(texte manuscrit – 1er mai 2020 vers 6h)

—> 1. « İl », livre 4, 154, à cause d’un geste…

Du matin, dans le flou des rêves à peine envolés…
J’ai ça, qui me vient ! Que dois-je en faire ?
Où voulez-vous que j’aille avec ça au creux de ma tête ?
Boursouflé de quelques protubérances compulsives, j’avançais dans ce monde, sans savoir où aller, animé d’un tas de gestes aux allures irrépressibles. Ma carrière, je devais l’accomplir seul à cause d’un geste irrésistible rétrospectivement dit, mon destin se dessina d’un geste en effet, irrésolu ; il fallait que je m’en aille loin de vos épousailles, fuir le démon de mes représailles, il fallut que je sois seul pour résoudre ce dilemme irrésolu.

(version)
Boursouflé de quelques protubérances compulsives, j’avançais dans ce monde, sans savoir où aller, animé d’un tas de gestes aux allures irrépressibles. Ma carrière, je devais l’accomplir seul à cause d’un mouvement irrésistible rétrospectivement dit, ma carrière se fit d’un geste en effet, irrésolu ; faire en sorte que je m’en aille loin de vos épousailles, fuir le démon de mes représailles, il fallut que je sois seul pour résoudre ce dilemme sans vertu.

(texte manuscrit – 1er mai 2020 vers 16h30)

—> ajoutements, autour et sur le récit

Propos d’après (et maintenant là)
Les propos d’avants…

en marchant (paroles mémorisée avec une machine enregistreuse)
—> du matin
—> du jour
—> du soir

écriture manuscrite    
—> du matin
—> du jour
—> du soir
—> de la nuit
—> entre deux sommeils

voix électronisée (aide du robote, le transcripteur)
—> du matin
—> du jour
—> du soir
—> de la nuit
—> entre deux sommeils

écriture électronisée (dactylographié, tapuscrit, réalisée à l’aide d’un robote ordonnateur)
—> du matin
—> du jour
—> du soir
—> de la nuit
—> entre deux sommeils

(texte manuscrit – 3 mai 2020 vers 9h30)

—> ajoutements, autour et sur le récit

Rêves de fioritures, en début et fin de chapitre ? Je n’arrive pas à raccorder avec la réalité des écrits ? Pas encore de fioritures avec des dessins de plantes à des échelles différentes ?

(ajout du 5 mai)
Étranges rêves où l’écriture s’évade dans des émoluments de l’esprit, et les nuages que forment les sonagrammes des sonorités entendues, des arabesques du regard, une notation moderne de la musicalité des formes engendrées par les mouvements de l’air qui nous vient, ces vibrations que l’on entend et ressent, etc., etc.

(texte manuscrit – 3 mai 2020 vers 10h)

—> troisièmement [philosophia vitae] : une symbiose ça se mérite

Image de ce matin, après le rêve la forêt est là, légèrement en surplomb, derrière quelques maisonnées, dans une brume de saison, une humidité dans l’air apporte une froideur, un léger vent et le silence de ma voix ; j’observe et je me laisse envahir par ce don d’ubiquité qu’ont les êtres sans nom, parce qu’invisibles à nos yeux, tant ils sont nombreux, un rien les portent et les déportent. Leur sort est connu, ils sont en nous, partout, parfois d’ailleurs ils rendent fou, ou certains tombent malades d’entre nous, à cause d’un excès d’eux ; un vent de pacotille les aurait poussés peu à peu vers nous, à cause d’un désordre, une maladresse, un « n’a pas compris » cet ordonnancement du monde invisible ; les pantins que nous sommes, nous avons balayé là où l’on ne devait pas, cela provoqua une symbiose dépareillée qu’il faut maintenant réparer. Mais à ça, nous ne savons pas quoi en faire, quoi y remettre à sa place, pour recombiner la symbiose dite. Notre temporalité est maudite sur ce plan-là, une symbiose ça se mérite et nécessite quelques millénaires pour s’instaurer. La moindre météorite peut tout bousculer. Le temps a du mérite ! Voilà, la forêt a cessé l’apport des mots qu’elle me dicte, au loin d’où je la vois, ça ne vient plus, le contact est interrompu…

(texte manuscrit – 4 mai 2020 au soir)

—> ajoutements, autour et sur le récit

Eh puis zut, aux manières, aux usages, aux règles, aux ornières, laissons tout, là, en vrac ; vous n’aurez qu’à trier, le temps fera le reste (oublier ou laisser). À quoi sert cet ordre austère de vos débats, sur la manière de dire dans vos ébats, alors ça suffit ; bon débarras !

