(parole en marchant – 3 déc. 2019 à 13h59)
—> 2. « petit chemin » : maudissements et réalités multiples
—> durée : 56’52
heure digestive
Ici, là, maintenant, rumeur de la route ! Sur le capot de l’automobile, la machine roulante, traces de pas de chat sur la toiture blanche ; la rumeur ramenée par le vent, des crottes, par terre…
de 0’29 à 0’34, entre les mots, on dirait un Pic-vert ?
… non pas d’un oiseau ni d’un engoulevent, non, de quelques chiens débonnaires et bientôt, s’en vient l’hiver ! Avant, sur la route, tout le long des bois coupés, infernalement coupés ; qu’en restera-t-il de cette forêt dans quelques ans, s’ils ne cessent, s’ils ne cessent ? C’est décevant !
Va-t-on encore médire plus en avant, je ne sais ?
(il pète)
Cela vaut bien un prout tout aussi débonnaire, aux heures digestives où l’on avance d’un pas tout aussi débonnaire pour délayer l’ingurgitation de son ventre, qui fut tantôt démuni de quelques nutriments que l’on combla aussitôt dans quelques mangements de hasard, improvisant, improvisant…
Sur le sol, sur le chemin, des roulements, des véhicules, machines roulantes, disais-je, leurs traces ancrées sur le sol pour marquer, appuyer leur présence, ils sont là, ils passent, c’est leur chemin qu’ils coupent tous les ans (quand l’herbe se fait haute), ils l’ont délimité depuis longtemps, l’ouverture ; dedans la forêt !
(il tousse deux fois et oubli des mots)
Vaille que vaille, avance sur le sol, tantôt… Les feuilles mortes, puis… un abruti, disais-je (à dévoiler ma mémoire incomplètement) : les faires s’envoler pour les rassembler, ne supportant pas qu’une feuille tombe sur un sol où il prétend que ce terrain lui appartient, eh, aucun arbre ne doit laisser au sol, au sol, disais-je, quelques résidus de son enfeuillement précédent. Il veut une propreté évidente, forcenée ; ce terrain, il veut le marquer de son accaparement et délimiter les sols comme il l’entend (entendez-le maugréer). Il prétend que ce bout de territoire lui appartient et bientôt l’homme déjà vieux s’en ira mourir, ah ! (mourira, mourra), et on l’oubliera comme chacun en ce bas monde.
Eh, les feuilles chaque automne retomberont au sol ; un jour (elles) seront laissées pour que ce même sol soit nourri convenablement comme ce le fut depuis tout le temps, de ses feuilles dont les nutriments qui les confectionnèrent venaient du sol (de la terre), en retombant dessus lui redonne la monnaie, le résultat de son enfeuillement, l’arbre qui vivait ici ; alors, alors… je m’emmêle les pinceaux, je ne sais plus quoi dire, pour simplement médire de celui-ci, d’une énergie folle avec sa machine soufflante, faisait qu’elles s’envolent les feuilles sur son terrain, dont il ne supportait pas que l’arbre y laisse ses feuilles (ose les laisser tomber), il aurait dû couper tous les arbres, bétonner le sol pour qu’aucune trace de quelconques êtres autres que lui ne salisse son parterre.
Voilà, c’est fini pour médire !
6’48 (toujours la rumeur de la route apportée par un vent léger)
Je vois que les Sangliers ont brouté allègrement le sol, ici ? Le terrain est presque impraticable, impraticable, comme tous les ans ; ils cherchent quelques victuailles, ce qu’on leur laisse, avant qu’on les abatte…
Ah ! Encore, je maudis ! Méchant homme que je suis…
(il arrête sa marche, comme épuisé ; un silence bref !)
Là, si soudain, le silence… Mais non, je reprends (il marche à nouveau)… Que disais-je déjà ?
Tu médisais, tu médisais (snif) sur ces bêtes que l’on abat tous les ans d’une manière coutumière, comme tu aimes dire, la coutume, la coutume…
(version : Tu médisais, tu médisais [snif] à propos de ces bêtes que l’on abat tous les ans, d’une manière coutumière, comme tu aimes dire, la coutume, la coutume…)
Sols boueux, après les pluies abondantes ont permis de dessécher, ont permis à la terre de perdre sa sécheresse de l’été, elle devient grasse, on glisse sur la boue, entre les anfractuosités qu’ils vous ont laissées pour y perdre mes pas gênés, gêner nos pas…
9’22
Tu n’entends plus les oiseaux ?
