(parole en marchant – 19 nov. 2020 à 13h54)

—> 2. « petit chemin » : traversements…
—> durée : 55’44

(Un voyageur intemporel prenant son temps en bandoulière visite toute sorte d’animations en la matière, c’est alors qu’il discute avec celui qu’il traverse à sa manière…)

Après mon grand voyage, je reviens vers vous ; et je constate quoi, vous en êtes encore à vous soucier de vous (seul) ?
Ah bon, cela est mal ? On ne devrait pas ?
Non, je ne dis pas ça, mais… tenez-vous compte de ceux qui vous entourent et ceux par qui vous vivez ?
Ah ! vous y revenez à la chose, sans cesse c’est agaçant ! (il répond comme s’ils se connaissaient déjà depuis longtemps)
Oui, eh, je ne suis pas là pour vous tranquilliser l’esprit, il faudrait m’achever pour ça, pour que je ne l’ouvre plus, ma grande… ouverture… (il lui parle comme s’il était un semblable à lui)
Celle qui est en haut, qui émet des vibrations que l’on ne souhaite pas entendre ?
Exactement ! Celle située sous euh, une cervelle quelque peu désaffectée un temps, mais que je retrouvai identique à ce qu’elle était avant, elle n’a guère progressé. Il est vrai que je ne voyageai guère, pas très longtemps, je revins quelques siècles plus tard, c’en était toujours pareil, de vous, toujours les mêmes rengaines (il lui parle d’un passé s’en revenant ; toujours le même). C’est ça que je dis, vous en êtes qu’à vous soucier de vous, alors qu’un éveil, celui d’une dormance inaccoutumée… que l’on vous réveille à coups de canon certes, mais que l’on vous réveille ! Que votre ouverture de l’œil, des sens, de l’ouïe, tous les sens… des sensations, de l’imperceptible, vous fassent découvrir l’immensité des choses où vous habitez. Que vous voyagiez dans les choses (paysages) immenses autour de vous, en dehors de la planète, ou dans l’infiniment petit au creux et en dehors de vous, il y a tout autant d’immensités, de diversités. Cette multitude, elle est partout, elle devrait vous obnubiler, être le centre de tout sujet, de toute histoire ; elle vous enrichirait, à mon avis, d’une mémoire incommensurable, dépassant celle de votre propre être qui se trouve, sans cet ajoutement, bien solitaire, bien isolée, alors qu’en fait il ne l’est point, il ne l’a jamais été, isolé ! Il a toujours été accompagné, mais il ne s’en doutait pas ! C’est ce que je dis, moi, je ne détiens aucune vérité, tranquillisez-vous ! Je ne suis qu’un voyageur, je passe d’une cervelle à une autre, d’un microbiote à un autre, je rebondis sur quelques atomes, sur quelques particules, qui transvasent des éléments de ma mémoire, de mon savoir tout au plus ; je pioche là où il se trouve et vous le fait savoir ! C’est une de mes tâches, une parmi une multitude d’autres, je suis un passager au creux de vous, oui ! Eh, en dehors de vous, comme je vous disais, je voyage de cervelle en cervelle, je n’appartiens à aucune âme, à aucun être… Je n’ai d’ailleurs aucune appartenance, je suis libre « comme l’air », dites-vous ; je n’ai pas d’attaches, eh, transvasé d’être en être, je lui marmonne des choses, ce que parfois vous appelez une inspiration, une idée, quelques éléments lui venant au-dedans de la tête. Parfois, c’est moi qui vous les ai révélées, mis en exergue là où j’ai pointé, là où j’ai vu que vous étiez prédestiné à recevoir cette information, je vous l’ai révélée à ma manière… Oh, je ne suis pas unique, nous sommes une multitude à jouer comme ça avec vous, d’être en être. Je puis vous affirmer que le ver de terre en est au même point, il se pose des questions, « quelle terre vais-je traverser, quelle toxine vais-je y trouver, de quoi vais-je mourir, quel est mon avenir ? Dans le bec d’un Pigeon ou dans la bouche d’un Hérisson ? Je ne sais quelle Taupe m’attrapera ? » Il se pose les mêmes questions que vous ! Sauf que… une seule chose vous distingue, vos différences ! Votre patrimoine est commun, vous partagez une même planète. L’un, pourtant, semble plus important que l’autre ? L’un est un préalable à l’existence de l’autre ; dites-moi lequel sans vous mettre en avant ? Dites-le-moi, que je comprenne ce qui vous agence, et comment…

