—> version final (éditions de 2017)
—> 1. « İl », prolegomena, studium : 27. [L] dévoilement de sa littérature,
son roman sans cesse médité
—> à remplacer par texte « labyrinthe »

J’occupais mon corps avec de la nourriture, pour qu’il ne pense point ni n’agisse avec trop d’entrain, sur des besognes autres que celles du travail si prenant. J’attendais le moment qui, je le savais, viendrait comme un boulet de canon. « Patience ! » me disait l’esprit, et les fatigues du ventre, les amers rots ou les précipitations de l’estomac trop rempli n’avaient de cesse à encombrer ce crâne, cette cervelle ; puis le geste lascif des mets que l’on entasse dans sa besace jusqu’à plus soif, jusqu’au renvoi toujours évité un instant, le temps d’un pet libérateur, ou d’une crampe de la vessie.

« Oh martyr des ombres, ce soir j’ai trop mangé, je me tiens la bidoche toute boursouflée, ma panse tout emplâtrée ; faites vomir tous ces apartés, qu’on m’apporte de quoi digérer ! Amenez la fête à mon estomac, qu’il intestine la rampe, vers ces mûrs fracas merdeux, sur le trône honteux. »

Que dire de ces repas si facilement acquis pour quelques sous, où un gros pourcentage de mes salaires s’engloutissait en plats de subsistances à la nourriture surabondante ? Je me devais d’essayer l’émergence des graisses, la lourdeur des soirs, le sommeil obligé, dans des sueurs digestives et des malaises aigres de la bile trop activée alors, devenait nécessaire de vivre une pareille existence si pesante et puante aussi. La pièce de mes engorgements sentait si fort souvent, qu’une femme même bébête n’y pourrait tenir. Ainsi, dès lors, ma « douce » compagnie évitée au charme de leurs appâts, les belles m’étaient donc interdites par simple et pure précaution. Un impératif, épuiser ce corps, l’empâter, l’ankyloser, le rendre malade, si je pouvais. Mais la matrice à ingurgiter, toujours vive, avait une maîtrise infaillible sur ma carcasse, elle contrôlait inlassablement le processus de mes fientes, autant je l’emplissais, autant elle le sauvegardait, si bien que je ne restais jamais souffrant. Et puis le but ne résidait pas là, il consistait grossièrement à détourner l’esprit, lui permettre « d’attendre » en le fatiguant, « ne pas penser » devenait l’attitude première.

La nourriture et les charmes des mouvements du poignet, sur mon sexe désœuvré, occupé à de vulgaires pisses ou des jets de sperme vite refroidis, donnaient une illustration de l’air pollué de ma chambre, tout encombrée pareillement à l’excès, de papiers, et de livres tous à moitié lus, tous si peu vus. Oh ! n’y trouvez aucun méfait, pas de drame ni de malheur, mais seulement l’espérance d’un je-ne-sais-quoi de soudain, voire de surhumain. Mais je m’imaginais que rien n’arrive dans ses attentes naïves ; elles passent et vieillissent le bonhomme pour ne lui laisser qu’une vie pauvre, vide, et à la fin, une mort banale.

La conscience se posait des questions de cet ordre et les bouffes quotidiennes ne parvenaient pas à l’en empêcher. Voilà la calamité du moment, si cela en était une. Je suis né fort de l’âme et du corps, seulement l’esprit un peu tourmenté par un doute aussi pénible qu’étrange à l’animal humain que j’étais. Fallait-il la subir ainsi cette vie à peine voulue, comme condamné dans la grande cité, bien que je puisse partir à tout moment sans plus espérer ; mais non, une sorte de voix intérieure me disait : « reste ! reste ! patiente encore un moment, cela arrive ».
Elle progresse lentement certes, mais sûrement, j’en éprouverais trop d’incertitudes sinon. Et puis, tu ne fais pas que prendre racine, tu vis une aventure, « la vie », une expérience de nourriture, de solitude et de travail […] Elle t’imprègne de relents d’avenir, cajole ta douce envie d’y revenir et te prend une partie de ta sève ; ne le regrette pas, elle t’apprendra assidûment chaque jour un peu plus de choses et ce temps n’est pas perdu.

