(parole en marchant – 5 nov. 2020 à 16h35)
—> 2. « petit chemin » : si peu à dire
—> durée : 7’50
Dis-moi ce que je dois faire, la forêt ? Il y a que je m’enferre dans des stratagèmes incongrus et je ne sais que faire ? Inspire-moi la forêt, dis-moi comment il faut terminer ce que j’ai commencé, comme tu l’as toujours fait à chaque fois que je venais te voir ; vous, la multitude des êtres qui me regardent passer (perçoivent à mon passage) sans me voir puisque vous n’avez pas d’yeux, mais vous sentez ma présence, les effluves que j’émets, infimes à côté des vôtres, tant vous êtes nombreux ici, vous attendez patiemment, votre rythme est beaucoup plus lent que le nôtre, celui des hominidéens que nous sommes !
Oh oh oh oh ! Il (île) parle comme un savant !
Il répète ce qu’il a appris…
C’est décevant !
Il faut bien apprendre de ce qui vous entoure, la forêt, elle, me dit des choses ; ses craquements, ses bruissements, ses senteurs, tous les gens qui y vivent me racontent, m’invectivent et parfois me disent « fou le camp ! »… aussi…
Ce n’est pas marrant, c’est désobligeant, décevant, c’est que je le suis, dorénavant !
Ça y est, il continue avec ses « ans ! »
2’50 (un autre oiseau l’a remarqué et lâche un « tu ! » bref vers 4,3 kHz)
Oui ! D’ailleurs, euh, la période est étonnante, de « pan pan », il y en a plu en ce moment…
Tant mieux !
Au-dedans d’elle, ces tires tonitruant d’un passe-temps désuet où il n’y a plus nécessité de se nourrir de ces vivacités au-dedans d’elle, la forêt ! Foutez-leur la paix, enfin, à ceux qui s’y cachent, au-dedans, ces êtres à quatre pattes le plus souvent.
Ici, l’on ne tue pas le volatile, c’est… pas la région ; quoique je n’y connaisse rien dans les abattages réguliers que mes semblables y pratiquent au-dedans…
Tu n’as rien à dire ?
Oui, j’attends ! Je viens ici à l’improviste, elle n’était pas préparée à me recevoir, mon retour n’était pas envisagé, elle se repose, commence à s’endormir le soir venant ; on m’accueille morose, avec au loin, une faible rumeur de la route (grand-route) traversante, où nos agitations de nos formes… les agitations de nos formes dans ces machines roulantes bruissant dans l’air, je les entends vaguement… Le vent me les apporte… Quelques oiseaux, des vagues « cui cui… tui tui… », qui tu es toi ? Ah ! un volatile change de place, il m’a vu…
On dirait… c’était un Geai, à la couleur de ses ailes, je le reconnais ?
6’53 (le Geai cri, tout en s’éloignant)
Tiens ! Tu l’entends au loin ?
Eh ! Il n’y a rien, on ne te dit rien, tu es trop verrouillé, trop concentrer sur toi ; oublie-toi, si tu veux percevoir une présence, percevoir ce qui te traverse, il faut que tu te taises un temps, te laisser imprégner, comme avant !
Alors oui, je me tais, j’ai compris…
(au loin, la rumeur des machines roulantes se poursuit…)
…
(paroles en marchant – 5 nov. 2020 à 16h47)
—> 2. « petit chemin » : absurdus identitus et rien à dire
—> durée : 16’15
(une pensée lui vient, il estime nécessaire de rallumer la machine enregistreuse)
Oui, je répète…
Euh, je disais ?
Oui, les Loups n’ont pas bonne presse ici, alors ils se déguisent en oiseau pour qu’on ne les voie, et ils chantent comme eux, ce ne sont plus des « wouah wouah » ni des « hou hou ! », sauf ce cri du hibou ; ils chantent « tuite tuite… tulidé tulidé ! » par exemple. Eh, tout le monde se fait avoir, l’on entend qu’un oiseau chantant, alors que ce Loup déguisé volant… on ne s’imagine même pas qu’il a quatre pattes ?
(absurdus identitus)
Ceux-là ont-ils des pièces d’identité avec eux, prouvant ce qu’ils sont, comme nous nous le faisons pour nous et que l’on nous arrête, une autorité quelconque nous demande nos papiers qui prouvent notre existence, font-ils cela ?
Je ne sais pas, je n’ai pas l’impression ? Ils n’ont pas de petite pochette conservant la pièce en question, identitaire ! L’approuve (la prouve) de soi !
Aaah ! Stratagème technocratique ! Un abus de pouvoir, il faut que je prouve que j’existe, que j’ai un nom, la pièce vous donne votre nom, sinon si vous le donnez oralement, on ne vous croit pas, vous savez ! Eh, si vous dites, « je suis un homme », cela ne suffit pas !
Le sanglier du coin, quand il vous voit, il le voit bien qu’avec mes deux pattes, je ne peux être qu’un hominidé, de ceux qui l’abattent avec leur grande tige ferrailleuse, qui fait « pan pan » sur eux, les plombs qu’ils reçoivent les abattent goulûment ; il sait bien que je suis un de ceux-là, il n’a pas besoin que je le lui prouve avec ma pièce identitaire, ma (la) prouve de moi, non non non ! Tout comme la Biche ou le Cerf (élaphe), pour eux c’est la même affaire, un deux-pattes s’il court vers lui ou le vise, avec leur grande tige, c’est pour faire « pan pan pan » sur eux, il n’y a pas de doute possible ! Moi, ma tige n’est qu’un vulgaire bâton, au bout duquel j’y ajoute une machine enregistreuse, celle de mes parlottes, la voix que j’émets… quelques parlottes, en effet ?