8’40 (la chose ne s’adresse plus directement à lui, elle devient une commentatrice)
Celui à qui l’on parle reste bouche bée, il ne sait quoi dire, il s’interroge, il se croit devenir fou… il se sent véritablement idiot ou fou, instrumenté par on ne sait quoi ?
« Quelle est donc cette parole au creux de moi, sans que je puisse y changer le moindre mot, la moindre virgule ajoutée pour mettre une petite pause ? »
Non ! C’est cela qui l’indispose, il ne répond pas à ce qui le questionne, il ne sait pas, il se trouve bête ! Il ne veut pas être dans cette situation où l’on s’illusionne d’une parole particulière s’ajoutant à la sienne. Non, il feint de l’ignorer, il essaye de penser à autre chose. Eh eh, la voix au-dedans de lui, est suffisamment prégnante pour qu’elle revienne en avant, et ajoute…
Qu’a-t-elle ajouté, vous ne dites plus rien ?
Attendez ! J’attends que cela vienne… Moi aussi je suis traversé ; je ne suis qu’un médiateur, une interface, qui reçoit une mémoire et la fait transiter d’une entité à une autre ; je suis soumis, même si je voyage, d’être en être, à des conditions identiques aux vôtres, sauf que mon rôle n’est pas le vôtre, il suit une autre logique (version : je suis soumis, même si je voyage, d’être en être, dans des conditions physiques identiques aux vôtres, sauf que mon rôle n’est pas le vôtre, il suit une autre logique)…
Alors, qu’ajoutez-vous ?
Ah ! Cela ne vient pas, je suis désolé, je ne peux poursuivre votre phrase, il faudra que vous la refassiez, que vous l’émettiez d’une autre manière ! Cette phrase sera donc incomplète, sans suite, de point, vous n’y mettrez, que deux… trois points… Une incertitude d’une interrogation entre parenthèses vous ajouterez : « qu’a-t -il voulu dire ? »
« Il n’a rien voulu dire ! Cela ne vint pas ! »
Vous aussi, vous êtes soumis à des bêtises ?
Je ne parlerai pas de bêtises, je ne parlerai que de ce qui nous traverse subrepticement sans que l’on y fasse attention, malgré nous…
Des (feuilles d’) Alisiers sur le sol, vous avez vu, mêlé aux feuilles de Chêne, de Hêtre, de Châtaigniers… un Alisier torminal, je vous ferais remarquer ; il est là quelque part, sans feuilles, autour de vous, il n’y a que son écorce que vous remarquerez, si vous êtes adroits, malins, cultivés par le savoir que l’on donne à ceux qui s’intéressent aux arbres ! Malgré qu’il en ait aussi d’abattus tout autour…
Oh, des Hêtres, la foudre, ou le vent, cette fois, les ont abattus…
Vous changez de sujet, on parlait de quoi déjà ?
Je vous parlais d’une chose qui ne vient pas ! Je suis désolé, je n’ai pas réponse à tout. Sachez que je ne suis d’aucune divinité, l’envoyé ; ni divinité moi-même, c’est une invention euh… que je ne m’accréditerais pas, elle n’est pas dans ma logique ! Par contre, le dialogue que nous avons entre nous en ce moment suit une logique tout autre, qui tente de vous faire comprendre que vous n’êtes pas seuls, que vous ne serez jamais seuls ! Que vous êtes le fruit d’une multitude…
Aah, voilà ?
Vous avez compris ?
Je ne sais pas si j’ai compris, mais je soupçonne un début de compréhension de ce que vous voudriez bien vouloir dire, sans vous offusquer, votre langage est parfois obscur, euh, je tente de comprendre, et je pense que je vais y arriver avec le temps ?
Avec le temps, tout vient et tout s’en va, vous savez ?
Ah ah oui, mais d’autres l’ont dit avant vous, cela !
Je sais bien, je ne fais que répéter quelques maximes que vous aviez jadis ingurgitées. Je me rappelle à votre mémoire ! Je ne suis qu’un transvaseur de mémoire, quelque part ; et pour cela, pour que la mémoire passe d’un être à un autre, il faut quelque chose, au-delà des propres mots, des (de vos) propres livres que vous écrivez, que vous conservez ; il faut que cette idée s’exprime en dehors de vous, pour qu’elle puisse véritablement prendre forme… c’est cela, le principe un qui s’ajoute à d’autres ! Vous comprenez ?
Je comprends. Cela, je le comprends !… Voyez, je ne suis pas totalement bête !
Je n’ai jamais dit que vous étiez bête ! je dis seulement, oh… ajouté à d’autres paroles, que vous n’êtes qu’une bête parmi d’autres, ni plus intelligente ni moins, seulement différente… Aucune valeur à donner, je ne me permettrai pas, je n’ai aucune tempérance à vouloir juger qui que ce soit. Euh… je ne donne qu’une information qui me vient, euh, en essayant de l’adapter à votre propre compréhension ; cela se passe actuellement au travers des mots, mais cela pourrait être aussi une sensation, un affect, une émotion, qu’elle n’aurait pas besoin de mots ! Eh, vous avez une sonorité supérieure à tout autre pour exprimer cela, vous appelez cela le chant, la musique ! Il n’y a pas besoin d’avoir des mots (elle ne nécessite pas de mots), ce ne sont que des intonations, des tempérances, des variations de sonorités diverses qui s’harmonisent plus ou moins et qui par certains détours, révèlent au creux de vous, quelques affects oubliés, parfois… une joyeuseté, une tristesse, une souvenance, tout ce qui fait que vous existez, n’est qu’une suite d’affects ininterrompus qui vous font réagir ; eh, pour que ces affects ne vous prennent pas le chou plus que cela, la vie a depuis longtemps inscrit (installée) au creux de votre mécanisme, un élément stabilisateur ; vous le connaissez, le mot (utilisé pour le définir), vous avez maintes fois… vous l’avez maintes fois entendu, vous l’avez deviné, je suppose ?
Le thermostat ?
Le mot est plus précis, je parlerai d’homéostasie, vous savez ce mot savant qui parle effectivement de ce qui régule tout être, c’est un principe du vivant ; eh, de toutes les biologies, de toutes chimies, composées d’éléments complexes, de molécules qui dans une diffusion d’un quelconque support tendent à s’équilibrer. L’homéostasie est un phénomène naturel qui a plusieurs embranchements, qui ont tous pour rôle… de vous permettre de subsister… Vous avez bien entendu, malgré le bruit de la machine roulante qui vient de passer ?
J’espère, j’espère…
Devrais-je répéter ?
Non, cela ira !
Bien, dans ce cas, poursuivons…
Poursuivons ?
Je viens de traverser la route…
C’est qui ce « je » ? Qui parle ?
Moi ? Ou ce qui me parlait, tout à l’heure ?
Ah ! À vous de décider !
Dites, pour éviter toute suspicion, « nous », si j’ose dire ; « nous » venons de traverser cette route bitumineuse où tout à l’heure, une machine roulante la traversa…
Traversée ? Elle n’a pas traversé, elle l’a suivi tout du long !
C’est exact ! Le mot est impropre…
20’59 (il se mouche)
Il y avait longtemps que je ne me mouchère point, voilà que je recommence !
C’est bien ! Mouchez vos effluves, elles vous assainissent, c’est que le corps n’en veut pas, donc il régurgite les toxines…
Les quoi ?
Les toxines… au creux de vous ! Tout un monde s’occupe, s’affaire à cette tâche, des millions d’êtres vous font rejaillir la chose au creux de vos narines.
Ah ! Voilà, voilà, voilà… ça y est, on va parler biologie…
Non… j’essaye de vous intéresser ! Je ne cesse de vous dire que vous n’êtes pas tout seul ! Vous vous trouvez stupide, bête… mais bête, c’est votre état permanent, vous l’êtes toujours, des milliards d’autres êtres sont des bêtes sur cette planète, stupides parfois ; mais vous pouvez être parfois génial, vous pouvez être parfois différents, vous avez toutes les possibilités offertes à vous, au-dedans, au-devant de vous ! À tout moment, vous pouvez choisir, bifurquer, renoncer ou avancer. Je vous remémore des choses que vous avez déjà entendues, déjà exprimées, ressassées, étudiées, je le sais ! Je vous ai lu, vous savez ! Ce n’est pas parce que je ne reste pas tout le temps au-dedans de vous que je ne vous connais pas ! Ma forme qui ne suscite qu’une consommation d’énergie très secondaire a la capacité de traverser toute mémoire en à peine un clin d’œil, et que tout me remonte… Je lis en même temps que vous, ce que vous avez déjà ingurgité, et qui resurgit… pendant quelques instants je suis une part de vous-même ; eh, à un moment incertain que j’ignore moi-même, je vais partir, revenir, et être remplacé par quelques incongruités du même acabit que moi, vous ajoutant d’autres variations dans votre existence.