L’attente, la besogne, les soirs, les repos endormis, voilà les mots de cette époque. Résumant si vite une vie hâtive dans la cité enfiévrée et excitée de bruits, d’odeurs si enivrantes par tout ce qu’elle te donne de ses attraits.
Je calmais ainsi la révolte qui rôdait dans mes pensées ; celle quand on a vingt ans et qu’on rumine encore ; le temps vous change ! Et c’est vrai, il insiste et vous brise à la réflexion, le corps, les projets, vos propres créations, comme un édifice ; combien ont résisté à son assaut incessant ? Est-ce un ami fidèle ?

Comme j’ai hâte de devenir âgé parfois, je réfléchis à cela et l’idée n’apparaît pas nouvelle ; je l’ai toujours souhaitée, la vieillesse et puis enfin, ce décès libérateur. Je n’ai pas peur d’elle. Je la croise quand un proche nous quitte, ou lorsque les cimetières défilent sous ma fenêtre. Je refuse le culte des morts, et aucun autre d’ailleurs, ni croyance, ni pitié ; ma cervelle reste froide à tout cela. C’est de l’histoire des hommes maintes fois répétée et je ne veux pas encore redire le passé pour le bon plaisir de quelques-uns, amis, parents ou étrangers. Rien ne peut convaincre un esprit aussi épris du doute que moi, je ferais peur à leurs dieux.

Sur un ton austère, je décris tout ceci, car la cérémonie de mes écritures devient presque funèbre. C’est un amusement propre à ma nature, concevoir une sorte de sérieuse pensée, élaborée pour donner ce style qui va bien, au grand comédien de la vie que je suis. La farce est ainsi dévoilée, peut-être pauvrette et naïve, et n’égale pas le génie littéraire, la certaine manière qui convient, du genre publiable. Vous savez, des mots, des mots sans importance guidés par un simple réflexe, à inscrire des lignes, des phrases, même pour ne rien raconter. La plaisanterie est connue maintenant, on pourrait cesser de noircir la page, mais… la plume, elle, ne le souhaite pas, alors, la main trace et s’y attelle ; c’est bien… Je ferme l’éventuelle parenthèse et continue la pensée ; adviennent toutes sortes de sottises d’hommes, je tiens à dire « qui se croit » un grand auteur, cela va de soi. Dans ses manuscrits, on pourrait y lire des histoires de vie, pour donner un style certain et très travaillé, précisant le moindre mot un peu trop flou. Mais non, je laisse comme un délassement à ma main le soin de réaliser une écriture sans trop y réfléchir…

On marque une pause et je retrouve une pensée du début du récit. Je parlais à reculons, comme une manière de raconter à l’imparfait, histoire de manier encore la tournure d’une sorte de roman ingrat et puant. Mais l’idée du moment a cessé de courir dans ma tête et je cherche une ou deux sottises pour terminer la phrase.

*

Un jour, c’était décidé, je me devais de ne plus souffrir, je parle des déchirures de l’âme et du corps ; me suffirait de penser à l’envers, suffirait de ne plus se laisser aller ni se tordre de douleur ni désirer le martyr, aux dires : la plainte ! Je n’avais qu’à m’abandonner, oui. Je me souviens, racontant cette histoire un jour, que je discutais bien, m’en suis « fièrtement » vanté, c’est si simple, comme de vouloir l’insouffrance.
Un jour, je me suis parlé à moi-même, en douce, j’avais cessé de jouer à cette comédie ; j’en repris une autre, pour essayer tous les tempéraments de la terre, tous les savoirs du vivre ; à cause de cela, justement, j’ai offert à mes désirs, toute une carrière, tout un destin, et c’est là assurément, après les souffrances expérimentées, que je m’en suis venu à tenter une forme de pensée « le doute de l’esprit », qui ne se fixe ni sur un préjugé, ni sur une vérité d’époque, ni sur l’orgueil ; j’ai essayé, cela dure un temps, comme le passage d’une vie à l’errance ; mais j’avais promis de les vivre toutes, comme l’étincelle d’une poudre qui s’envole en fumée, pour me disperser dans un rêve de trop, cela m’est arrivé.
Comme c’était facile d’exister à la manière de l’homme et de ses subsistances. Apprendre la honte, le plaisir, ou exploser de rage, j’hésite pourtant pour la haine, le meurtre, la vengeance. J’ai envié longtemps les moments de la vie sainte, celle d’un être à devenir probablement bon. Une histoire, que raconte-t-elle, et peut-être d’autres, pareilles existences ? Celles qui persistent et furent vécues jadis, il me manque la nécessité d’expérimenter tout cela, tour à tour, dans les désordres de l’instant…

