(parole en marchant - 3 sept. 2017 à 19h04)

—> 3. « singes savants », considérations philosophiques :
—> (Monologue du vieux savant, dans la forêt, avec des journalistes)

(version)

Vous vous enorgueillissez du fonctionnement de votre cerveau, de ses capacités, de votre intelligence, sans vous soucier des propos d’une vanité incommensurable, comme si l’homme se présentait à l’apogée de la chose vivante, comme si nous étions les propres créateurs de ce que nous sommes ; non ! cette… assertion reste tout bonnement abusive et fausse alors que j’ai l’impression que c’est plutôt l’inverse, je vais vous expliquer mon point de vue :
Le fait d’évoluer dans un système de croyances peut-être à un moment a permis à notre espèce d’acquérir un certain nombre de notions ; je pense que celle-ci comble un déficit de perception de notre environnement, on croit sur ce que l’on ignore, ou mieux, on met des croyances sur ce que l’on ignore. Progressivement, les sociétés, plus elles se modernisent, plus elles oublient, perdent les rudiments des réalités et du monde qui les entourent ; comme cette assertion, habitude du langage, se révèle fausse ; nous ne sommes pas entourés d’un extérieur, nous évoluons au-dedans ! C’est tout à fait différent, tant et si bien que beaucoup considèrent les villes comme si elles formaient des entités en dehors de la nature, non ! nous nous trouvons dans le vivant, nous ne subsistons pas en dehors ni à côté, nous voilà bien inclus ! Et cette soi-disant intelligence, qui nous a permis de réaliser un certain nombre de choses, ce fut au détriment de la perception, de la communication, de l’échange avec les existences qui nous environnent, elles persistent là comme nous ; elles obéissent aux mêmes règles, elles ont les mêmes droits… droits ni de pas de droits d’ailleurs ! Ce n’est pas le problème ; nous subsistons sur cette planète au même titre qu’une fourmi, une libellule, voire un moucheron, ou un oiseau, ou n’importe quel être, n’importe quelle bactérie ; personne n’a demandé à vivre ici plus qu’ailleurs ! Les choses sont ! Et vous êtes ! Point ! Ne nous posons plus cette question, elle s’avère inutile, c’est ainsi, on ne va pas tergiverser là-dessus indéfiniment…

Mais notre prise de conscience sur certains faits, au détriment des autres, notre accaparement au détriment de la perception de ce qui nous entoure et dont nous sommes une partie, abîme le milieu naturel ; au détriment, préciserais-je d’un discernement comme si des neurones auraient été… ou des morceaux de notre code auraient disparu, à oublier ce qui nous aiderait à mieux percevoir, à nous mettre en relation plus activement avec notre environnement, un concept enlevé par on ne sait quelle stratégie ; ou peut-être déficience ? Je veux bien concéder une déficience, car le phénomène me paraît suffisamment prépondérant pour qu’il soit, de mon point de vue, notifié ; l’excès d’une évolution reste toujours au détriment d’une autre, comme notre excès de confiance, notre vanité incommensurable, ce que nous sommes, le fait de « croire », sont des choses concomitantes, elles demeurent là pour combler cette déficience de notre symbiose avec le réel ; nos sens ont comme oublié ce que nous sommes ; et les relations de nos ancêtres à défaut d’apparaître plus primitives, semblaient bien plus sensitives envers la nature, avant que nous devenions le type d’homme que nous sommes… me parait-il ?

(Ils pataugent dans une zone marécageuse)

Oups là ! Ça va ? Vous comprenez ? C’est pas très compliqué, ce que je vous dis, ce sont des notions que nous avons perdues, certain de nos ancêtres les avait perçues, et comme le hasard, une mutation génétique nous a donné une capacité que nous n’avions pas encore mémorisée, celle d’appréhender le monde, ce qui nous a permis de créer notre savoir et toutes ces technologies se forment au détriment du reste, c’est évident, enfin pour moi !