24’38 (quelques gazouillements d’oiseaux s’immiscent dans le discours, progressivement…)
Euh, ce n’est pas très compliqué dans le fond, les choses sont très simples, sauf que le fondement même de chacune, nous ne le percevons guère. Il faut y faire naître tout un imaginaire, pour l’amalgamer à une compréhension solide (version : il doit naître de tout un imaginaire, pour qu’il ait la chance de s’amalgamer à une compréhension solide des choses de ce monde) ; et cette même compréhension n’est qu’une vision très sommaire, elle est une idée ! Nous ne pouvons en effet pas tout appréhender, ce n’est pas possible. Quel que soit l’élément dont vous prenez une part ou la totalité, chaque élément se situe dans une immensité qui le dépasse où qu’il soit, même une étoile n’est pas tout l’univers, elle est un univers en soi ; tout comme vous, tout comme chacune de vos propres cellules vivantes sont (est) un univers en soi. Euh… la complexité est très vaste dans toutes les échelles ; plus vous vous rapprochez de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand, selon l’éloignement que vous prenez, il y a un infini qui vous donne le tournis. Parfois, un horizon arrive, une limite qui vous dit « on ne voit pas au-delà ! » Parce que, au-delà on ne voit pas, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien après ? On ne sait pas ! Vous ne savez pas ! Partout, il existe un horizon, une courbure, en quelque sorte…