Si !…
(il s’arrête, mais aucun oiseau ne lui répond ni ne chante pour eux, ils sont ailleurs, et toujours la rumeur de la route)
Tu chantes, petit oiseau ; où es-tu ? (il reprend sa marche)
10’39 (il se mouche)
11’40
On va s’éloigner de la grand-route que l’on longeait à quelques dizaines de mètres, sa rumeur est pénible ! Leurs machines roulantes, toutes plus énormes que les autres, me fatiguent la tronche…
Allons, allons ! Éloignons-nous…
13’05
Les hommes de la forêt vont revenir après la pause de midi, leur mangement terminé. C’est ce que me disent les oiseaux… Écoutez donc ! (il s’arrête un instant et repart)
13’19 (quelques gazouillements pas très loin)
de 13’19 à 13’24, gazouillis entre 7 et 8 kHz (??)…
13’32
Ils sont timides, il se méfie, des fois que je couperai la branche sur lequel ils sont posés, sur laquelle ils sont posés, ils se méfient de nous et ils ont bien raison (raclements de gorge).
14’02
Moi aussi, je maudirais de nous ; je le fais déjà d’ailleurs !
Vous ne pourriez pas avoir des paroles plus joyeuses, qui nous entraînent ?
Oui, mais c’est pour oublier nos façons de faire. Malgré tout, elles sont bien là et dans l’affaire, c’est que nous sommes une forme (il racle sa gorge) qui perturbe ces lieux inconsidérément, assurément, mais que voulez-vous, la vie nous y a mis au-dedans de (dans) ces lieux. Il faut bien que nous accomplissions notre ouvrage, même si c’est pour un jour nous détruire nous-mêmes ; c’est que nous ne sommes qu’une expérimentation (en cours), disais-je bien des fois, je me répète. Mais il faut apparemment que la vie expérimente de nous (Mais apparemment, la vie nous expérimente), tous les attraits, toutes les manières et selon votre chance vous vivrez ces moments d’une manière plus ou moins agréable pour vous, cela dépend où vous êtes né ; la plupart naissent dans des lieux tous pourris, et l’horreur est (demeure leur) le lot quotidien. Bien peu vivent dans des endroits apaisés, et ils sont minoritaires, ceux-là, savez-vous ? La plupart des vivants ont des vies détestables (ou très agitées, c’est leur destin, on n’y peut rien), quelques minorités peuvent avoir des vies enviables (tout dépend de ce que l’on considère : enviable, agréable, détestable, misérable, quel est votre point de vue ?). Mais ce n’est certainement pas forcément eux (ces chanceux-là) qui font (feront) avancer la cause des vivants, c’est dans l’exception, c’est dans le malheur, c’est dans les intempéries que l’on trouve les idées nécessaires à une survie pour améliorer le quotidien ; dans l’opulence, l’on devient feignant, rien ne vous pousse à progresser. Le problème, c’est ce qui nous arrive, c’est que pour les peuplements qui ont le plus réussi à atteindre une précaire opulence momentanée, ils se fainéantisent l’esprit, le corps, le geste, le mouvement, l’invention, et ils se délitent à leur tour, car ne plus être dans la nécessité vous empêche toute solidarité, ou du moins, en amenuise considérablement son désir, on profite du moment tant que l’on peut. (version : Le problème, nous arrivant, survient avec les peuplements qui ont le plus réussi à atteindre une précaire opulence momentanée, ils se fainéantisent l’esprit, puis le corps, le geste, le mouvement, l’invention, ils se délitent ainsi chacun à leur tour ; ne plus être dans la nécessité vous empêche toute solidarité, ou du moins en amenuise considérablement son désir, on profite du moment tant que l’on peut.) Adieu (à son dieu, à sa foi), advienne que pourra !
Vous vouliez changer votre discours, quand vous commenciez la mémorisation (de vos dires avec) de la machine enregistreuse, hein ? Vous souvenez-vous ce que vous disiez dans votre tête et que vous n’avez pas répété à haute voix ?
C’est vrai ! Eh, je ne fais que sortir ce qui me vient et ce qui me vient, je n’en suis pas totalement le maître, j’ai beau chercher, laisser aller, laisser venir, je ne puis faire autrement, quand c’est mièvre et pauvre, la parole l’est tout autant.