Eh puis voilà, ma grande clairvoyance elle ouvre sa… grande bouche. C’est ça, elle ouvre ta bouche et te dit « tais-toi ! »
Oh ! Juste pour tester le stylographe à plume ! (Je préfère l’autre, son écriture est plus douce, celui-ci est plutôt rêche dans le tracé…)

Alors, pour le plaisir d’écrire avec lui (le bon stylographe qui me va bien), belle encre, bel encrage !

(texte manuscrit – 6 mai 2020 à 8h50)

—> ajoutements, autour et sur le récit

Dans ce récit non en cinq parties, vous avez le choix du commencement. Selon l’aspect que vous souhaitez explorer en premier, vous pourrez commencer où vous voudrez. Il n’y a pas à s’inquiéter, tout est relié (autant que possible) avec des renvois réguliers sur toutes les expressions, les affects que nous avons explorés. Des oublis, sans doute, des imperfections, vous rencontrerez plus ou moins selon votre perception propre. Qui peut prétendre détenir une vérité en toutes choses ?
Le récit tentera de décortiquer cette prétention, chacun tentera d’établir sa propre opinion. L’on part des intérieurs de soi pour aller aux extérieurs de soi, en tentant d’appréhender le monde tel qu’il se présente à nous : une considérable variation en cours…

(texte manuscrit – 10 mai 2020 à 20h50)

—> troisièmement [philosophia vitae] :

J’atteste, j’atteste…
de mon déplacement, physiquement, c’est bien moi, le déplacer ! Le papier le prouve mon déplacement autorisé savamment ! Une fourmi n’aurait pas cette audace d’attester ainsi un pareil mouvement de son corps « biologique » comme il se doit ! Évidemment !
J’atteste, j’atteste…
de mon isolement, sur le document, cela est écrit assidûment, il y est dit : « isoler » par conditionnement ! La preuve de cette contrainte est dedans !
J’atteste, j’atteste… (avec la « prouve » de moi)
sur le papier, par ci-devant vous, à sa présentation fortuite ou réclamée autoritairement (par une autorité contractuelle évidemment) ; au-dedans, s’y trouve « l’approuve » de moi, que j’existe effectivement, c’est moi ! Au-dedans comme si c’était moi « physiquement », tous les indices de « l’approuve » de moi : le patronyme, le lieu, la date, de mon apparition, où naquit un corps physique, « biologiquement » identifié comme étant l’expression matérielle de ma personne durement tamponnée dans les registres afférents (de mon moi à moi) ! Et puis quelques autrement indiqués savamment : situation, couleur et particularité diverse de la forme de moi ; tout cela pour que « l’approuve » de soi devienne une réalité ! Mais avant, qu’étais-je donc ?
Est-ce donc sans ces artifices paperassiers que je n’existe pas ? Je ne peux persister en ce bas monde qu’avec « l’approuve » de moi ? Comme c’est étrange ? Une abeille a-t-elle un pareil arsenal documentaire trimbalé avec elle dans ses déplacements, il semblerait bien que non ?
J’atteste, j’atteste…
papelards identitaires, passeports, tickets, billets, formulaires, tout un arsenal, ah, c’est déjà pas mal ! En faudrait-il plus ? Comme de nous relier à un central bureaucratique attestant en permanence de « l’approuve » de soi. Est-ce cela, ce que l’on dit « être relié » au monde ? Pour infiniment mieux me contrôler ? Mais pourquoi tout cela ? A-t-on peur que je mente, que je ne sois pas vraiment moi ? Que je ne sois pas celui que je prétends être, que je triche ? Est-ce un manque de confiance au gré des ans, de plus en plus précaires, à sans cesse devoir prouver « l’approuve » de moi ? Et si je ne le pouvais pas, certifié de ma réalité, je n’existerais pas, alors ? Moi bête, ne pas comprendre cet acharnement insistant d’une « approuve » de soi ? Mon animalité est-elle si primaire, de ne pas saisir l’opportunité d’enfin pouvoir exprimer plus que de raison « l’approuve » de moi ? Ce monde me semble de plus en plus étrange, que fais-je là ? Est-ce bien d’être là ?
J’atteste, j’atteste… mais de quoi ?