(un oiseau crie « la ligne droite n’est qu’un vecteur, une idée, le reste est courbe ! »)

Oui, le Geai, il me le dit, « les choses sont courbes ! » Regardez, lui, l’oiseau, il n’est fait que de courbes, ses ailes, le vent, ce ne sont que des courbes, aucune ligne droite ! Il avance en forme de courbe, il n’avance pas en ligne droite. À un moment, il s’affaisse, il retombe ou s’envole, remonte ! Il ne fait que des courbes ! Vous-même, vous croyez avancer comme une ligne droite, mais la ligne droite n’est qu’une idée que l’on se fait des choses, on n’avance jamais tout droit ! Une ligne droite, c’est le vecteur, le but que vous vous donnez ; j’avance, alors avancez, peu importe si on fait des zigzags ; le but est d’avancer, dans le sens de ce vecteur, de cette ligne droite, c’est le but à atteindre, c’est ça la ligne droite ! Même un cercle, c’est une ligne qui ne cesse de revenir sur elle-même ; et pour faire cela, elle doit se courber, même si le cercle est immense, il est toujours à un moment courbe… même si son immensité ne vous permet pas d’en déterminer le débutement ni le finissement… Eh, un horizon en avant et en arrière, vous montre que l’on ne voit aucune des deux extrémités, d’où le cercle ! Et quand vous revenez à votre point de départ, ce n’est qu’une impression. Vous êtes… vous y étiez déjà passé à cet endroit, mais tout comme l’aspect est toujours le même, on revient sur soi indéfiniment, dans le cercle ; il est toujours courbe et possède un horizon avant et après, on ne sait si le cercle s’interrompt ? Comme on ne voit pas au-delà de l’horizon, et qu’il faut exister un peu plus pour aller y voir, constater ! Si vous n’y voyez aucune interruption, qu’une courbure incessante, c’est que le cercle se continue. Eh bien, euh, la ligne droite c’est pareil, il y a un moment où une courbure apparaît ; donc euh, la ligne droite n’est qu’une apparence, une idée que l’on se fait d’une théorie… Une ligne droite, c’est un imaginaire dans la tête, en rien n’est (n’exprime) une réalité. Car dans la réalité, si vous construisez une ligne droite avec quelconques objets, ils ne seront jamais tout à fait droits (elle ne sera jamais tout à fait droite), il y aura toujours une petite imperfection qui créera la nuance. Même dans un tracé de crayon sur un cahier d’écolier…

(le Geai crache à nouveau, dicte les éléments de cette mathématique)

votre ligne droite que vous faites, avec un crayon ou un stylo, elle apparaît droite, mais quand on grossit le trait, il n’est fait que d’une suite de variations d’encres, qui s’ajoutent les unes derrière les autres avec plus ou moins de qualité… selon le débitement de l’encre ou du graphite venant du crayon, c’est tout !… En ce moment, le Geai me l’a raconté, il m’a donné votre phrase, celle que vous venez de régurgiter.