Laissez venir !
Oui, laissez venir, c’est cela qu’il faut faire, laisser venir…
Vos chaussures grincent tout autant (toujours autant).
Oui, c’est amusant ! C’est une petite musique, « crouic, crouic ! », la couture, l’élastilicité, lélali léla… l’élasticité de la chaussure émet quelques bruissements amusants, amusants, pas forcément gênants ! On entend bien que la forme avance, il n’est point besoin de le prouver, n’est-ce pas… n’est-ce pas ?
Vous n’avez plus rien à dire, là ?
Oui ! Exactement, je meuble en avançant, mais cela va revenir, « cela va viendre ! » comme l’on dit simplement, cela va viendre ! Attendez donc !
À ce propos me revient cette idée qu’il faille parler tous les langages de la langue et de toutes les langues, toutes les expressions ; la normalité, le « bon » parler n’est qu’une norme, une acceptation d’une manière d’énoncer les choses, mais elle n’est que figée dans le temps ; une langue est comme les êtres, elle a besoin de vivre, de bouger, de changer, de s’adapter en permanence et de capter les airs du temps (et d’en être son expression). Une expression qui peut apparaître aujourd’hui maladroite, mal agencée, en dehors des canons de la rhétorique habituelle représentée par un patois local, une médisance, si elle est reprise par tous, elle deviendra par nécessité, à force de l’usage, une expression acceptée nécessairement (version : Une expression qui peut apparaître aujourd’hui maladroite, mal agencée, en dehors des canons de la rhétorique habituelle représentée par un patois local, une médisance, si elle est reprise par tous, elle deviendra par nécessité, à force d’usage, une expression acceptée nécessairement.). Rien de nouveau là-dedans, cela s’est toujours fait (passé) ainsi. Une très belle expression dit que si ce mot fait florès, c’est qu’il est repris par d’autres, accepté, enjolivé, reconnu comme une expression jolie, intéressante (pertinente)…
Ah oui ! Ah oui !
Alors, de la langue, n’hésitez pas à vous tromper, à faire des erreurs. C’est en se trompant que l’on apprend… Ah !
Voyez-vous, moi, je me suis trompé tout le temps et j’ai beaucoup appris de mes erreurs, beaucoup ! Eh, je n’arrête pas de me tromper, infiniment tout le temps, jusqu’à ma mort certaine.
Il faut se méfier de (à) trop réussir, cela vous rend fainéant ; mais on pourrait me retourner la chose en me disant « oui, mais si vous vous trompez tout le temps, cela peut devenir une habitude de vouloir nécessairement se tromper, et même si l’on est à la veille de réussir quelque chose, on ne fait rien pour y aboutir et l’on contrarie la réussite, on se trompe à nouveau, pour rester dans sa propre vérité de se tromper tout le temps… »
C’est possible, mais il vaut mieux se tromper mille fois pour réussir quelque chose une seule fois, et d’être certain d’y avoir réussi à (la réalisation de) cette chose-là. Eh, que voulez-vous, moi, ma réussite serait en quelque sorte une sorte d’éveil… improbable ? Je ne saurais peut-être jamais s’il y a un quelconque éveil dans tout ce que je puis avancer et faire jusqu’à aujourd’hui, cela m’importe peu ; c’est un but à atteindre et quand l’éveil est atteint, je pense qu’il n’est plus nécessaire d’exister, car le but est atteint, justement, à quoi bon aller ailleurs ? Il n’y a plus rien après, une vacuité, un repos, un apaisement, un moment paisible. Il suffit d’attendre les derniers instants des éléments qui vous compose et qui vous permettent d’exister, qu’ils décident un jour, à un moment, de cesser (de donner) à votre carcasse, tout mouvement. (version : Il suffit d’attendre les derniers instants des éléments vous composant, ceux vous permettant d’exister, un jour, à un moment, ils cesseront de donner à votre carcasse, tout mouvement.) Vous savez comment on appelle cela, n’est-ce pas ? Nous l’attendons tous plus ou moins sereinement cet instant, ce moment. Alors, à quoi bon, à quoi bon s’alarmer ?
de 27’55 à 28’06 (un oiseau surpris s’exclame, « pui pui pui pui titititi ! » (??) ; il s’arrête de marcher pour l’écouter et tente un dialogue)
Tu tu tu tu ?
