elle se produit, car de faire ainsi, comme je vous l’ai dit, va pourrir le lieu, ce qu’il ne faut surtout pas !
6’40 (il croise un deux-pattes sur un vélocipède)
7’15
Matin calme, pas de vent ! Sauf un deux-pattes à vélo, que l’on croisa tout à l’heure…
8’08
Les hommes adorent les mythes, les histoires ; qui n’aime pas entendre ni voir, ni lire une histoire, il n’existe pas celui-là ! Nous aimons tous qu’on nous raconte des histoires, et toute histoire est un mythe raconté, plus ou moins édulcoré, le mythe ; mais y habite quand même une tentative d’en faire un mythe. Le mythe devient véritablement, quand l’histoire est glorifiée, encensé de toutes parts, faisant de son auteur un être glorieux par conséquent, et mystifier aussitôt ; comme son histoire, qu’on raconte autour de lui des choses, dont la plupart du temps, ce ne sont que des inexactitudes, des faussetés. Mais l’encensement de l’être, sa gloriole, est un désir souhaité par beaucoup, ça les apaise ! Ils estiment avoir réussi leur vie, comme si une vie devait se réussir, alors à mon avis, mon humble avis, qu’elle ne doit que s’accomplir, peu importent les conséquences. Ce qu’ils oublient, c’est que la plupart d’entre nous ont des vies de merde ! Alors, peut-être, le sachant inconsciemment, ils préfèrent la gloriole face à cette situation déprimante, se sortir du lot (en racontant des histoires par exemple), être en dehors, au-dessus, c’est selon que l’on a la gloriole d’un acteur qui joue pour la gloire, la célébrité, ou le dictateur (en herbe, en devenir), qui use de cette situation pour acquérir un pouvoir et éliminer tout rival possible. La gloriole, elle est dans tous ces aspects-là ! Que ne furent pas les rois, les anciens chefs depuis le monde antique ? Ça a toujours été le même mécanisme, même si certains apportèrent des bienfaits, c’est au détriment du certain nombre, ils en furent ses esclaves, d’une manière ou d’une autre ; c’est maintenant pareil dans les grandes industries, où ceux qui en sont à la tête sont d’une richesse absolument innommable, indécente, ils cherchent toujours à forcer à l’esclavage ceux travaillant pour eux, en les payant le moins possible. À moins que certains esclaves rentrent dans le rang, face comme eux, les nantis, exploiter les autres. Mais ne vous leurrez pas, c’est un mécanisme propre au vivant ; si les Fourmis dominaient sur terre, elles seraient certainement confrontées aux mêmes contradictions de notre espèce, que devrons-nous penser de la sensibilité des fourmis élevant des Pucerons, elles les élèvent probablement comme nous nous élevons nos Vaches, nos Cochons, avec rarement de l’empathie pour ces derniers ? N’oublions pas que nous avons les mêmes racines, nous, comme la Fourmi ; j’y reviens à cette biblique description, nous ne sommes que des Eucaryotes, des êtres multicellulaires et nos mécanismes essentiels sont les mêmes ou sont similaires, même si nos formes nous diffèrent, nos tailles aussi, nos fonctions correspondent à des opportunités de nos embranchements qui se développèrent sous des aspects variés ; voilà ce qu’il faut dire ! On le constate ! Elle, la vache, elle n’a pas demandé à être une vache, on la fit vache ! Lorsqu’on l’amène à l’abattoir, pour elle, n’ayant aucune notion d’une autre existence possible, elle ne s’en rend probablement pas compte… qu’elle vit dans un parc, dans un camp de concentration pour la préparer à être mangée plus tard, quand on l’amènera à cet abattoir pour la découper, la désunir, la disloquer ! Le manque d’humanité (cette expression prête à caution d’ailleurs) de ce genre d’action ne se relève qu’à un niveau : le manque d’empathie ! Tuer un autre que soit devrait être un cérémoniel, et à chaque fois l’on devrait demander pardon, s’excuser, parce qu’on ne peut pas faire autrement. Ne pas en abuser, être toujours conscient de cette limite entre le raisonnable et le déraisonnable ; ce serait ces choses-là qu’il faudrait apprendre à l’école ; jamais, oh, grand jamais, l’on me parla quand j’étais enfant. Ce n’est qu’en vieillissant qu’on s’en rend compte, que l’on apprend de cela, en écoutant, disant, voyant que d’autres, plus sages que soit, ou plus anciens, ont déjà pensé à ce genre de raisonnements et de la vertu qu’il amène ; la vertu d’esprit et du comportement, ce qui devrait aller, avec ! Mais voilà, à ces réflexions-là, ces attitudes-là, peu d’entre nous elles sont données ; pour la plupart, le hasard les a rendus