Puis comme ça, un jour, courant élégamment, étrangement ravi, la jeunesse vive en moi, auprès des filles, j’inventais une sornette pour les voir rire — que c’est beau le sourire d’une femme ! — Mais, tout en nage, d’indicibles petits troupeaux ont écarquillé mes yeux, d’une vague pleine ; enfin, tout débarbouillé, puis lavé des sueurs du jour, engrange en moi la rumeur d’un amour pas bien fameux ; tant pis, c’est pour rendre heureux. J’ajoute un mot ou deux et puis m’en vais. Maudit vendredi gras ! Et je hais les jours de fête.

*

Je pourrais dire : vous allez me rendre dingue ! Les hommes du monde moderne me donnent ce trouble !
Non ! la folie, la vraie, celle du cerveau qui se disperse et perd de son harmonie, elle demeure trop présente et si proche. Encore non ! La folie elle se choisit, ne serait-ce que pour une mascarade, un jeu décidé, adopté très consciemment, histoire de voir la tête de mes semblables. Ce serait une aliénation morale volontaire et salutaire, une façon de sauver mon esprit, des marasmes de cette époque.

À lire les journaux, on ne rencontre que des drames sur terre ; où se trouvent les bonnes choses, où a-t-on mis les ivresses d’un entourage meilleur ? Quelle est donc cette vie, à quelle réjouissance mène-t-elle ? devrais-je dire. Mais c’est bien simple, la folie reste commune, c’est la normalité des mondes, le massacre, les bombes, les désaccords et les grèves deviennent les usages courants de notre petit landernau humain. Que disent d’autres, les journaux, la télé et les autres ?

Le pauvre isolé, dedans la grande ville, n’a pas le choix ; le stress, le fric, ou l’abandon. La chance n’existe pas, l’optimisme et le pessimisme n’y trouveront pas de prise ; la vie, cette maline, elle te mène là où elle veut. C’est une salope ! La combattre sans cesse est un défi ici… je pourrais dire beaucoup de mots encore, mais, etc., etc. convient mieux.

Ainsi, parler des mêmes choses avec un autre langage, celui du désespoir, du regard défaitiste et triste, n’est pas de mise chez certains ; donnons-leur une nouvelle lecture de ces mots, avec un style adéquat (évidemment le style !) ; celui-là sera très ciblé à l’art de dire, de la façon qui épate, faites usage de virtuosité ! On peut devenir génial avec médiocrité et sans intérêt avec génie, ou avoir du talent dans la nullité :

« Alors, tu vois, mec ! La vie, ben c’est comme ça : tu cognes, tu casses et ça passe ; parfois, on te chope, mais y’a toujours moyen de s’arranger… »
Style très gars : « qui en a plein dans le slip ! » celui du dur des durs ; ça amuse la galerie, sans plus ; voyons voir autre chose ?

« Le monde se démène, Toto doit du fric, sinon on va lui faire la nique, mais c’est un “démerdard”, il cache son magot, on ne le trouvera pas de sitôt. Toto est un rigolo, il sait jouer au loto ; mais, à force, râle le public, c’est un peu que ça rapporte, c’est trop peu pour lui. C’est un homme qui travaille dur dedans la maison de son boss, il casse des coques pour fendre la noix. “Roule ta bosse !” et ça payera. Ne reste plus que ça de mieux à foutre… dorénavant, il contrôle la brisure des coques et des bonshommes, il leur “magne le cul”, à ceux qui tapent sous ses grognes, son dire de maintenant, du chef qui ne tend plus la pogne, gradé qu’il est, fier et maître de besogne ; il rosse les gueules et crâne aux réunions du pat’ qu’est pas con, plus beau qu’un étron. »

