(texte corrigé - 15 nov. 2016 à 19h48, terminé le 3 mars 2017 à 11h49)

—> d’après 3e histoire (les jours z’à bout mi nu, toi le monde ! - 1984 à 1985 )

İpanadrega İl s’arrête un moment pour s’accommoder d’une pause, il a besoin de ressasser sa vie récente et le monde, le voir passer un temps ; il s’assied là au café du coin, commande un verre ou deux ; alors, une frénétique valse de mots s’égrène sur un cahier où il prend note ; lui vient l’idée de dépasser d’un coup, cette sensation d’un cœur déchu ; une multitude d’images comme un catalogue et des flashs l’illuminent, elles défilent et il écrit cette mélodie qui s’évade de lui… il se voit comme un amoureux transit. Il se répète « Est-ce cela le début d’un éveil ? », les mots sortent et s’assembles, ils forment une meute qui l’entoure et lui gueules chacun à leur tour, en guise de souvenirs des sortes d’hallucinations qui l’entête…

Pièce sonore « Toi le monde ! » (version transposée)

—> voir version originale dans 5. ajoutements, récits antérieurs, primitifs, oubliés…, les jours z’a bout mi nu

— Une vision du monde semble obtenir tout l’accord de chacune de mes vertèbres, et mes molécules assemblées unissent calmement mes pensées avec cervelle et années. Ainsi je retrouve la connaissance de mes vertes années laissées hier le long de quelques randonnées. Aujourd’hui, je vois, je vois… un ciel ; un ciel bleu, m’appeler, me prendre, me pardonner ; la vie, la vie trop ratée. J’ai pour mission de m’élever, la tête dans les étoiles. Un rayon la nuit ne cesse de m’interpeller, comme j’ai envie de m’y accrocher ! La vie ! la vie sans cesse recommencée et conscience, conscience, la vie ne cesse de me donner, j’apprends, j’apprends du fruit de mes vertes années et le monde, le monde qui m’a formé, ah ! ce monde, je veux le cerner, le croquer, l’avaler, le brasser, le dénuder, absorbé que je suis, un soir sans soleil ni pluie dans mes pensées…
— Toi le monde, tes algues vertes, tes plantes offertes, tes vagues alertes, et la mer si nette en dehors des grands vents ; vois le gros éléphant, un dahlia bleu, une mouche dans le feu, un bruit d’adieu, une heure pour naître, un enfant qui rend heureux, le noir des profondeurs et le cauchemar d’une vie. Tout ce qui vient dans mon for intérieur est violent et fort ; sur la table du bistro de bois en plaque dure, sur pied forgé et sol de marbre azur, je dis, je dis un peu tout, ce que l’on croit et refuse, comme mettre une croix, interdire ou mener la vie comme une ruse.
Une crevette qui crie, un nid d’oiseaux pieux et l’envol des merles gris ; le ver de terre qui s’enfuit, un pied d’homme qui l’écrase avec bruit sur le sol d’un opéra en ruine ; une mouette en feu, le volcan crache tout ce qu’il peut, la fuite du temps, une femme qui dort, un matin blême, et j’écris, j’écris encore…
— Le facteur un peu trop vieux qui clamse sous un pneu ; l’homme d’affaires, affairé, mémoire en forme de chiffre, en surnombre et gras. Des femmes divorcées dans le bar du soir, gueulant, gueulant sur leur mari absent et illusoire. Une puce a sauté d’un wagon sur une file de soldats creux, souvenirs et ventre à feu et à sang. Merci, merci, sur un ticket de caisse blanc, des lettres bleu dessus ; cigare au bec, j’inscris sur la vitre « c’est la vie ! », la fumée pique mes yeux.
Dans les poches de l’homme plat qui ronge, ronge le désordre, dans sa tête : une horde de carnes claires, c’est le bruit de sa chair, dans ses poches, pas un sous rien ! Seulement des trous ; le bus de trois heures un quart arrive en retard ; ou, horreur, un type se souvient, la dame du gardien sort avec le curé et le fils du paroissien, ragots de mémères et bar des racontars. Une piaule, derrière une fenêtre ; hôtel des bébêtes et cafard en fête ; dans le lit, une femme dort avec un rêve en tête, ah ! j’entends son souffle.
— Grogne ! C’est la guerre, une ville en colère, enfants sur terre de grève, soldats qui pètent et crèvent. À trois mille années-lumière, couchant de Sirius sur une planète inconnue, un lutin de pluie
— couleur de suie - court sur la falaise d’en face
— couleur de glace
— ils meurent en galopant là-bas et naissent par grand vent.
Une panne de robots apeure sur terre, on se marre
— la machine qui claque
— des rêves qui ratent, un matin clair, amour et aléas ; trente-huit degrés centigrades déjà ? On gueule dans la radio « préparez vos paravents, avis de tempête et grands vents tout à l’heure » attention ! Et maintenant, sur la fleur sans vergogne, une cigogne passe et chie, moustiques et guêpes réunies encerclent une cahute toute pourrie ; tragiques colonies
— grand-père ajoute une rallonge à sa vie !
— Une femme qui s’ennuie dort et songe à lui, une enfant près de lui, cet homme au cœur d’envie, qui pleure dans la nuit.
— Entends, écoute… Entends, écoute… Sur le toit, il ne pleut goutte, un givre innocent fait glisser une souris, elle se casse les dents sur le zinc, un rire de rat aux alentours. La vie transporte des drôles de drames et des sortes d’amours avec comme sons dérisoires, des livres, délivrent, des romans de tous les jours, la vie, la vie sans cesse recommencée. Ah ! un verre tombe et se brise ; une orange pourrie sous un soleil de plomb en fait autant, splach ! Dans la poêle du cuistot, une truite ; dans le bar, le bistro, un gars qui a pris une cuite, ça vide dur ce soir, au café de la ritournelle. Banc de saumons en vue, un chalutier de ruse en crut, « on pille la mer de son revenu ! » La pêche, une industrie si preste, une grève en sus. Oui, les dinosaures ont disparu, mais la vie cherche la lumière, n’en est plus à cette entrevue. Dehors il neige et un péquin a vu un oiseau de rien piocher dans la tombe là-haut, quelques graines, qu’un vent poussa de la plaine, dans la grand’ville, des autos et avenues éclairées, bruits de nuit et rêves tourmentés. Je vois oh ! très loin de là, un cormoran plonger et remonter, la gueule empoissonnée. Oh ! là-bas, un soleil de feu cogite un doute atypique et ces bancs de sauterelles qui s’agitent sur les plantations, inquiètes.
— Je vois la mer endiablée du voyage et un frêle homme sur un bateau au large ; les filles des îles vierges, dansez le tamouré ; la flûte d’un fou, répandre sa mélodie sur un flanc d’aisance ; ou, une mère kangourou donne le jour à son petit encore une larve, le vent dans les ramiers sauvages et les feuilles d’automne qui s’en vont… un réverbère sous ma fenêtre, une femme qui dort, le tic tac du réveil, une chambre en désordre et des sentiments qui s’égarent on ne sait où, la vie amourachée et les peines du cœur qui vous font rester.
Mes yeux levés vers le ciel et la joie dérobée au silence, pendant des heures, je n’ai cessé d’écrire, d’écrire ce poème de la vie ou les couleurs de mon appétit. Pourquoi, je n’en sais rien, pour une petite fille sans doute, une histoire à endormir, je n’en sais rien…
J’entends ton souffle tranquille, ça te va bien, cette nuit où tu dors, j’aimerais te dire… heu… heu, mais peut-être j’en ai trop dit… Oui, c’est ça, c’est ça…