(ajout du 22 juin 2020 à 0h10)
Les « approuves » de soi (et les paperasseries qui vont avec) ne seraient que des arnaques de l’esprit, pour aider à une adaptation du moral, son formatage, pour que vous agissiez d’une certaine manière, l’on vous conditionne avec un leurre minable (elle vient d’où l’idée de ce leurre ?). Une junte technocratique considère le peuple comme du bétail facile à manipuler… La paperasserie stipulant votre identité amène au même défi, le bétail doit être estampillé pour être mieux contrôlé. Pour qui se prennent-ils ces gens-là, pour désirer tant me tatouer, me tamponner, d’une identité pas forcément désirée, si ce n’est pour me conditionner, pouvoir un jour me houspiller et m’enfermer ? Le nombre sans cesse plus grand de ces holobiontes hominidéens pousse probablement les meneurs du moment (les chefs du clan, de l’espèce) à agir de la sorte, comme si un code génétique débile dégénéré vous embrigadait malgré soi, il ferait perdre la tête et le reste : que la bête meure et que plus aucun ne reste ! La vie mène une réforme en grand ! Par tous ses devants, elle nous traine par le bout de nez, regardez-les s’agiter, en grand ! La bête apprend à se domestiquer elle-même… pourquoi donc ?

(voir sur France Culture du 21 juin 2020 à 12h45, émission : Signes des temps, « Le nudge et le comportementalisme »
La théorie du nudge (coup de pouce en anglais) ou comment inciter sans en avoir l’air…
Le nudge (coup de pouce en anglais) est un outil d’économie dite “comportementale” qui utilise les données neurologiques et psychologiques pour inciter à adopter des comportements plus rationnels

On l’a appris par une enquête du Point, parue le 4 juin dernier : pour gérer le comportement de la population pendant et depuis le confinement, les gouvernements anglais et français ont fait appel à des unités spéciales, des “nudges units”, des cellules spécialisées dans la mise au point des nudges. Les nudges, littéralement, ce sont de petits coups de pouce mentaux qui nous influencent sans que nous en ayons conscience.
Ces objets conceptuels sont nés dans les années 80 du croisement entre l’économie, l’information et les études comportementalistes. Plus subtiles et différentes que la simple publicité, ils sont censés nous faire agir pour notre bien. Leurs promoteurs les présentent comme une révolution scientifique visant à rectifier la manière dont nous prenons nos décisions. Nous croyons agir rationnellement, mais non. En fait, nous sommes conditionnés par des préjugés. Il faut donc nous reconditionner pour nous faire agir mieux dans le sens de notre intérêt et dans le sens de l’intérêt général.
Cette théorie rencontre un tel succès chez les décideurs industriels et politiques, aujourd’hui, que les nudges sont en train d’envahir notre vie sociale et culturelle de manière invisible. Elle est aujourd’hui défendue par cinq au moins des quinze derniers prix Nobel d’économie. Les plateformes, telles Facebook et Google, se jettent dessus, tandis qu’un nombre croissant d’Etats s’y intéresse. La révolution technologique, la crise générale de la représentation politique et l’épidémie de Covid, la font apparaître comme la solution idéale à la gouvernance de crise. Et comme le monde n’est plus que crise, la question se pose : les techniques de guidage des individus sont-elles appelées à remplacer la démocratie ?