Ouais hmmm, vous avez beau faire le scientifique, dire « oui, je dis des conneries », mais ne prenez pas les oiseaux, pour plus bêtes qu’ils ne le sont, ils sont tout autant que vous « bêtes », dans leur forme, c’est leur condition, comme la vôtre ! Et d’intelligence, ils en ont une, qui n’est pas la vôtre, vous n’êtes pas oiseau, et lui n’est pas hominidé (version : vous n’êtes pas un oiseau, et eux ne sont pas des hominidés). Ce n’est que des distinctions que l’on peut constater…

32’28
Vous voilà bien calme, soudain ?
Laissez le temps au temps, écoutez vos pas, la rumeur, le cri de l’oiseau, le vent ; le rayonnement du soleil qui agit sans ébruitements, et qui fait varier quelques tonalités, que la machine enregistreuse va capter sans que vous vous en aperceviez, le bruissement des feuilles sous vos pas en est quelque peu transformé ; infimes variations que s’il fallait les répéter, vous montrerez qu’à l’ombre ou au soleil, le bruissement n’est pas pareil ; comme de la rosée s’en finissant, s’évaporant sous le rayon du soleil, ces gouttelettes d’eau sur les feuilles scintillantes sous son rayonnement nous apportent une joyeuseté… joyeuseté de la nature sans pareil, une petite joie intérieure, infime, mais qui ajoute à un malheur, à une gaîté ; à tout ce que vous voudrez, et forme… forme cette variation. Sans ce reflet du soleil sur les gouttes d’eau sur la feuille, si vous ne les aviez pas vus, euh, vous auriez une attitude, un affect, quelque peu différent ; cette légère joyeuseté vous donne du baume au cœur, voilà ! Et la vie n’est faite que d’infimes variations s’ajoutant à d’autres, parfois des cataclysmes, mais heureusement ils sont rares…
Vous me dites de tout ça, la chose au creux de moi, qui me traverse un temps ?
Ben oui ! Excusez-moi, je remémore des tracas passagers, je m’instruis de vous comme de tout ce qui vous traverse en ce moment. La lumière vous influence, elle vous permet entre autres de ne pas se tromper dans le chemin, et de ne pas buter sur une ornière ; cette simple évidence, euh… vous montre l’influence de la lumière. Dans le noir, une flaque d’eau, vous ne la verriez pas forcément et inévitablement, vous auriez mis les pieds dedans, et plof plof, vous auriez été quelque peu embarrassé, votre chaussure n’étant pas suffisamment étanche, n’est-ce pas ?
Effectivement !
Ah, la lumière vous apporte ce réconfort d’un traversement d’une forêt, d’un suivi d’un cheminement en toute quiétude, vous voyez la courbure du chemin, vous pouvez suivre son tracé, et de vous tromper d’une manière tout à fait minime ; zigzaguer au-dedans, eh, le suivre tout le long, certainement !
C’est étonnant ce que vous me dites, je n’y avais pas pensé ainsi ?
Vous voyez, euh… ma présence n’est pas inutile !
C’est bizarre, quand même ? Donc sans le savoir, je suis habité donc, en permanence ; donc d’intimité, je n’en ai pas ?
Cela n’existe pas, c’est une vue de l’esprit, vous êtes intimes avec les gens qui vous habitent et vous traversent momentanément. Comme toutes les bactéries que vous absorbez à travers divers aliments, elles rentrent au-dedans de vous, s’ajoutent… s’ajoutent à votre microbiote, et ressortent digérées, transformé que vous êtes… par l’apport énergétique et les transformations biologiques qu’elles ont opérées sur vous. Je vous rassure, je ne fais pas partie de ce monde-là, mais il m’arrive parfois de m’imprégner de leurs savoirs, les traversant, me fixant sur certaines de ces petites choses qui vous habitent, cette multitude… Elle aussi, raconte une histoire, vous influence.