errance

J’ai tout observé des hommes et j’en ai même vécu de la folie, de la résonance, moi, dans mes jeux, la fripouille vulgaire et l’hypocrisie, j’ai risqué. Pourquoi donc tout cela, est-ce la question d’un bonhomme ? J’ai fui l’étude de mes misères et les conforts un peu trop moelleux ; j’ai fui la bonne parole de l’honnête chrétien et des aveugles voyants ; fui la justice, les lois, les paperasses et la vie des grandes villes. J’ai tout quitté pour ainsi me reposer et ne plus m’endormir sous le froid amer et dur des sortes de monde absurde que fondent les gens de ce siècle. Et pourtant, y réside de l’attente dans ces dedans, une espérance de vivre, etc., etc. j’en dirais tant et tant. La fatigue me gagne, je me suis pris au piège d’une existence non souhaitée et que nécessairement j’assume, oubliant un peu. Je vais partir au travail, dans quelques instants. Je ne crois pas que cette vie-là durera encore longtemps. L’instant proche d’une fin de scène, un livre s’achève, une autre histoire s’apprête, elle va venir, un nouvel ouvrage s’amène, j’aurai […] printemps bientôt, d’après les registres.

*

résolutions

Faut-il prendre son mal en patience ? L’existence nous conduit à mener de drôles de vies… Et sans cesse ces interminables questions… ne réfléchissez pas de trop, ne vous torturez point ainsi l’esprit, laissez-vous vivre, voilà tout ! Mais ce n’est pas si simple. Vous ne vous en tirerez pas à si bon compte ; suivons le grand scaphandrier et descendons, il a à nous montrer bien des profondeurs dans cet immense vide, notre vague histoire.

Ne jurons pas, de par le mal et le bien, découvrons notre façon d’exister et d’être, ne développons pas de théories ni de philosophies inutiles. Vivons dans le vif du sujet, cette terre réaliste autant qu’elle soit ; persistons au cœur d’elle, parmi nos actes qui comptent seuls, et notent la trace de notre parcours (je n’arrive plus à me comprendre…).

La parole demeure bien morne, sans le mouvement de la main et des bras, elle ne vaut rien. Elle papote et l’esprit écoute. Elle cause et la vie s’écoule. Elle repose et la cervelle s’en va dormir un temps. La pause des grands parleurs et avant eux le vide, semble-t-il ? Pendant leur existence, puis l’éblouissement après, la mort venue, là à l’éminente leçon, beaucoup y méditent des façons ; s’en ajoutent d’autres, avec des idées à la peau neuve, qui vous demandent une rançon, et arrangent des menaces qui vous écourtent… la gloire reste un sobriquet foireux !

Pendant ce temps, dans le pays, les hommes « peuples » adjoignent au monde, de vastes cités qui sans cesse s’élargissent d’une quantité perpétuellement insatisfaite ; le béton coule et forme l’éphémère, la platitude du moment. Est-il nécessaire de voyager pour aller dix siècles plus avant voir la mine des ouvrages ? Quelle gueule aurait-elle ma tombe ? Je crois que le temps et son univers avancent semblablement, sauf que chaque atome se montrera comme un peu moins vieux jeu et que l’être que nous sommes sera épanoui différemment et plus éclairé en somme, espérons-le ; l’énergie, son intensité devenue éblouissante de clarté, ira, dans un monde de lumière, flirter avec l’éternité. Le mythe a à peine commencé, que déjà, il s’arrête à ta porte, aujourd’hui ; une force morose me dit à nouveau « stoppe tes ardeurs », inutile de les réveiller à cette heure.

*

Puis vint le jour où je n’eus plus faim, et le corps s’en contenta bien. La mangeaille douloureuse de l’engraissement systématique cessa enfin ; j’osais graver au creux de mon crâne ces résolutions : « Changer le processus de mes fientes, agir autrement sur le repas et les façons de mettre les aliments à la table. Ingurgiter différemment les mets que l’on y dépose. Réduire progressivement le mangement au strict minimum. Atteindre la maigreur obstinée et soulager ma carcasse de ses embonpoints. » Ce jour arriva paisiblement au hasard du temps. Maintenant, laissons l’esprit reprendre le dessus, et engager une parole et des actes… ce ne fut guère un combat, cela allait de soi, c’était évident, l’évidence même, les expériences du moment cédèrent la place à d’autres, nouvelles. L’enfance, dorénavant disparue, j’envisagerais un grand voyage pour changer de tout, peu à peu, du regard, dire et agir, les ajouter différemment !