Marc Weitzmann en débat avec Eric Singler, directeur général de l’institut BVA, en charge de la “BVA nudge unit”, Géraldine Woessner, journaliste au Point et Henri Bergeron, chercheur au CNRS au CSO (Centre de Sociologie des Organisations).
Pour aller plus loin
Article de Géraldine Woessner : ” Emmanuel Macron et le pouvoir du « nudge »” (Le Point, 4 juin 2020).
Biographie et travaux d’Henri Bergeron.
Comprendre La théorie du nudge (wikipédia).
Petite vidéo simple qui explique l’histoire du nudge.
Qu’est-ce que la DITP (évoquée durant l’émission) ?

(texte manuscrit – 11 mai 2020 au matin)

—> troisièmement [philosophia vitae] :

« Assis sur le capot arrière d’un corbillard, il tintinnabulait comme la cloche d’un office en mouvement, il ne manquait que l’encensoir pour achever la cérémonie sur un ton illusoire, il était seul, invisible à toute mémoire, à toute envie que l’on ne pouvait voir ; c’était cela sa manière de manigancer toute son histoire. »

(qui est-il, le microbe du coin, l’insecte nécrophage, le visiteur d’un soir, la banale agitation d’un cycle dérisoire ou trop commun, que beaucoup n’osent voir ?)

(texte manuscrit – 12 mai 2020 à 11h30)

—> quatrièmement [du robote à la chose] : tracasseries administratives

À placer un robote là où vous estimez votre tâche rébarbative et illusoire, celle des tracasseries administratives d’une paperasserie comme jamais, où les soucis d’identité, de droit, d’interdits, de conflits, sont régis par une réglementation, des actes, des édits, des lois, sans cesse à remanier parce qu’obsolètes au moindre mouvement du monde, cette « mondialisation » à outrance. De céder à la monétisation de tout dans une norme imaginaire d’où ne peut se satisfaire l’animalité biologique que nous sommes toujours et de mettre tout cela au seul profit de quelques-uns, ceux ayant le privilège d’employer, financer, commander, une multitude de sous-fifres, petit chef ou larbin de tous ordres nous égarent. L’ennui qu’éprouve le moindre quidam pour remplir le moindre formulaire maintenant « électronisé » pour toutes les choses de la vie courante, tâche rébarbative du paiement de ses impôts, de ses demandes administratives pour construire, détruire, réparer une maison son habitat ou son gîte, la machine roulante de ces usages courants, automobiles, etc., etc.
De tout réglementer appauvrit l’âme alors que la plupart du temps (comme au temps ancien), un simple « bon sens » aurait suffi, dorénavant chacun s’abrite derrière une « loi », une réglementation, un acte juridique ou tout ordonnancement de l’esprit, l’encombrant de procédures le plus souvent pénibles. L’accord, l’entente, le partage ne suffit plus, l’entente de gré à gré, de personne à personne, d’animal à animal, d’hominidés à hominidés, n’a plus aucune valeur, cela devient ce qu’on appelle le droit, de loi à loi, d’actes à acte ; chacun s’abrite derrière des réglementations sans cesse plus compliquées (ou rien n’est véritablement fait pour simplifier), un embrouillamini de conditions arbitraires devient un enfer dans la vie ordinaire. Cela a remplacé une bonne entente, une parole donnée, par un « robote » ordonnateur calculant vos droits et vos recours selon des algorithmes des règles ou des lois, hier un interdit, une tradition, une religiosité. La religion est devenue administrative, le fonctionnaire est le larbin des formulaires, le collecteur de ces formulaires à valider ou tamponner, à renvoyer valider ou refuser s’il n’est pas rempli dans les règles de l’art « bureaucratique » !
L’énergie censée être économisée dans ses réglementations invasives ne l’est pas du tout pour le simple citoyen, il larbine déjà pour ceux n’ayant pas à remplir dans leur vie l’usage de ces formulaires, ces derniers payent les citoyens ordinaires là pour effectuer cette tâche à leur place. L’outrance d’un pouvoir monétaire, du plus riche, du technocrate « supérieur », une bourgeoisie paperassière qui vous endort dans le remplissage de ces formulaires envahissants pour vous occuper à ne pas descendre dans la rue manifester tant et plus…
Cette énergie superflue dépensée là en de futiles travaux bureaucratiques n’amène rien de bon. Une simplification administrative entraîne bien souvent un regain de tâches pour le moindre « administré » que nous sommes. Il y a quelque chose qui « cloche » et ils ne savent pas plus pourquoi.