4’16
En identité, chaque arbre, chaque plante (chaque animalité, tous les vivants), nous lui avons donné un nom, un nom générique ; des arbres avec telle feuille, tel bois, sont des Chênes, des Hêtres, des Frênes, des Châtaigniers, des Ormes, des Charmes, des Noisetiers (des Néfliers), des Nerpruns… tout ce que vous voudrez ; des noms pour les baptiser et les abattre ensuite en classifiant leurs bois (quoi), nous sommes savants dans la manière de faire ; ici, je marche sur les feuilles de Châtaigniers tombées (au sol) pour une cause, celle de l’automne s’en venant, ainsi que (celles des) des Chênes, Chênes sessiles, Chênes pédonculés, Chênes pubescents… Chêne rouge, aussi !
« Le bruit du froissement des feuilles sous mes pas témoigne d’une activité forestière suspecte, il y a quelques arbres autour de moi, c’est manifeste ! »
L’hominidé inquiet, dit « tant d’êtres (autour de lui), il faut que j’en abatte quelques-uns, je serai plus tranquille, aussi ; eh, de leur bois j’en construirais ma maison, ma charpente, celle de mon toit, quelques meubles ; et des restes, des brindilles, des branchages inutiles, j’en ferai un feu de joie pour me réchauffer l’hiver venu… », voilà ce que l’on dit ici ! Et dans tout cela, y a-t-il un merci de notre part ? Un remerciement, à cause de cette part que l’on a prise au-dedans de la forêt ? Je n’en entends guère, ce n’est pas dans nos habitudes de remercier ceux par quoi l’on vit (comme un « excusez-nous de vous trucider ainsi, nous ne sommes que des hominidés aux instincts grégaires, nous nous complaisons tant à abuser de toutes parts », même pas !) (Dans ce cas, comment pourriez-vous pardonner à ceux-là de vous occire ainsi ?). Mes congénères disent « qu’ils nous remercient (plutôt), ceux que on laisse en vie… (comme) de notre civilité à les laisser survivre quelque temps ! » Le temps passé s’en venant, ils reviendront et couperont quelques formes ligneuses comme à leur habitude, dans leur forme adipeuse, c’est une certitude… Regardez les sols ravagés, des abattages coutumiers, ici, de l’an, il y a quelques semaines… Encore, les essences des bois fraîchement coupés, vous en… vous ressentez n’est-ce pas ?
Ah ah ah ! Machine microphonique, tu ne peux percevoir cela, cette senteur de l’arbre découpé…
Voilà ! Eh bien, vous ne dîtes rien ?
On me regarde passer dédaigneusement, comme si j’étais le maître de ses longues files de bois autour de moi, n’ayez crainte, je ne suis ni l’ordonnateur de ces coupes ni le bénéficiaire. J’ai fait d’autres bêtises que celles-là, même si jadis quelques arbres je coupai, dans ma bêtise faite homme, je ressemble aux miens, c’est indubitable !
10’32 (quelques oiseaux commentent le passage de celui-là)
J’ai la même férocité, les deux yeux devant la face, celle du prédateur…
11’11
« Cela ne fait aucun doute ! », se dit l’oiseau discrètement, qui s’est tut dès que j’arrêtai ma marche…
On se plaint des ravages des sangliers au bord des chemins, mais nos propres ravages, quand les coupent sévères s’évertuent à élaguer par-ci par-là la forêt, ce qu’il en reste est un autre carnage d’une ampleur sans commune mesure, cela rassemble plus à une dévastation. Le groin des sangliers ne perturbe que quelques herbes dans l’humus ; leur ravage n’est que superficiel, il bouleverse quelques formes champignonneuses, des mycéliums du coin qui ont vite fait… qui ont vite fait de reconstituer leur forme filamenteuse, ils y sont habitués, ce sont des habitants réguliers, ici !
Qui ça ?
Ben, les Sangliers ! Bah, les champignons étaient là sûrement bien avant ? Les sangliers se sont réfugiés en forêt, comme tous les gibiers, ce que nous appelons gibier, ceux qui se prêtent à quelques « pan pan » de notre part. La forêt s’avère…
… être un dortoir… (« tiiiuuuheuheu ! »)… qui les préserve un temps de nos sortes d’exécutoires, celui que nous pratiquons… ceux que nous pratiquons au moment des chasses, vous savez, je me répète, les longues tiges enferraillées, le « pan pan » coutumier ! Allons ! devrais-je le répéter ?
Vous êtes médisants !
Ah ! Qui dit ça ?
Moi !
Ben oui, vous êtes chasseur Monsieur ?
Non, mais vous médisez de vos formes… enfin, de formes qui vous ressemblent !
Oui, je ne suis pas ami avec ces gens-là ! Quand je passe à côté, je fais « grrr ! »
Ah, ils le voient ?
Euh, c’est un « grrr » discret, car ils ont la longue tige, ils pourraient en user contre moi, on ne sait jamais ?
Leur « thalamus » est quelque peu précaire, leur intelligence ne franchit guère les limites d’une perception précaire…
Ooh oh, oh oh oh ! qu’est-ce qu’il raconte celui-là ? Vous n’avez vraiment rien d’autre à dire ?
Je suis désolé, la forêt refuse de me parler, donc vous assistez à un discours quelque peu désuet…
Il vaudrait mieux que vous vous taisiez, encore une fois ?
Oui, vous avez raison !
…
Sonagrammes audiométriques :