(L’endroit devient infranchissable…)

Ah oui ! Là, c’est trop… trop sauvage là… nous allons prendre des chemins plus praticables ; suivez-moi, n’ayez pas peur… Je désirais seulement voir où cela en était, mais c’est pas mieux qu’avant… Les hommes n’ont pas ouvert ni frayé de passage plus que cela, la nature reste préservée par ici… C’est très bien d’ailleurs… Et ces notions, justement d’appréhension du monde, sont peut-être à retrouver chez certains êtres qui vivent plus naturellement ; et ce n’est pas un aspect commun à tous, le fait de cohabiter dans des communautés dématérialisées si abstraites que représentent les villes devient un système qui se considère au-dessus de la vie, cela est tellement déficient… On va essayer de monter sans se casser la gueule… ne nous cassons pas la gueule…

Vous voyez ce que je veux dire ? L’excès de quelque chose va toujours, à un moment ou un autre, va contrecarrer, réduire certains caractères ; évidemment, la plupart des animaux n’ont pas développé, ou ne se sont pas trouvés dans des conditions à développer un type d’intelligence analogue au nôtre ; mais ils en sont que plus reliés au vivant. Nous ? Nous nous enfermons dans notre communauté et nous ne nous en détachons guère, refusant presque toute symbiose, observez dans nos romans, par exemple, comment l’on décrit la nature ; rien n’est plus effarant de relever les comportements des hommes à concevoir leurs petites affaires comme si la terre était un terrain conquis, un terrain de conquête à venir, alors qu’il n’y a rien à conquérir ; nous sommes… nous nous trouvons sur cette planète au même titre que les autres, et elle ne nous appartient pas plus qu’elle n’appartient à quiconque, les choses nous sont offertes dès la naissance, et tout ne représente qu’un accaparement momentané, le temps de votre existence vous occupez un espace ; après votre mort cet espace redevient disponible… il n’est plus encombré de votre présence, il est libéré de l’un et repris par d’autres ; mais l’homme a ajouté une notion de propriété, le lion défend son territoire d’une façon analogue, certes ! Mais la relation avec le vivant n’est pas la même ; c’est un paresseux et les femelles, les lionnes, ce sont plus ou moins elles qui assurent l’intendance, ou réalisent le plus gros du boulot, le lion reste un peu à l’égal du mâle humain, un grand flemmard qui n’a qu’une envie : qu’on lui foute la paix et pouvoir niquer de temps en temps, en dehors de ça, il s’emmerde ! Alors les hommes ont rajouté autre chose, quand ils s’emmerdent ils s’épanouissent à travers des conneries, et la connerie des hommes c’est de se taper sur la gueule, de s’entretuer pendant les guerres… Cette notion addictive, assez systématique chez nous, demeure concomitante, comme je vous le disais, avec le fait de croire et de défendre une idée, qui doit être imposée aux autres, toujours au service de quelques-uns, voulant acquérir un pouvoir… Évidemment, avec nous ça a atteint un degré tel, que vous voyez des êtres prêts à réaliser les pires imbécilités possible ; tous les dictateurs de ces derniers temps représentent des exemples extrêmement nombreux, hélas, des êtres plus ou moins caractérisés de débilité intellectuelle que l’on n’ose pas contrecarrer, les laissant faire parce qu’ils possèdent des armes ; leur génie décadent sut toujours réunir toute une troupe de sous-chefs régulièrement décidés à décréter des lois qui les arrangent tous ; le jour où le privilège de l’un d’eux est renversé, où qu’il meure, arrive un… renouvellement, mais remplace une équipe par une autre, tout aussi corrompue que la précédente ; c’est ça qui devient amusant quelque part… C’est pas amusant, pas pour tout le monde… Donc, on reste dans un absolutisme, on n’en change pas les normes, c’est à celui qui prendra la place du rival ; et le concurrent n’a qu’une envie, c’est non pas de faire évoluer la chose, mais de recommencer les conneries du despote écarté ; il veut reproduire les mêmes âneries et ne cherche pas à remplacer cette logique vers plus de démocratie, moins de centralisme ; c’est un peu systématique, c’est tribal… et nous ne sommes pas encore sortis de ce principe, malgré tout, dans les sociétés dites modernes l’on trouve des semblants d’ouverture, très vite vous allez rencontrer une certaine ivresse du pouvoir chez certains, cette volonté de devenir le chef avec des mécanismes ancestraux primitifs, qui sont toujours les mêmes, qui ne progressent pas en fait, c’est ça le problème !