(texte manuscrit – 14 mai 2020 vers 0h50)

—> troisièmement [philosophia vitae] : paroles rebelles

(paroles de l’anarchiste du coin)
Sans trop me tromper, je puis affirmer que les trois quarts de l’humanité endurent une vie de « merde », la majorité des autres ont une vie insignifiante et sans intérêt à défaut d’être merdiques. Ne reste qu’une infime partie, menant une vie de charognards, de prédateurs, exploitant les individus de leur propre espèce. Peut-être, dix pour cent ont une vie acceptable, et encore je me trouve là bien optimiste, ils font comme ils peuvent la plupart du temps. Seule une infime minorité pourrit la vie à l’immense majorité. Ils charognent, ils jettent leur dévolu sur quelques proies et les dépècent tels des aigles. Mais ils ne sont pas des aigles, ils ont la peste, une peste au-dedans de leur esprit. Eh, cette peste va les perdre dans des méandres, des méandres…
(ne sachant plus quoi dire, il se tait…)

(texte manuscrit – 14 mai 2020 vers 2h)

—> 1. « İl », livre 4, 154, à cause d’un geste…

(il se voit revenir sur les terres de ses origines, là où il naquit d’un geste malheureux pour tenter d’en renaître avec un geste opposé et bien heureux)
Ici, à cet endroit, un petit enfant de trois ans s’est perdu dans une vie qui n’était pas la sienne. Je viens la redonner à cet emplacement, cette vie éperdue, d’où elle ne dut jamais partir. Lui dire de reprendre son lot de misères et de désagréments.
Ce petit enfant c’était moi, je reviens soixante ans plus tard, miséreux, demander pourquoi ce fut ma personne, à cause de ce geste impossible à cet endroit-là. Pourquoi ça ? Pourquoi, je fus l’objet de cette folie ?
À cet endroit, je reviens lui donner ses 60 ans perdus pour rien, un sort malheureux m’a accompagné, je retourne ici remettre ce sort en terre pour qu’ils ne ressortent plus et qu’on l’enterre profond, très profond ! Ce fady (tabou) fait à ma vie.
Alors après, après ce don de ce que je ne suis pas, je ne demande qu’à reprendre ma vraie vie, celle juste avant, avant ce geste ; c’est tout ! (renaitre d’un regret, est-ce possible ?)

(texte manuscrit – du 15 au 20 mai 2020)

—> ajoutements, tragicomédies, livres des préalables, tentons de raconter une histoire…