(silence total)
L’oiseau ne veut pas discuter
(alors il reprend sa marche, vexé).
Il a rouspété, avez-vous entendu ?
« Qu’est-ce qui fait celui-là, il m’a dérangé ! »
C’est l’oiseau qui parle, c’est pas moi !
Ils ne me dérangent jamais les oiseaux ! Jamais ! Même le Corbeau des plaines, ou du moins de sa famille, Le Freux ou le Choucas, voire la Corneille, selon l’endroit où je suis, ont des chants pas forcément agréables. Tout de noir vêtu, on les rapproche de nos croque-morts, mais la dissonance de leur voix, si elle nous apparaît ainsi, elle ne l’est pas pareillement pour eux, entre eux, elle veut dire quelque chose cette voix qui est la leur, leurs chants, leurs cris, selon l’acceptation que l’on a de ce qu’ils disent. Quand cela ne nous plaît pas, c’est un cri ! Quand cela nous plaît, c’est un chant ! Mais aucune manière, nous ne mettrons pas le terme de voix sur la parole d’un oiseau, non ! La parole n’est qu’humaine ? Foutaise cela ! Foutaise ! C’est une parole d’oiseaux, c’est tout ! Je subodore, je suis à peu près sûr qu’aux temps anciens, très anciens, nous avons beaucoup appris des oiseaux. Oh, je l’ai sûrement déjà dit : leurs chants, leurs cris, ce que (comme) vous voudrez, nous avons désiré les imiter et la musique est avant tout la musique de la nature, (celle) des êtres qui, les premiers, l’exprimèrent, avant notre propre espèce, qui est une espèce tardive ; elle n’a pu que copier ce qui existait déjà, les sonorités étaient déjà là, nous les avons imitées, recopiées ; comme le vol de l’oiseau, nous l’avons imité…
(un des leurs ajoute discrètement « tidi lu ! »),
… son chant aussi, puisque nous arrivons tout de même à parler d’un chant, c’est que nous y avons trouvé une beauté à ce chant…
32’14 (il se mouche)
… n’est-ce pas ?
32’32
Bidons, bidons, bidons au bord du chemin, bidons de plastoc, plastoc ! Mauvais mélange… Va rester des ans, des ans ici, avant qu’on ne les enlève, on salit la forêt. À chaque fois que je passe à côté…
32’58 (un oiseau tout près lui raconte l’histoire de ces bidons, il arrête sa marche et écoute, « tiledi li ! tui dile dilu iiiiii ! te dile dilu ! » ; à 33’28, il reprend sa marche ; à 33’36, l’oiseau ajoute « tui tui tiledilu ! »)
de 32’58 à 33’16, probablement une Bergeronnette printanière ?
Il est gracieux…
(l’oiseau lui répond « tiledilu ! »)
Gracieux chant, tidiledititui !
33’47 (il reprend sa marche, on entend bien le crouic crouic de ses chaussures)
34’06
En face de moi, le beau Frêne tout défeuillé ; comme à son habitude, à chaque moment de cette année, avant les autres, Le Frêne se défeuille avant les autres, il en a beaucoup de feuilles, elles tombent parmi les premières, savez-vous, savez-vous ? Le Hêtre souvent, elle reste sur les branchages, les feuilles du Hêtre…
34’38 (un bruit au loin ; la distance ajoute un écho trompeur)
35’03
Un ruminant rugi dans la forêt, serait-ce un brame ?
Je crois que tu confonds avec le bruit de la tronçonneuse, c’est un rugissement qui peut s’en rapprocher quand on n’entend pas très bien…
(plusieurs tronçonneuses se font entendre ; curieuse symphonie ? Une légère bourrasque s’ajoute à l’hallali des arbres abattus)
On abat, on abat !