idiots, bêtes, assommés par un système dont ils en sont… dont ils en sont les esclaves, les pantins, la plupart du temps. Que sont donc ces soldats qui tuent et défendent les remparts de la forteresse du roi, ils sont condamnés à préserver un pouvoir en place, une zone, un pays… En face, ils font pareil, et naissent les guerres ! Enlevez les frontières, vous n’aurez plus de guerres ? Un esprit simpliste, ou du moins, l’expression simpliste dirait que nous sommes tous frères en quelque sorte, ce n’est pas faux, nous sommes issus des mêmes graines, nous venons tous du même endroit, nous sommes liés par un code, une loi génétique immuable, qui possède en son sein un mécanisme indécelable encore, et je l’espère encore pour longtemps, car il ne faut pas donner cette vertu à animer les choses à quiconque. Ce mécanisme, c’est celui qui nous anime, vous l’avez bien compris ; d’en comprendre la logique ne transforme pas en Dieu, mais vous donne une capacité que les autres n’auront pas forcément (ou n’appréhenderont pas de la même manière) ; et si vous en usez à votre avantage, c’est là que cette notion devrait être rendue secrète, car elle ne doit pas être (à) l’apanage de certains, maîtrisée par certains ; ils en feront usage pour leurs biens propres au détriment du reste, c’est ce qui se passe avec nous, nous tentons cela ! Eh, nous ne voyons que notre confort, dans l’inconfort des autres qui nous entourent où sans cesse, ils sont repoussés dans des limites devenues inacceptables, les autres deviennent gênants ! L’Éléphant pénétrant dans le champ de l’agriculteur du coin gêne ce dernier, on veut mettre des barrières, mais ce que l’on oublie c’est que l’on empiète sur la zone où l’Éléphant depuis des décennies, des siècles traversa la savane de tout temps aux mêmes endroits ; même le pauvre agriculteur du coin ne semble pas comprendre cela, il veut survivre, il n’y arrive pas, son pays est en guerre, alors on tue l’Éléphant, on tue le Rhinocéros aussi pour un brigandage à cause de sa corne qui est convoitée ailleurs, dans une mythologie incongrue, où cette corne aurait des vertus aphrodisiaques ? La citation (récitation) de nos actes et de nos bêtises serait trop longue, ça serait ennuyant de trop les décrire, mais celles-ci sont caractéristiques d’une zone emblématique, car cela se produit dans les lieux où notre humanité est apparue ; humanité, forme vivante comme les autres, qui tend à dominer la planète un certain temps, mais nous ne pourrons pas dominer ainsi éternellement. À cause du nombre sans cesse croisant de nos exactions, comme ce que nous produisons, les lieux où nous habitons sans nous soucier des autres, à un moment ou un autre surviendra un rééquilibrage, une régulation, par des forces qui nous dépasseront toujours ; nous faisons partie d’un mécanisme terrestre qui nous dépasse tant, il est inconcevable à un esprit raisonné qu’on puisse le dépasser. L’homme, ne souhaite que ça, accaparez le vivant à son seul profit, dans tous les domaines de l’esprit, les religiosités et les sciences, des industries, les arts, il est question d’une domination humaine, du contentement de soi, comme je vous disais. Le soi, ah ! Chose indétrônable des philosophes, des psys de tout bord, ils en réalisent des ouvrages entiers, des discours innombrables pour décrire « le soi », cette expression d’un ego démesuré, qu’il faudra bien un jour résorber, car cet ego-là nous tut à petit feu ! Il a son propre élément régulateur, d’un excès d’une espèce, la nature a depuis les milliards d’années qu’elle subsiste, y a pensé (je ne suis pas sûr que cela est véritablement aléatoire ?) : une espèce tend à dominer, elle sera régulée, quand un déséquilibre sera trop grand, automatiquement des éléments inverses vont la réduire à une portion congrue suffisante pour que les autres puissent subsister et faire perdurer le vivant (dans la tentative permanente d’une recherche d’équilibre). Nous pouvons lutter, détruire tout autour de nous, nous n’y arrivons pas, même avec nos bombes, car de détruire une quelconque rivalité imaginaire n’est que nous détruire nous-mêmes ; les grands stratèges militaires ou politiques n’ont pas compris cela, ils sont tellement dominés par leur ego qu’ils en sont aveuglés, on ne peut les raisonner ces êtres-là, ce n’est plus possible, ils sont foutus d’avance ! Avez-vous vu un général devenir moine, c’est peut-être arrivé, mais c’est d’une rareté incommensurable !