Comme ce corps se composait en deux manières, l’une banale et consciente de peu, l’autre étrange et percevant tout maîtrisait progressivement la première. Tout cela se fit en quelques ans. Il n’avait qu’à suivre et se taire, des douleurs de l’âge et du passé, de seulement s’y résigner. L’esprit fit un coup d’État, une mainmise sur la souffrance, les désirs et les instincts. La carcasse vivante se laissa capturer, emprisonnée sans être révoltée, simplement un peu mise de côté ; sans violence, elle lui donna l’énergie, la force essentielle au déplacement des pas et du maniement des objets ou de toute chose qui nécessitent du corps, la main, le geste, l’aplomb du réflexe et des mouvements bien appris.

La mutation, quoique lente, obligea un changement de vie très nette. Une libération des contraintes inutiles et réductrices. L’intelligence apportera les moyens de subsistance à la plus juste mesure, la nourriture sobre et minimum et des biens limités à l’indispensable le plus précis.

*

anticipation, présage, sensations,
comme une fin du monde, je ne sais…

C’était un jour incertain… non, peut-être une aube, les jours ne valaient plus rien de toute façon. On ne comptait plus, il n’y avait plus aucun système, la mer s’étendait toujours et les paysages calmes soudain depuis quelques ans reprenaient de l’ampleur. La sphère terrestre redevenait invariablement magnifique ; le vent parfois, proche de l’opaque, des sortes de sable laissaient dans ses tourbillons des amas au long des collines et des monts. Et le temps lourd, peu à peu, fit place aux éclaircies. Quelques siècles obscurs, pourrait-on affirmer, s’abandonnèrent ainsi à une nouvelle parure. Le monde n’apparaissait pas neuf, mais comme lavé de quelques crasses… il n’y avait ni beau, ni laid ; en fait seulement, un semblant d’indifférence, ces valeurs n’auguraient rien d’essentiel.

La manière de vivre est devenue « un genre », aux dires des rumeurs. La parole simple depuis cette époque a laissé une empreinte, une odeur, on en venait à en discuter… Un vent est passé par là et sans cesse fait vieillir et mourir, naître et disparaître, enfin, l’affirmer est bien banal. On raconte un peu partout cette histoire de « naguère et des autres fois », cela soulève le rire des enfants. Les plus anciens parlent de ces temps avec comme du mépris. On cause d’une aube, des reproches et de la passion. C’était des époques enivrantes.

La vie, la nature, le monde, l’univers se meuvent constamment, ils en ont voulu autrement. De mémoire de civilisation, on n’avait pas connu un aussi grand bouleversement en si peu d’ans, ou de tour de terre autour de l’étoile, notre soleil.
Autant que les mémoires de toutes sortes se souviennent, le changement commença peu à peu à prendre sur les habitudes comme une moisissure. Ce qui, en quelques dizaines d’années, provoqua des clans, une avant-garde, des classes sociales toutes nouvelles, c’était le terme approprié. On parla comme d’une épidémie venue du cœur des origines des hommes. Dans les pays de sud, une espèce de lèpre, un virus, un cancer soudain naquit et des rêves s’opposèrent ; on opprima la maladie et des courageux l’étouffèrent comme un ennemi. Une fatalité pour certains, un prétexte pour d’autres, tout sentait bon, favorable à la moindre suspicion. Le mal des uns fut enseveli, il changea même de nom, mais la vie promet des ornières d’un autre renom […]

*

Et après cela, je dis, et cætera, et cætera, pour le reste, je laisse un pense-bête au creux de ma tête ; ou peut-être, devrais-je m’arrêter là, j’ai bien peur d’inventer une légende avec tout ce qui va dedans ; qu’ai-je donc à tant imaginer ; et puis, on pourrait bien m’espionner ?