Oui ! les bûcherons sont revenus ; le vent va contre moi, il me dit « ne va pas là, ne va pas là ! » il me repousse, il le tente (il m’évente), une petite bourrasque fait cela, mais j’avance, je veux voir les dégâts, les dégâts, oh, méchants bûcherons…
36’43 (le vent l’entoure et le met en garde)
C’est que le vent m’apporte le bruit des tronçonnages… le scintillement de la lame correspond à un égorgement en quelque sorte, c’est le dernier cri de l’arbre ! Pas élégant, ce cri ? Accentué par le bruit de la chaîne cisailleuse (tournant autour de la lame), engraissée, huilée comme il se doit pour ne pas chauffer (cette lame)…
de 38’02 à 38’21, la voix des ogres de la forêt (harmoniques jusqu’à 4 kHz), la coupe et la mange…
38’20 (le bruit des tronçonnages est très présent malgré le vent)
Ah, ils y vont à cœur joie ! Je te coupe, je te coupe par-ci par-là, toute forme montante vers le ciel, les ligneuses formes qu’on laissa pousser, que l’on va envoyer, redécoupées, on ne sait trop où ; pour quelques aveuglements, quelques ameublements, quelques boisages, quelques poutres, reconstruire une cathédrale, par exemple, (celle) qui a brûlé récemment, qui sait, qui sait ?
39’34 (il se mouche)
40’38
On entend au loin l’arbre qui s’abat… c’est triste. C’est une idée fixe de couper ainsi les arbres, il y a de quoi hurler, aboyer, comme au temps ancien le ferait un tout petit chien.
41’30 (un oiseau discret ajoute « tididi ! »)
42’02
Du monde au loin, bûcherons certainement, leurs véhicules au bord du chemin…
44’33 (il se mouche)
46’11 (des passants de hasard, en face, s’écartent en prenant un chemin de travers, ils s’éloignent de lui et des bûcherons ; il marmonne « ilsonsauvage »)
46’33 (snif, snif, sur un air de tronçonnage)
48’06
Ah, ce que je disais sur la préparation… la préparation de l’arbre, la découpe, un bûcheron me dirait, « que je ne connais rien, laissez nous faire notre travail, nous savons ce que nous faisons ! »
48’51
Mais moi, comme l’enfant méprisable qui répond tout le temps, je disais, je dirais de ne pas m’y méprendre, on le sait (bien), on le saigne, cet arbre, longtemps avant son abattement (ces découpes préalables trop tôt réalisées apportent une souffrance inutile), c’est indécent ! Imaginez ce que l’on vous ferait, de vous saigner avant de vous découper et de vous laisser traîner là, à souffrir inconsidérément (des mois entiers) (version : Imaginez comment vous réagiriez si l’on vous saignait ainsi avant de vous découper et de vous laisser là à souffrir inconsidérément des mois entiers) ; déjà qu’on les marque, on les prévient qu’ils vont être coupés prochainement à travers quelques signes cabalistiques, c’est déjà une marque qui les rend moroses ; les arbres, ils ne s’y méprennent guère…
50’27 (il passe à côté de ces arbres en attente)
Toujours pas abattus, les arbres préparés à la coupe ? Toujours saigné à blanc, eh, c’est là des mois, c’est indécent ! Je ne renie pas ce que j’ai déjà dit, c’est indécent !
53’09 (il marmonne)
Jevaissé… oujabite… cinq siècles…
53’54
Vous marmonniez quoi donc ?
Oh, des choses, des choses personnelles… (il longe un petit ruisseau) l’eau qui coule et mousse, on ne sait quelle chimie ils ont ajouté, à cette forêt ? À moins qu’elle soit naturelle cette chimie, on ne sait, on ne sait ? Une analyse précise nous le dira ! (snif)
Oh, il ne faudrait pas, on risque d’être surpris, désagréablement surpris… Le vent refroidit assidûment, couvrons-nous, couvrons-nous…
Cela fait du bien de marcher ?
Oui, en grand ! Oui, encore plus longtemps !
Oui ! Jusqu’à en crever…
Ah non (il rit) ! Pas encore, attendez encore un petit peu…
Jusqu’à épuisement (alors) ?
Ah oui ! Mais pas trop non plus, on veut revenir à bon port !
Ah, vous habitez près de la mer ?
Non, c’est une expression (snif), on veut revenir chez soi dormir bien au chaud dans ma maigre coucherie, moi, pauvret bonhomme que je suis…
Pauvret, pauvret ? Pas tellement…
Oh, un pauvre haut de gamme c’est toujours un pauvre, je ne suis pas trop démuni, mais pfft, je n’ai guère plus qu’un abri ; quelques matériels superflus me permettent d’agencer cette prose insupportable que l’on entend. Machine enregistreuse, machine roulante, machine informatiseuse, machines au courant électrique (consommé), exubérant (exubérance) de tous ordres, cela revient au même…
…
Sonagrammes audiométriques :