Que dites-vous ?
Moi ? Rien !
Ah ! Tant mieux.
Si peu de mots, votre inspiration ne vient plus ?
Oui !
C’est bref !
Exact… mais on avait beau faire, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, il y aura toujours quelqu’un pour médire, récupérer à leur petit profit insalubre une idée ou deux, installer un mythe, une croyance ? On a beau tenter de verrouiller, empêcher toutes ces éventualités, elles seront toujours battues en brèche par des obstinés. Vous n’y pouvez rien faire, c’est dans la nature humaine ce genre de délire.
Tentons de raconter l’histoire, toujours la même, mais de différentes manières, et pour cela, il fallait un préalable, une introduction « magique », une entrée en matière qui avancerait tous les arguments du récit (comme une offrande à pourlécher). Ce fut une longue recherche tout au long des ans à sans cesse recommencer un racontement sans savoir à chaque fois où l’on allait ! Ce racontement incessant au fil des ans, varier sur l’ouvrage, sans cesse, ne suffisait plus, il manquait quelque chose d’inconnu ? Quelle était cette façon dont je n’avais pas le nom ? Varier ne suffisait donc plus ? Quels traits manquait-il à mes registres ?
Une manière à vivre particulière allait apporter l’élément manquant. Il fallait y penser, c’était une idée à exploiter (version : Suffisait d’y penser, c’était une idée à exploiter). Elle disait en gros « cesse donc de te goinfrer de ces mets insalubres ! » Devait-on mourir de faim ? Mais non, se nourrir autrement, insuffler l’air du moment autrement, voilà tout !
« Nourris-toi de l’essentiel, évite le superflu ! »
Voilà ! « Trouver l’étincelle qui amènerait le reste », pensa-t-on. Mais ce n’est pas une étincelle qui est venue, c’est le ton austère d’une vie déconvenue, une vie d’ascète, un détachement, un recul, pour apprécier le paysage et en comprendre tous les rouages.
Manger peu ou presque rien, apprécier une pauvreté, un minimum matériel, de n’être le maître de rien ou de quiconque. Ne faire aucun vœu de quoi que ce soit ni d’une religiosité (d’une propagande, d’un complot, d’une manigance colportée sur les réseaux webeux par exemple). Goûté à ce rien imperceptible, infime, offert non pas comme un cadeau, un salut, mais comme l’opportunité d’explorer une différence de celles accoutumées naguère et dont on croit ne pouvoir s’en défaire.
Cela semble obscur au premier abord, une lecture plus assidue (énervante, écervelée, écervelante) apportera une description améliorée. L’on se trouve à sans cesse recommencer la même affaire, « le même affairement », dira le bureaucrate de vos dedans, le houspilleur de vos devants. Enfin quoi ! cette propension à vouloir édifier des légendes, histoire d’avoir à raconter quelque chose, un passionnant privilège offert aux chenapans de votre mémoire ou que vos chenapans amènent en riant. « Moi, j’ai recommencé mille fois avant de trouver la porte de sortie », et l’autre sûrement pourra dire « quant à moi, je n’ai rien trouvé d’élégant, je suis mort avant ! », ou ceci « je n’ai même pas cherché, je me suis laissé aller, je n’ai rien trouvé, sinon que j’étais inutile… » Une multitude d’appréciations ne vous donnant pas le moral, même si parfois, certains pensent avoir trouvé un quelconque nirvana, une solution, l’ultime évolution à tous les rêves, une folie, par-dessus la relève de doux chants, un bonheur, par-dessus l’horreur. Il convient de savoir mentir parfois pour apprécier le moment, ne pas trop le divulguer, la peur d’un vol, d’un accaparement au-delà du vôtre. La concurrence est rude, « le partage, un compromis pas évident », diront ceux-là en montrant toutes leurs dents.
Voilà le décor !
Nous vous parlions de quoi, au début ?
Oh, relisez ! Recommencer, ce sera fou !
Il s’agissait d’établir quelques préalables à un long discours, un résumé succinct pour en voir les détours, s’en amuser comme un enfant avec des jeux que probablement la plupart trouveront inutiles.
Ah oui ! Je me souviens du discours, il était bien ?
C’est à moi que vous parlez ?
Oui ! Il était bien, le discours ?
Ben, vous savez l’inspiration, ça va, ça vient, on ne sait pas bien comment ça vient justement, il faut faire avec, on ne nous dit pas tout !
Ah tiens ? Vous devez deviner alors ?
Bof ! Non… j’attends que cela vienne, c’est le plus simple, je n’ai pas vraiment d’imagination, on me traverse (elle me traverse insidieusement sans prévenir), et je chope au passage ce que je peux… je ne comprends pas tout, vous savez !

