(parole en marchant – 15 nov. 2017 à 18h44)
—> 3. « singes savants », philosophia vitae :
(version)
Puisqu’il vous dit qu’il cherche, qu’il souhaite cet entendement, un processus chimique, peut-être, cérébral, nerveux, électrique, ce que vous voudrez, il s’est instauré à travers ses synapses, ses neurones (ce sont leurs rôles), sa structure tout entière ; discerner les éléments communicants, l’information qu’on peut envoyer et celle qu’on peut recevoir, dans un ping-pong, essayer de converser en direction de l’entité que l’on regarde, oui, essayer d’y trouver ce qu’elle vous amène, celle-ci ; le peintre vous racontera tout de suite, dès que s’en vient une image dans sa tête, l’ingurgitation devient un tableau, une esquisse, un dessin, une reproduction, une inspiration de la forme, de la couleur, de l’atteinte de la teinte, de la sensation, qui le perturba ; l’intellectuel… et bien, l’intellectuel y mettra des mots, le rêveur, toute une poésie, celui qui adore chanter en fredonnera une chanson ; celui qui aime trancher se dira quel bel arbre quand il sera coupé, à chacun son imaginaire ; vous aurez obtenu un échange d’informations et l’entité, si elle perçoit votre présence, peut y réagir à sa façon, qui ne sera pas la vôtre ; un arbre ne parle pas, il murmure, il gronde sourdement, très sourdement même, que ses feuilles il les agiteraient à l’occasion d’un souffle, puis à cause de sa sève mûrit la pomme, pour qu’un vent fasse en sorte qu’elle tombe sous ma dent ; mais s’il ne produit plus de pousses, si sa structure tout entière ne semble plus vraiment vivante, mais abrite toute la smala existentielle qui va le digérer, le manger et le détruire, pour récupérer toute sa substance, tous ces êtres consentants vous entendent, vous aperçoivent à leur manière ; ils n’ont pas d’yeux, mais ils possèdent des éléments, des capteurs qui vont d’une manière ou d’une autre, plus ou moins perceptiblement, détecter votre présence, quoique si cette captation reste infime, vous verrez cette information qui dira, « une entité mouvante, élément d’une consistance calorique de telle température, a propagé quelques atomes de chaleur sur l’écorce dégénérée de cet arbre mourant » par exemple ; si vous marchez dans l’eau, une flaque, à côté de lui, ce tronc, debout toujours, cette vibration de molécules liquides va bouleverser quelque peu les structures environnantes ; et par ses racines, de l’âme, encore vivante, lui amènera une petite sensation, persistera momentanément une pesanteur au-dessus d’elle, qui modifie d’une ridicule façon leurs protubérances, et par cette compression sommaire, cela a suscité l’exhalaison d’un humus ou d’un mycélium quelconque, pour activer plus intensément l’échange chimique qui s’opérait fugitivement ; concevoir des informations qui transitèrent ainsi pareillement, par exemple ; pourquoi pas ? Le scientifique utilisera des mots plus savants, moi, simple narrateur de la chose, je recrache les termes que l’on me donna, ce que mes lectures m’apportèrent, et ma mémoire vous les régurgite en produisant la synthèse de ceci, voilà, ce que d’autres ont perçu passagèrement, eux aussi, d’une manière inévitablement plus érudite que la mienne ; moi je ne trafique que de la prose, et désire susciter en vous un entendement, peu importe ce qu’elle ose, ou ce qu’elle vous demande cette prose ; elle a l’idée que j’émette quelques fariboles pour que vous égreniez quelques réflexions, à me soumettre si cela vous émeut quelque peu, ce sujet-là que je vous ai amené, une sensation comme ça qui traversait vaguement l’air, à la contemplation de cette carcasse encore debout, cet arbre que l’on dit mort et qui, par les quelques branches qui finissent ses terminaisons du dessus, s’étiole lentement ; évidemment, je ne vois guère poindre ses racines comme tous les prolongements de tout ce qui s’en va en dessous ; observez l’élégance de ces ramures inanimées, maintenant qu’ils ne pousseront plus, qui n’auront pour tâche que de se désagréger en restituant au reste de la nature, ce qui les élabora ; dans dix ans, peut-être avant, il n’existera probablement plus ; vous ne trouverez qu’une indistincte souche corrompue, avec quelques lichens des mousses sommaires se seront imposées et se serviront momentanément de lui comme support adéquat à un quelconque développement ; l’enchaînement des choses s’est toujours déroulé ainsi, une entité quand elle disparaît dans sa forme originelle, laisse un jour la place à une adaptation, une solution, un émiettement de ce qui la constitua, au bout du compte ; et comme tout être, un jour s’en ira finissant, nous devrons tous l’admettre… Nous devrons tous l’admettre que de notre sort s’ensuivra un pareil recommencement…