(parole en marchant – 11 oct. 2019 à 18h43)
—> 2. « petit chemin » : engueulade d’oiseaux
—> durée : 32’22
0’00 (divers chants d’oiseaux : « tui tui tui ! », entre 2 et 3 kHz une Sittelle torchepot ; à 0’02, « tiii tiii tiii tiii ! » ; à 0’14, « tchi tchi tchi tchi tchi… » ; à nouveau « tiii tiii tiii tiii ! »…
zoom de 0’12 à 0’26, un Pic vert, non, un Faucon ?
à 0’56, « trii trii ! », encore à 1’02 et à 1’07)
1’14
C’est tout ? Vous me dites plus rien ? (il se met à marcher) m’en vais !
2’05 (en voulant traduire les chants)
Il disait ici « oui oui oui, c’est chez moi ! C’est chez moi ! C’est chez moi ! C’est pas chez toi ! C’est pas chez toi ! C’est pas chez toi ! Oui papeupeupeupe ! »
L’autre oiseau veut dire « Atetetetion ! Moi aussi j’habite là ! Moi aussi j’habite là ! Moi aussi j’habite là ! »
Mettez-vous d’accord, enfin ?
Ah ! Chez nous, pas de quartier, l’un n’est pas chez l’autre, on met (ajoute) des frontières, des murs, des clôtures, des cases, des boîtes, des maisons, des frontières, des barrières, en toute manière on interdit à quiconque d’entrer sans un laissez-passer, une autorisation momentanée… Tous les territoires de la planète, nous les considérons à nous ! Plus ou moins occupés, mais découpés de frontières imaginaires… Et les chevreuils courants devant moi en ce moment, le savent bien, nous, qui avons délimité ce chemin sur lequel je marche et qu’ils traversent sans trop s’y arrêter le jour, de peur d’y être vus aux heures communes où nous le traversons ; ils se méfient de nous ! Et nous, nous nous méfions de la nature, nous désirons y mettre de l’ordre !
Ah, tiens donc ? C’est qui le chef, ici ?
Ah ! Les zommes disent « c’est nous ! »
Un rire sourd, un tremblement, on entend, « c’est vous ? »
Voici un éventement, voici un tsunami, voici un raz-de-marée, voici une éruption volcanique, voici une météorite, voici un ensoleillement plus abusif que d’habitude ! Alors c’est vous, le chef, après tout ceci, encore dites-le ?
(en parlant des zommes)
L’expérimentation qui est faite d’eux les rend absolument vaniteux. Ils se croyaient maîtres de quoi, déjà ?
Ah oui, une planète autour de cette étoile, qu’ils appellent « le soleil », « the sun », et « Rê ! » (l’Hélios antique) et dans toutes les langues (humaines) de la terre, le mot est (souvent) très court, l’astre du jour a toujours été permanent pour tout être sur la surface… sur la surface de la planète, ils l’ont vu à toute époque, à tout moment, sévir, rayonner, apporter (il s’arrête)… quelques élans…
6’43 (un oiseau approche d’un « tchi ! » bref)
De vie, ici…
Pourquoi tu t’arrêtes ?
Je vois une clarté à travers la fur… je vois une clarté à travers la f… f… futaie ! Je vois une clarté à travers la futaie, que je ne comprends pas ? Cet éclaircissement, ont-ils déjà tout coupé à cet endroit ? C’est possible…
(il reprend sa marche)
… il faudra que j’y aille voir ce qu’ils ont fait là-bas ; m’étonner, m’offusquer de cet arasement quotidien, permanent, invasif et indécent…
Oh ! Trop de superlatifs Monsieur !
J’aime les superlatifs, ça appuie le discours !
Oui, mais trop, c’est trop !
Eh bien, tant pis, il faudra vous y faire ! Eh, si vous n’appréciez pas le discours, vous n’êtes pas obligé… obligé de l’entendre, Monsieur ! Moi, je m’exaspère ! Il faut l’entendre, Monsieur. Eh, j’ai des raisons… Alors on peut vomir !
Aah ! Encore des superlatifs, on n’en peut plus !