27’56 (il se mouche en marchant)
28’26
Pour en revenir à notre idée de départ, où l’on me demandait où se trouve donc le lieu où se produit cette lumière si extraordinaire. Je suis à peu près certain, si vous voyiez cette lumière, elle ne vous émouvra pas, ou alors ce sera exceptionnel, comme ce le fut pour moi ; pourquoi ? Vous verrez quelque chose d’anodin qui ne vous émeut pas, vous ne verrez qu’un rayonnement diffus traverser quelques feuillages jolis certes, mais sans plus ; rien à voir avec des aurores boréales, par exemple, des avalanches ou des phénomènes beaucoup plus grands, extraordinaires… Là, rien d’extraordinaire dans cette banalité indescriptible, une insignifiance indescriptible ; mais ce que vous ignorez, c’est que le jour où cela m’arriva, quelquefois encore, après, ce fut comme un phénomène harmonique très rare, non pas d’un contentement de soi, mais comme une sensation d’une communion avec un lieu, comme si nous y avions toujours habité…
30’36 (un oiseau répond et semble d’accord)
… non pas d’une extase, puisque je ne suis pas dans ce mécanisme d’esprit de la vénération et de l’extase à tout prix, non, ni d’une illumination, le mot pourrait prêter à confusion. Ce fut un contentement qui dit « il y a encore des choses subtiles et simples » qui peuvent amener non pas une jouissance, mais un plaisir d’être ici, une volonté de dire à ce moment-là, « merci de m’avoir fait percevoir ceci ! » Comme l’endroit (que nous traversons, en ce moment) de ce petit chemin, pas trop torturé, toujours beau toutes les saisons, dans ses courbes, son nivellement et l’ombrage des arbres tout autour, le rend toujours beau à tout moment, à toute heure du jour et de la nuit, une harmonie s’y produit ! Eh bien, le moment où je vis ce rayonnement, à l’endroit exact où j’étais, une harmonie se produisit, elle dura quelques secondes ; c’est comme une joyeuseté, une gaieté, un bonheur, il ne dure pas, cela ne dure qu’un instant, eh, cela vous donne du cœur au ventre, vous aide à vivre les prochaines heures, les prochains temps qui viendront après ce moment. Si vous étiez dans la détresse, je ne me souviens plus dans quel état j’étais à ce moment-là, mais j’étais disposé à le percevoir, il me donna une allégresse, c’est certain ! Entendre dire « ah, la vie mérite bien d’être vécue ! » Ce sont des choses simples, très simples, très basiques, se contenter des choses naturelles (il arrête sa marche). Souvent, je m’arrête quand je vois une forme, un aspect étonnant tout autour de moi dans ce chemin justement, beaucoup de formes ont des aspects étonnants, comme les branches de ces arbres biscornus (il se les montre à lui-même). Elles ont des allures étonnantes quand vous regardez cela, le cœur apaisé ; cela vous apaise encore plus (il reprend sa marche), car vous y voyez, vous y découvrez, c’est mon cas, une recherche d’harmonie ; sans cesse à vouloir l’atteindre, eh, n’y arrivant pas tout à fait… mais, à certains moments, dans une courbure vous voyez qu’on y était presque arrivé pendant quelques instants ; quelques décennies pour un arbre, le temps que la courbure se finisse, et puis le reste du développement de celui-ci, se passera peut-être moins bien qu’avant cet instant, il ne trouvera pas toujours le même équilibre, la même harmonie, mais y arrive plus ou moins selon le lieu où il subsiste. Quand vous ne torturez pas trop la nature, un moment ou un autre, selon la lumière, la couleur, vous allez la découvrir, cette harmonie momentanée du temps. Il faut y être disposé, y être ouvert, ne pas avoir l’esprit encombré de choses qui ne concernent que soi, justement. Être ouvert aux autres n’est pas forcément être ouvert aux autres de sa propre espèce, il s’agit d’une ouverture vers les autres vivants, aux autres différents de soi ; car vos semblables, c’est une copie de vous, c’est aussi du soi déporté dans d’autres que vous, c’est « encore » vous, démultiplié ! Ce soi-là n’est pas suffisant, c’est le soi en regard de tout ce qui nous entoure, avec les autres, la moindre herbe, le moindre rocher, le moindre caillou ou le sable, il ne s’agit pas de se sentir forcément en communion, mais d’entendre nous dire un « nous sommes là ! », venant des autres vivants. Et la vie mérite mieux que notre contentement égoïste à nous, elle nous demande de l’expérimenter, certes, puisque nous le vivons, mais d’aller découvrir dans ce monde d’autres facettes mille fois plus réjouissantes que ce contentement de soi. Voilà, j’ai terminé !