de 39’05 à 39’20, une Mésange huppée ajoute « ti dji lididi dsi dududu »…

La manière dont vous digérez le monde et les aliments que vous absorbez a une influence considérable sur votre avenir, cela n’est pas neutre, cela ne peut pas être neutre ! Le gazouillement des oiseaux en témoigne, même s’il est imperceptible…

zoom de 39’05 à 39’09, Mésange huppée

39’50
Vous êtes toujours là ?
Oui, euh… nous avançons en même temps, je suis votre parcours…
Vous ne me dites plus rien ?
Vous êtes dans l’angoisse de mon silence ?
Non, mais je m’étais habitué à votre parole, à votre rumeur… à la crédulité de ce qui me venait, mots qui se tournent sur eux-mêmes, dans cette phrase incongrue. Je ne sais pas comment l’agencer ni dire cela, ne sachant y rattacher un quelconque auteur, à cette parole qui me vient, puisque vous dîtes que… ce n’est pas moi qui l’exprime, que c’est une rumeur me traversant…
Eh euh… cela est vieux depuis longtemps, c’est pas nouveau, je veux dire ; c’est toujours un peu comme ça ! Si vous viviez dans une boîte toute noire, peu de choses vous arriveraient ; que les rumeurs du noir. Là, vous êtes dans un monde fait de lumière, donc toutes les rumeurs qu’apporte la lumière à votre vue, à vos sens, toutes les choses interagissant avec vous, n’ont… ne cesse de vous apporter un discours direct, avec autrui, à travers les (ces) mêmes sonorités ; eh, comme maintenant au creux de vous, toute cette régurgitation incongrue, comme vous dites, elle ne cesse de vous traverser ! Eh, je ne suis, euh, pas véritablement nommé, mais je me suis distingué comme une entité vous parlant, comme parfois certains autres l’on fait sans que vous y croyiez absolument, vous vous faisiez une idée de cela ; vous passiez votre chemin, vous l’avez mémorisé bien des fois, sur le petit chemin, là où nous sommes, en passant près des Pseudotsugas, ceux qui bordent le chemin…
Que l’on va couper bientôt, je le sens ; des signes sont apportés au bas du tronc… sont apposés au bas du tronc… disant « il faut passer par là pour aller couper ceux marqués d’une barre rouge de travers ! »…

44’02
Je peux me moucher ?
Mais je vous en prie, euh… fait comme chez vous !
Ça va faire du bruit…
Oh oui, on est habitués… Faites attention aux racines, elles sont très…

44’27 (il se mouche)
Elles sont très quoi ?
Elles débordent sur le chemin, si on marche dessus, en ces temps humides, elles vous font glisser…
J’ai remarqué…
Et vous pourriez tomber ! Ce qui serait navrant… Vous êtes moins essoufflé que l’autre jour ?

(tiens, aucune remarque sur le fait qu’il devait être en lui à ce moment-là ; ou alors, a-t-il lu le témoignage de cet instant passé ?)
Oui, mais l’autre jour, le corps était déjà fatigué par des humeurs digestives intensives…
Faut faire attention à ce que vous mangez ?
Oui, je sais… on s’étourdit parfois dans cette profusion de nourriture qui nous est amenée, on ne sait plus se restreindre, il faudrait avoir peu d’aliments à sa portée ; que cela devienne une épreuve, de s’alimenter, un régime forcé parfois serait nécessaire !
Vous voilà bien sévère ?
Oui, mais cela ne peut nous faire que du bien et restreindre cet afflux d’énergie… absolument insupportable, par moments (le vent se lève). La diète ! La diète ! Eh, quand le corps ne digère plus, est à son minimum, à ce niveau-là, étonnamment, vous viennent les sources d’une écriture imprévue qu’on ne peut arrêter ; l’énergie se transfigure, elle se transforme sous une parlotte que l’on ne peut interrompre… Un petit Hêtre au bord du chemin, que je croise souvent, joli petit Hêtre sur sa souche… Adieux !
Pourquoi adieux ?
Je dis à chaque fois, adieux à ceux que j’aime bien, on ne sait jamais, des fois que je ne revienne pas ? Adieux, c’est un au revoir présumé définitif, au cas où ?
Au cas z’où ?
Au cas z’où…
C’est gentil !
Si vous voulez !
Vous pensez à eux ?