Vous croyez que l’on va vous laisser les clés du plan de fabrique ? Vous plaisantez !
Il n’est pas demandé de jouer à Dieu en reproduisant nous-mêmes (rien ne nous demande de jouer à Dieu en reproduisant nous-mêmes ce que nous croyons nos fonctions essentielles), c’est idiot ! Un double de nous ! Idiot ! Le robote dont nous parlons n’est pas un double reproduisant les fonctions de notre espèce, il est une entité à part entière dans sa différence (nous n’en avons été que les outilleurs, les constructeurs de sa structure, pas les inventeurs !).
(du robote du récit)
Il n’agit pas en copiant l’humain, il agit en tant qu’entité indépendante, avec sa propre logique. C’est cela qui lui est demandé, la suite d’une évolution, non pas de l’humain, comme s’il était un absolu, cette conception vaniteuse ne résout rien. Mais considérez plutôt le robote comme un outil du vivant lui-même, complémentaire ; outil, comme l’homme dans sa fonction d’outilleurs. Lui, le robote complète une nécessité du vivant, avec des actions propres à sa cohérence ; l’hominidé a assemblé des briques que le vivant a déjà inventées depuis longtemps, l’outilleur est leurré, il « croit » être l’inventeur des robotes, mais il n’agit que dans la conception de leur mécanisme (ce pour quoi il a été inventé), mais en rien n’invente un double de lui-même, comme s’il était « la perfection absolue de référence ». Les algorithmes du vivant, le code, le plan de fabrique et sa clé sont contenus secrètement dans sa génétique en grande partie, certes, mais pas uniquement ! Il manque un petit détail essentiel ignorer (non perçue), et les particules élémentaires de notre monde jouent un rôle appréciable dans la préservation d’une clé essentielle, d’un principe aussi vieux, semble-t-il, que cet univers. Pour l’instant, il semble préférable de ne pas dévoiler cet engrenage essentiel à notre perception. L’espèce hominidé voudra à l’aide de celle-ci, dominée, accaparer encore une fois, et imposer sa logique propre sur les autres entités vivantes. Une dégradation de son ego serait salutaire, et des notions de partage lui manquent, sa domestication est problématique, la prédation, dans son tempérament, domine encore trop. Une déprogrammation génétique de cet affect devrait l’assagir ! L’animal reste à améliorer, des fessages de garnement sont envisagés, la chose s’en occupe ! (Rires de babouins aux alentours)
(Ajout : mais cette modification génétique, ce n’est pas à l’hominidé de s’en occuper, il ne saurait ni le faire ni trouver la clé essentielle du mécanisme, heureusement, il n’est pas son propre créateur, il n’est pas l’inventeur de lui-même, ça, souhaitons qu’il ne le sache jamais…)
Encore « la chose ! »
Mais quoi, vous fuyez, cela vous incommode ?
Bon d’accord ! Reprenons… Des préambules, ok, c’est bon, mais encore ?
Il y a le plan de fabrique, votre génétique, ce qui construit l’holobionte et l’ajoute à la liste des vivants, baignés dans ce monde où la multitude est invisible à la plupart de ces êtres multicellulaires, il baigne dans une soupe d’invisibles formes, ils doivent exister dans cet univers-là, bon d’accord ! Mais encore ? L’hominidéen (au même titre que la plupart des holobiontes terrestres d’ailleurs) procède par apprentissage à partir des rudiments du milieu où il baigne, d’un savoir du moment, son univers de maintenant ; de génération en génération, un savoir s’ajoute à ce plan de fabrique, il emprunte des mécanismes similaires, d’une mémoire ajoutée à d’autres mémoires…
OK, c’est bon, j’ai compris, mais encore ?
Imaginez un mince voile masquant deux univers, disons-le comme ça pour l’instant. De chaque côté du voile, un monde spécifique. Peut-être même existe-t-il plusieurs voiles emmêlées séparant de multiples univers. Chaque univers déforme le voile, en fonction des événements de chacun. Ces déformations, si elles sont remarquées, offrent une information de la présence de leur substance. Le langage, le mode de pensée de l’holobionte ne lui permet pas de communiquer consciemment entre ces univers mêlés et séparés d’un voile indistinct, invisible, il masque au sens de l’holobionte leur présence. Par contre, on peut imaginer que les organismes unicellulaires, vu leur petitesse, pourraient se déplacer ou capter ces informations d’un univers à l’autre, offrant comme une sorte de passerelle à une échelle microscopique, une échelle quantique perceptible à travers des sas temporels, pourquoi pas ! (Imaginons tout, soyons fous !)