Mais vous ne faites rien pour autant, pour m’empêcher (empêcher) que je les dise, mes exclamations ; vous ne faites rien pour changer ? Moi-même, j’ai quelques hésitations, je tente quelques efforts, modifie mon éducation. Mais le temps nous change, tranquillisez-vous, je ne vivrai qu’un temps, tout comme vous, je finirai dans le trou, si dans le trou l’on me mettait ? À moins que j’explose, traverser par une météorite hasardeuse qui (se) dit « tiens, je passerai par là ? » Eh paf ! J’y suis à cet endroit, une fin, une fin éclatante et merveilleuse, me direz-vous ; tué d’un rayonnement cosmique, d’une matière venue de l’espace, c’est merveilleux ! Désintégré totalement, pulvérisé totalement ; mais c’est merveilleux ! Mourir ainsi (pour) redonner à la terre, en plus de la météorite, quelques matériaux et (avec) les miens propres disloqués, foudroyés ; redonner à la terre nourricière tous les ingrédients qui me constituèrent, et peut-être dans certains d’eux, quelques mémoires, quelques souvenirs un peu plus marqués que d’autres ?
(il s’arrête)
L’oiseau a dit « tititititi tititititi tuite ! » après, il s’est tu ! Pourquoi tu te tais, dis-moi l’oiseau ?
(Il écoute… reprend sa marche et l’oiseau très haut perché, lance un chant de dédain « iiihit ! »), il me traite d’idiot, il tourne la tête, je ne l’intéresse pas, lui…
11’38 (il s’arrête encore et reprend sa marche à 11’46)
On attend que je passe pour chahuter tranquillement. Eh, dire qu’ici bientôt l’hiver passe et passera tantôt… (l’oiseau répond « uit uit ! ») aussitôt ; après viendra un printemps, du renouveau tout le temps…
12’54 (un Geai s’agace)
Ah ! On jacasse par là…
13’21 (le Geai s’éloigne tout en criant)
13’32
À cette heure, les zommes s’en vont chez eux, ils commencent à laisser tranquille la forêt qu’ils occupent et tourmentent, un moment, une nuit, pour recommencer le lendemain… Au loin, une bête est là sur le chemin, elle m’a probablement déjà vu, elle se confond bientôt avec… elle se confondra bientôt avec la bordure du chemin où sa couleur se distinguera (plus) avec l’herbe roussie. Est-ce un lapin (non, c’est trop gros), un chevreuil, une biche ? À cette distance, je ne sais ? Est-ce un bonhomme s’en venant (allant) que je ne distingue pas encore… remontant le chemin pour le traverser bientôt… pour traverser bientôt la grande route perpendiculaire à celui-ci, je crois bien ? Oui, c’est un bonhomme, un deux-pattes. Il remonte (la pente du chemin) et moi, je le suis, il va atteindre la grand-route, il va la traverser. Une idée méchante me vient à l’esprit, « traversera-t-il sans voir de part et d’autre s’il y a un véhicule ? » (ce dernier) ne le culbutera-t-il pas, s’il ne prend garde ; la route est si fréquentée… « Tu es méchant ! » me dit le temps, il me le dit tout le temps « tu es méchant ! » Ça y est, il traverse… il s’en est fallu de peu ! Une machine roulante à toute vitesse est passée dès qu’il traversa… Je le vois de l’autre côté de la grand-route, avancer (indemne), rentrer chez lui, lui aussi. Dans la forêt, il ne fait que passer…
17’55 (on entend la rumeur de la route)
L’hiver va bientôt arriver et l’allure des lieux sera encore plus triste, l’on y chassera toutes les semaines, on entendra des « pan pan ! » partout, en plus des roulements des machines vociférantes, sur la grand-route. « J’ai du mal à m’y accoutumer » me fait dire la chose au-dedans de moi qui me mets ces mots en bouche ; l’idée que j’ai de ma petite personne, ce moi détestable que l’on voudrait retirer de sa tête, mais on ne sait comment faire, alors chacun se débrouille, en use, ou s’en défausse comme l’on peut. L’ego est une part de nous délétère, il faut s’en méfier comme de la peste !
19’29 (il se mouche)
La peste ! Entendez-vous ? La peste…
Vous maudissez encore aujourd’hui, Monsieur ?
Oui ! Le temps s’y prête, me direz-vous, je ne sais, quelques tracasseries m’occupent encore l’esprit, et je ne peux m’en défaire, voyez-vous ? (un oiseau se moque « uu uu uu ! ») Même le chant des oiseaux n’est pas suffisant, je monte un peu trop (le son des) les écouteurs de mon oreille sourde et voilà que j’entends des bruits indésirables, communs à tous, la rumeur de la route, des passages incessants ; en l’air (un avion-cargo passe), sur terre, partout ! Un petit être, je m’en souviens, me disait « mais, ils sont partout ? » Oui, ils sont partout, on ne peut s’en défaire comme ça, des zommes !