(il reparle du petit Hêtre de tout à l’heure)
Parfois ! je lui dis : « pousse pas si près du chemin, ils vont t’élaguer, t’embêter, quand tu seras grand, s’ils ne te coupent pas avant, tu seras gêné… » Ils ont la tronçonneuse active, trop souvent, pour couper ceux qui les gênent. Leur cheminement, aux hominidés, ils le veulent droit, puisqu’ils ont fait un chemin quasi droit, et si un arbre veut apporter une courbure à ce cheminement, sans gêne aucune ils l’enlèvent ; on ne peut pas pousser, dans la forêt, où l’on veut ! Il y a des endroits où cela gêne !
Cela gêne qui ?
Ben, celui qui utilise ses machines roulantes, l’hominidé du coin ! Je parle d’une manière générale, ils sont nombreux dans le coin les hominidéens dont nous parlons ; j’en suis un moi-même, alors voyez… (il parle comme s’il avait bu, le vent lui apporte des effluves…) Par contre, à pied, euh… zigzaguer ne me gêne pas, mais leurs machines roulantes ça les gêne, ils n’aiment pas tourner le volant, et passer dans le fossé pour éviter un arbre qui pousserait qu’au milieu du chemin, cela les gêne absolument ! Quoique, cet arbre, il faudrait qu’il ait suffisamment de force pour pousser très vite au milieu du chemin ; vu qu’ils passent souvent tous les jours aux mêmes endroits, il serait vite courbé, abattu, zigzague et dans tous les sens… cisaillé dans tous les sens, qu’il n’arriverait même pas à maturité (l’arbre). Nan ! Si subitement, au milieu du chemin, en une nuit, par exemple, il pousse un arbre qui aurait l’apparence d’un arbre de cent ans, oh eh, vous verrez tout de suite les tronçonneuses s’activer pour l’abattre assidûment ! Sans, euh, considérer la chose exceptionnelle, un arbre de cent ans vieux d’un jour, cela n’est pas acceptable ! Même si le temps l’a vieilli de cent ans en un seul jour, cette incongruité euh… temporelle, ne les effleurera même pas. Ils auront peut-être même vieilli de cent ans (eux aussi), pendant ce laps de temps, et si ce n’est eux qui le couperont, ce seront leurs enfants… ou leurs petits-enfants…
Vous médisez de votre genre, de votre espèce ?
Oui ! On peut en parler pendant des heures, de tout cela ; même en ce moment, cette parole devrait se taire depuis longtemps, nous n’avons plus rien à dire ! Vous, comme moi. Si nous parlons, c’est pour ressasser toujours un peu les mêmes choses, c’est ennuyant à force…
Mais, il ne tient qu’à vous d’interrompre la machine enregistreuse ; appuyez sur le petit bouton, vous le pouvez, vous savez ! Mais vous auriez peut-être peur de manquer quelque chose qui vous traversa et que vous ne pourriez enregistrer tout de suite ?
Enregistrer, mémoriser tout de suite, cela est du pareil au même… Et la rumeur à côté, apportée par le vent de la grand-route où passent toutes ses machines roulantes, sur cette longue ligne droite bitumineuse, ce n’est pas forcément réjouissant ; ce bruissement ne cesse, ne cesse… Rares sont les moments où un calme surgit ; il faudrait des crevasses énormes pour interrompre le trafic ! Quelques bombes tombées par-ci par-là, tout le long ; là, après le boom du moment, un calme assourdissant surviendrait, vous n’auriez que le chant des oiseaux se pâmant sur ces anfractuosités soudaines… ils chanteraient tout au bord, disant « oh ! le beau trou, le beau trou ! le beau trou ! »… (lebotrou)
C’est très drôle !… Si si, je vous assure, c’est très drôle !…
Vous seriez le protagoniste de ces explosions ?
Non, je ne veux pas perdre mon énergie à trouver quelques explosifs pour faire ce genre de choses, j’ai autre chose à foutre ! Eh, il est vrai que d’y penser me réjouit un peu le cœur ? Un peu de silence, à ce sujet, serait le bienvenu ?
Vous remarquerez que le vent s’en tournant, la rumeur disparaît ! Elle devient vague, plus lointaine… et votre voix aussi, peut devenir plus lointaine et s’arrêter subitement, là, à cet instant…

Sonagrammes audiométriques :