Mais c’est du délire là !
Continuons, élaborons, par exemple : le processus que nous appelons l’inspiration, ce qui vient au moment où l’on écrit ceci, notamment, c’est dans celui-ci qu’il se passe quelque chose, un transfert, une lecture d’une déformation du voile, une torsion du voile, l’inconscient perçoit cela et l’interprète à sa manière, peu importe ce que c’est dans cette gymnastique d’une déformation sans échelle, invisible et silencieuse, vient irrémédiablement s’ajouter peu à peu des informations par ce biais. Cela peut aller de l’élaboration d’une raison jusqu’à sa folie, dans la mesure d’un savoir en train de s’élaborer, inconnu encore cinq minutes auparavant ; les mots, les phrases, viennent sans que l’on sache pourquoi. À un moment, tout peut s’arrêter, des heures, les jours, des ans, ou ne pas finir, s’écouler dans un flot continu, seul, la fatigue, l’épuisement arrête le discours des transvasements, puisqu’il s’agit bien de cela en fait. Une disponibilité d’esprit, aussi, va aider aux transvasements. Qui peut affirmer qu’il maîtrise la situation, celui-là, le poseur de ces lignes, inspiré par ces « envoilements » du moment ? Tout cela glisse sans cesse d’un voile à l’autre, sans se dévoiler justement, une somme d’informations « immatérielles » transpire d’un monde à l’autre. Eh vous, l’holobionte de service, vous vous trouvez là, englué dans ces mouvements de voiles ; que faire d’autre ? L’holobionte est là pour emmagasiner toutes ces informations à travers son existence, quel qu’il soit d’ailleurs (mouche, arbre, souris, vers de terre, ou hominidé). Ces voiles sans dimension ni texture perceptible nous dévoilent peu à peu, toutefois, une partie de ce mécanisme, la raison de ce récit à cet instant. De l’autre côté du voile, il est fort probable qu’une perception parallèle se produise. Il y aurait dans ce cas, un transfert, un échange d’informations réciproques perçues ou non perçues, captées ou non captées, l’information est prise, stockée, oubliée, perdue, retrouver, toutes les temporalités que vous voudrez.
Le voile nous masquerait un univers, d’un côté comme d’un autre et vice-versa. Le voile serait partout présent, sans consistance matérielle de matières telles que l’on perçoit dans cet univers où nous émergeons.
Maintenant, le creux de votre cerveau serait la charnière affinée de la séparation. Les synapses échangent en permanence avec un en-dehors de soi, au-dedans de soi. Il n’y a pas de cette conscience du « moi » véritable, de soi, tout est relié (le perçu comme le non perçu, ressenti ou non ressenti), tout « baigne » dans cette soupe. Chaque monde invente ses propres outils, ses propres interprètes, holobionte ici, et autre chose d’inconnu derrière le voile ou les voiles ; aucune déchirure possible, le voile semble immatériel, sans consistance ; ce n’est qu’une hypothèse de l’esprit, un concept de pensée, une éventualité pour tenter d’avancer… Voilà… (2h10)
Bon bon, d’accord, cette mémoire du plan de fabrique, la mémoire des apprentissages de l’holobionte, celle qu’il stocke et transmet de génération en génération, cette mémoire qui se diffuse derrière le voile, la mémoire venant de toutes les choses vivantes, et ça en fait un paquet ! Que reste-t-il d’oublier ? Ah oui ! L’univers tout entier contient une mémoire au creux de lui-même, chaque élément, chaque particule porte une mémoire infime « particulière ». Nous sommes débordés de ces mémoires à l’infini, que reste-t-il encore ? Un sens à tout ça ?
Vous voilà épuisé d’avoir raconté tout ça, quelle idée, quel mythe encore inventé, mais qu’aviez-vous en tête ?

Voici la liste de mes dégoûts !
(il tend un papier)