Eh, vous voudriez que votre histoire soit lue comme un conte moderne ?
(Le Geai se mêle à la discussion)
Ce n’est pas une histoire, Monsieur, c’est une mémoire déversée, faite en ce que vous voudrez ! (il arrête sa marche et tente de dialoguer avec l’oiseau, mais ne pouvant siffler, il lui envoie quelques sonorités ordinaires)
Chu chu… touou tou tou ! pou pou pou ?
(le Geai lui répond « crii crii crii… crii é ! » et se rapproche)
Po po po !
(le Geai réplique « crii ! » à nouveau)
Po po !
(C’est un Geai bavard, des « crii ! » à n’en plus finir ; un autre oiseau rajoute en même temps quelques « ti ti ! » discret)
Il dit « t’est pas chez toi, va-t’en ! » Ils sont de mauvaise humeur aujourd’hui, c’est leur droit !
23’04 (d’autres oiseaux se mêlent aux cris, avec des « tii tii ! » plus prononcés que tout à l’heure ; le Geai finit par s’éloigner)
de 23’17 à 23’25, par-dessus le cri du Geai, deux oiseaux (??) chantent, bruits de machines roulantes au loin…
23’29
Mes exclamations fugitives les ont réveillés, ils occupent leur territoire de leurs chants, la rumeur de la route doit les agacer tout le temps ? Je vous l’ai dit, ils sont de mauvais poil, aujourd’hui ! Malgré le soleil qui a réchauffé les sols tout un temps, aujourd’hui, ils ont sûrement été dérangés par quelques passants, quelques deux-pattes comme moi, et me le font savoir. Voilà ce que je peux en dire…
(une grosse bête traverse le chemin à vive allure)
houla ! Alors là ! Ça, c’est pas un Chevreuil ?
(le Geai jacasse toujours au loin)
C’est un Cerf, Monsieur, où avais-je la tête ? Il était bien gros, celui-là ?
Oh oui… une seconde d’égarement il me manque à mon regard pour s’en émerveiller, de voir ce passant traverser la forêt (il s’arrête), cet occupant, dirais-je ! Excuse-moi de t’avoir dérangé… Méfie-toi, demain, ils vont te chasser ! Demain, sûrement ?
25’52 (un oiseau discret émet quelques vocalises gracieuses « ti ti uite ! »)
zoom de 25’56 à 25’58 ” 4 (??)
Ou après-demain ?
(« ti ti uite ! » encore ; il reprend sa marche)
26’39
Cette vision fugitive qui dura à peine une seconde, à cause d’un égarement, j’ai perdu une autre seconde…
26’52 (il se mouche)
… en ne le voyant pas tout de suite, cela suffit à mon contentement. Ah ! J’ai un sourire, vous voyez ? Il existe encore des occupants dans cette forêt, de même ampleur que moi, multicellulaire comme moi, à quatre pattes, ruminants que l’on chasse pourtant inconsidérément ; une marchandise sur tête auquel (sur patte, sur laquelle) on s’octroie quelques… quelques parts à s’octroyer en le découpant après l’avoir tué, c’est comme ça qu’il finira probablement ? Ils le savent, ils le savent qu’ils sont chassés ; ils le savent ! Dire qu’ils en sont contents (mécontents), il ne peut guère faire autrement…
Voilà ! Encore un parcours, ce soir, pour rien ; j’ai allumé la machine enregistreuse à cause d’un chant d’oiseau, et je n’ai pu m’empêcher de déblatérer mille et une choses à propos d’eux, eh, de mes semblables, comme à mon habitude, et cela m’ennuie, aujourd’hui !
Voyez-vous ça ?
Oui !
Pourquoi ?
Ah ! Je ne veux pas recommencer un lourd débat où je vais me prendre de bec avec vous, dans des superlatifs que vous exécrez ; je ne veux pas recommencer. La rumeur (de la route), de toute façon portée par le vent aujourd’hui, me fatigue déjà. À peine ai-je fait mes quelques kilomètres, je suis fatigué ? On se fait vieux, et au fil du temps, cela ne s’arrange pas. Vous avez remarqué, je suppose ? Voilà ! Allez, un petit chant d’oiseau…
de 30’37 à 30’51 (l’oiseau (??) ne se fait pas prier, il lance des vocalises à réjouir les âmes chagrines, la rumeur de la route n’arrive pas à entamer sa gaîté ; parce que le vieil homme s’en va ?)
…
Sonagrammes audiométriques :